Thucydide est, après Hérodote, le second historien grec et, au sens moderne du terme, le premier historien tout court.

En effet, il se distingue de son prédécesseur par une ambition de rationalité et une réflexion sur les causes de la guerre qui en font un auteur remarquablement moderne (mais au point que son détachement rationnel lui a parfois été reproché).

Son sujet est la guerre du Péloponnèse, qui opposa Athènes à Sparte (après les guerres Médiques qui opposèrent l’ensemble de la Grèce à l’envahisseur Perse qui sont traitées, elles, par Hérodote).

Edition de référence :

Les Belles Lettres [par défaut]

Collection des Universités de France (CUF)

La Guerre du Péloponnèse, en 5 tomes, le second tome étant en deux volumes (soit 6 volumes en tout).

Texte bilingue, comme toujours pour cette collection (i.e. texte français à gauche et original grec à droite).

Compter en moyenne 30 € / volume.

Cela porte la Guerre du Péloponnèse à près de 200 €, aussi faut-il signaler l’édition Pléiade des historiens grecs, qui regroupe en en un seul volume pratique Hérodote ET Thucydide.

A vous de jouer maintenant !

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7 réponses
  1. Neo-Birt7
    Neo-Birt7 dit :

    Comme dans le cas d’Hérodote, la tradition manuscrite de Thucydide peut grosso modo être considérée comme solidement défrichée. Les trois savants qui y ont le plus contribué sont Vittorio Bartoletti (« Por la storia del testo di Tucidide », Florence, Sansoni, 1937, brillant petit traité sur lequel Bertrand Hemmerdinger a bâti son, pas beaucoup plus étendu mais vraiment très idiosyncratique, « Essai sur l’histoire du texte de Thucydide », Paris, Les Belles Lettres, 1953), Alexander Kleinlogel (« Beobachtungen zu einigen ‘recentiores’ des Thukydides », Heidelberg, Winter, 1957 ; « Geschichte des Thukydidestextes im Mittelalter », Berlin, de Gruyter, 1965), et Gian Battista Alberti (prolégomènes de sa grande édition critique : « Thucydidis Historiae. Volumen I. Libri I-II », Rome, Istituto poligrafico dello Stato, 1972, pp. III-CXCVIII, corrigés dans les préfaces des deux autres tomes, surtout le troisième [ibid. 2000], avec un nouveau stemma, p. XIX). Sept manuscrits médiévaux anciens divisés en deux familles (α = CG et β = ABEFM), plus H, le Parisinus 1734, du XVe siècle seulement mais préservant une tradition antique comme en attestent ses accords avec certains papyri, et la version latine de Lorenzo Valla basée sur des manuscrits perdus, dont la grande littéralité de son rendu nous autorise à reconstituer le grec sous-jacent, suffisent à établir le texte courant, les papyrus apportant un appoint ponctuel ; mais la contamination est virulente au sein de ces états du texte, et les éditeurs se partagent en fonction de leur attitude envers les leçons transmises. Il faut savoir que Thucydide, brillant élève des Sophistes, profond penseur politique et l’une des plus belles intelligences de l’Antiquité, soumit le grec en usage dans son milieu et son époque (le vieil attique) à un effort de tension et de concentration très grand. L’Histoire de la guerre du Péloponnèse est donc écrite dans un style à l’opposé de l’élégance coulante mais un peu flasque, des proto-périodes narratives ou oratoires paratactiques dans lesquelles s’exprime Hérodote ; on ne sait jamais comment les longues périodes carrées, vigoureuses et abruptes de Thucydide vont se dénouer, ni s’il faut y attendre le type de conformité avec les règles de la syntaxe (pré-)classique valant pour son époque telle du moins que nous la connaissons à partir de la tragédie et de la comédie ancienne, des Sophistes (Gorgias, Prodicos, Dissoi logoi) et des plus anciens parmi les orateurs attiques (Antiphon, Andocide). La plupart des éditions parues depuis la révolution philologique du milieu du XIXe siècle se sont montrées résolument conservatrices, en maintenant et cherchant à expliquer les leçons du texte qu’elles connaissaient à partir des manuscrits explorés alors. C’est le cas du pionnier Ernst Friedrich Poppo, l’auteur valeureux mais préscientifique d’une énorme édition critique et commentée (Leipzig, Fleischer, 1821-1840, 11 vol.) au cours de laquelle il corrige très rarement le texte au motif que Thucydide antidatait la fixation grammaticale et s’autorise beaucoup de constructions hardies qui n’en sont pas pour autant les solécismes dont s’indignait quatre siècles plus tard Denys d’Halicarnasse. Participent de la même conception précautionneuse du métier d’éditeur, dans laquelle les Textkritiker non conservateurs ont raison de voir un renoncement pur et simple, l’editio maxima de Karl Hude (« Thucydidis Historiae ad optimos codices denuo ab ipso collatos », Leipzig, Teubner, 1898-1901, 2 vol.) ; son editio maior (Leipzig, Teubner, 1913-1925, 2 vol.) ; dans une moindre mesure l’Oxford Classical Text de H. Stuart Jones (1898-1902) révisé par John Enoch Powell (Oxford, 1942, 2 vol.), où Powell a insufflé un progrès diplomatique capital sur Hude mais ne modifie le texte reçu qu’avec parcimonie ; la Budé lancée par Louis Bodin puis achevée par Jacqueline de Romilly et Raymond Weil (Paris, 1953-1972), sous le prétexte que « ce qui est sûr, c’est que le texte de Thucydide nous est transmis par toute une série de philologues. Pour cette raison, il nous a paru nécessaire de limiter le plus possibles les réfections philologiques, dans un texte qui semble n’en avoir déjà que trop subi » (I, p. XXXIV et la note 1) ; et la traduction Roussel, citée infra (cf. p. 679 haut). La refonte, abandonnée à peine ébauchée, de la maior de Hude par Otto Luschnat (Leipzig, Teubner, 1954, réimpr. augmentée et corrigée 1960, livres I-II seulement ; tout paru), puis Alberti, en sont les avatars les plus sophistiqués ; à trop peu d’exceptions près où l’éditeur ose asserter un jugement à la fois indépendant et iconoclaste, ces travaux ne valent que par le soin ayant présidé à la confection de l’apparat et le relevé des variantes, tout particulièrement copieux dans l’édition italienne. La tendance critique, celle consistant à peser au trébuchet non seulement chaque lieu variant sans préjuger a priori de la correction des leçons transmises mais encore et surtout à identifier les corruptions textuelles qui peuvent gésir dans des passages où les manuscrits sont unanimes sur une seule leçon, a été illustrée avec éclat par l’édition très rare d’Henrik van Herwerden (Utrecht, Kremink, 1877-1882, 5 vol.) puis dans la révision du commentaire avec Lesetext de l’honorable mais limité Johannes Classen (1862-1878) à laquelle le grand quêteur d’interpolations que fut Julius Steup consacra toutes ses forces pendant des décennies (8 vol., Berlin, Weidmann, 1892-1922 : vol. I-II en conquième édition, III-VIII en troisième). C’est aussi, avec davantage de retenue, l’approche suivie par l’édition explicative en allemand du savant libraire-imprimeur et immense spécialiste de la grammaire grecque Karl Wilhelm Krüger (troisième mouture, 1858-1861, 2 vol. en 4 tomes — la première date de 1846-1848) ; le sens linguistique y est beaucoup plus solide que chez Poppo. Le nouvel Oxford Classical Text de Thucydide préparé par le Français Gauthier Liberman devrait faire montre du même positionnement, pour autant que l’on puisse en juger d’après les éditions rien moins que conservatrices de Valérius Flaccus, des Silves de Stace et de l’Octavie du Pseudo-Sénèque confectionnées par ce philologue.

    Les commentaires à Thucydide sont légion. Si celui de Poppo mérite encore le détour, malgré sa vieillesse, basique reste l’équilibré (Textkritik + exégèse historique) Classen-Steup rapproché du magistral « Historical Commentary on Thucydides » d’Arnold W. Gomme terminé par Antony Andrewes et Kenneth Dover, Oxford, Clarendon Press, 1944-1985, 5 vol. Le remplacement de ce grandiose ensemble par Simon Hornblower, « A Commentary on Thucydides », ibid., 1994-1997-2008, 3 vol. dont le dernier est le double en taille des deux précédents, constitue une mise à jour historique et bibliographique compétente mais tend à se perdre dans une narratologie au petit pied tout en ne procurant aucune espèce d’aide philologique et grammaticale. La paraphrase structurelle systématique d’Haruo Konishi, « Power and Structure in Thucydides. An Analytical Commentary », Amsterdam, Hakkert, 2008-2009, 5 vol. et 2500 p., complète sur un angle original ces deux exégèses oxoniennes mais son hypothèse de depart congédie de manière assertorique le résultat d’un siècle et demi de critique interne (« my intentions in writing this Commentary are two: one is to demonstrate in detail the structural rationale of Thucydides’ composition, and the other to present analytically the theoretical system of the concept of power that determined the contents and the arrangement of Thucydides work as a whole. The novelty of the present undertaking is to have abandoned the traditional preconception, still universally upheld, that Thucydides composed an incomplete history of the Peloponnesian war, and to see his work, as we have it today, as a finished study of power transactions during a specific period »).

    Toute traduction d’un auteur à la pensée magistrale couchée dans un style très personnel et tourmenté ne saurait faire sens que rapprochée de son texte de base afin d’en estimer la pénétration linguistique. Or le français, avec son ordre des mots très fixe, sa structure normée, sa répugnance à allonger les phrases pour en faire autre chose que des périodes (néo-)classiques, est sans nul doute la langue la moins apte parmi les principaux parlers modernes à ce qu’on tente d’y transporter quelque chose des idiotismes syntaxiques du grec thucydidéen. Les traductions ont donc été aussi peu nombreuses au XXe siècle qu’au XIXe (où il n’y en eut que trois : Didot, publiée par la maison éponyme [1833], Zévort, chez Charpentier [1853], et Bétant, chez Hachette, [1863], après son méritoire « Lexicum Thucydideum », Genève, Carey, 1843-1847, 2 vol.). Celle de Jean Voilquin aux Classiques Garnier (Paris, 1936, 2 vol.) n’a souvent qu’un rapport assez lointain avec le grec de Hude que l’auteur prétend (I, p. XVII) avoir suivi en y apportant des modifications en réalité absentes des notes, en raison des libertés qu’il a prises ; on retrouve la même piètre méthode dans ses éditions Garnier de l’Ethique à Nicomaque et de la Rhétorique d’Aristote. Comme le Polybe de Pierre Waltz, le Thucydide de Voilquin se lit avec plaisir par qui veut un premier contact facile avec l’Histoire de la guerre du Péloponnèse. Nettement supérieures sont la traduction Denis Roussel, dans l’Hérodote-Thucydide de la Pléiade (Paris, 1964, faite sur la base de Stuart Jones-Powell avec une cinquantaine de modifications listées pp. 1335-1337 mais jamais justifiées dans les notes) et celle en vis-à-vis du grec dans l’édition Budé. Le travail de jeunesse de Roussel est compétent et relativement honorable, le style simple, lisible, direct ; au contraire, la version revenant selon les cas à Bodin révisé par de Romilly, à de Romilly ou Weil est beaucoup plus littéraire et fignolée, presque maniériste, et donne une idée très académique des recherches formelles auxquelles il arrive trop souvent à Thucydide de succomber. Je suggère de consulter ces deux traductions à la fois.

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    • francis moury
      francis moury dit :

      Et la traduction anglaise de C.F. Smith en 4 tomes chez Loeb Heinemann, cher Néo-Birt7 ?
      J’ai relu deux ou trois fois votre commentaire initial avant de vous poser la question car je croyais l’avoir raté mais il me semble bien (sauf mauvaise vision ou erreur de ma part) que vous n’en dites pas un mot ?

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      • Neo-Birt7
        Neo-Birt7 dit :

        La traduction Smith remonte à 1919-1923, soit aux tout débuts de la collection Loeb ; malgré sa date et la piètre réputation justifiée qu’ont beaucoup de volumes anciens de cette série, elle demeure l’un des efforts les plus consciencieux et honnêtes pour transporter Thucydide dans un anglais serré mais lisible. On n’en dira pas du tout autant de la traduction très répandue de Rex Warner dans les Penguin Classics (1972 ; en réalité une libre paraphrase). Plutôt que la version, bien conçue certes, à la différence du Thucydides de Benjamin Jowett (1881), mais faite d’après un texte largement dépassé, de Richard Crawley (1876 ; Donald Lateiner l’a révisée pour les Barnes and Nobles Classics [2006]), le choix se portera soit sur le ‘second printing’ corrigé des erreurs et omissions de l’édition originale, du Thucydides de Steven Lattimore chez Hackett (Indianapolis, 1998), soit sur l’Oxford World Classics de Martin Hammond (2009, avec une riche annotation par Peter J. Rhodes). On aimerait avoir autant de choix en langue française…

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        • francis moury
          francis moury dit :

          Un grand merci pour la précision sur la Loeb. J’ai tort de nommer l’éditeur Loeb Heinemann puisque Heinemman s’est retiré de son association avec Loeb depuis 1989 circa.
          En lisant le site de Loeb, j’ai pu apprendre que depuis 1989, depuis que Harvard University Press a repris le catalogue et surveille / parraine / encourage dorénavant Loeb, ils ont mis au point un programme, assez analogue à celui de Budé par exemple, consistant à re-éditer et à re-traduire, tenant compte des progrès de la progression (dis)continue de la recherche philologique d’une part, de l’exigence accrue de précision et de vérité dans les traductions d’autre part (allusions sexuelles dorénavant traduites et non plus édulcorées ou traduites en… italien).
          Du coup, cher Neo-Birt7, je rebondis pour vous suggérer de donner systématiquement votre avis, lorsque vous comparez les éditions philologiques, sur l’édition Loeb (qu’il s’agisse d’une « bonne » ancienne comme cette Smith) ou d’une révisée et revue post-1989.
          Pourquoi cette excitation et cet intérêt pour Loeb, me demanderez-vous peut-être ?
          Eh bien, il tient à plusieurs facteurs :

          – les volumes sont reliés;

          – leurs jaquettes sont belles (les codes couleurs Grecs vert et Romain rouge me plaît : il me rappelle le même code à l’époque des Budés reliés pleine peau de mouton des années 1970 et aussi celui des Budé « grandes oeuvres de l’antiquité traduites en français » lorsqu’ils étaient reliés sous rhodoïd);

          – j’ai donné quelques coups de sonde dans leur collection et je garde un bon souvenir du Plotin, Enneades II par Armstrong chez Loeb;

          – L’apparat critique en latin des Oxford classical texts est formidable, universel et éternel (en puissance sinon en acte) mais moins commode à manier pour un étudiant qu’un apparat critique en français ou en anglais. Je laisse de côté la question des Teubner : même si on n’est pas germaniste, je reconnais qu’il passer sous leurs fourches caudines pour savoir de quoi on parle en matière philologique;

          – Last but not least, le prix d’un Loeb relié est le tiers de celui d’un Budé. Pourtant la fabrication, le papier, la reliure me semblaient aussi mignons que celles de Budé. Impression variable selon les périodes car certaines périodes Budé furent riches au sens physique : années 1960-1975, notamment.

          Voilà mes raisons d’aimer les Loeb et pourquoi votre avis dessus m’intéresse.

          J’ai négligé un ultime argument mais ce qui va sans dire allant toujours mieux en le disant, pourquoi ne pas le préciser ? Lire un Loeb permet à la fois d’exercer son grec, son latin ET son anglais. Doublement utile à chaque fois, donc.

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  2. Neo-Birt7
    Neo-Birt7 dit :

    Un bon point de départ, peut-être un peu difficile vu son niveau de sophistication et sa technicité, mais très clairement et même élégamment écrit, ce qui repose du jargon historiographique inspiré des sciences humaines auquel s’abandonnent trop de savants, pourrait être G. Liberman, « Les préliminaires de la guerre. Prolégomènes à la lecture du premier livre de Thucydide », Bordeaux, Ausonius, 2017. Pour une approche plus indolore, très littéraire et sans doute trop générale, mais dont la diversité a le mérite de baliser un certain nombre d’aspects de l’oeuvre, cf. le recueil d’articles de J. de Romilly « L’Invention de l’histoire politique chez Thucydide », Paris, Presses de l’ENS, 2005. Le lecteur pressé dispose, quant à lui, de la notice de Luciano Canfora dans son « Histoire de la littérature grecque d’Homère à Aristote », Paris, Desjonquières, 1994 (édition italienne originale, 1989²), pp. 335-368, vaille que vaille compte tenu de la personnalité scientifique de l’auteur (un spécialiste lightweight de Thucydide et une « diva » dont la notoriété hors des cercles académiques, aujourd’hui pas mal écornée, fut aussi bruyante et hâtive que mal étayée par ses réalisations savantes).

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    • DraaK fut là
      DraaK fut là dit :

      Ah, ah. Votre sens de la formule : l’incisivité du scalpel allié au souffle du lance-flammes. Plus grand chose ne remue après votre passage.
      Merci pour ces précisions. J’y reviendrai après lecture…

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