« On ne lit jamais un livre. On se lit à travers les livres pour se découvrir. Le plus grand livre n’est pas celui qui s’imprimerait dans le cerveau comme s’imprime sur un rouleau de papier un message télégraphique. Le plus grand livre est celui dont le choc vital éveille en nous d’autres vies, et de l’une à l’autre propage son feu et, devenu incendie, bondit de forêt en forêt. »
(Romain Rolland)
Le propos du site
Ce site est un espace de discussion sur les meilleures éditions françaises des grands auteurs de la littérature mondiale. Et comme « grand auteur de la littérature » ne veut rien dire, disons pour faire court : Quelles sont les meilleures éditions des « grands classiques » ?
Il ne s’agit pas d’attribuer un prix d’excellence, mais plutôt de discuter des quelques éditions de référence, sur quelques critères :
- établissement des textes
- qualité de la traduction
- présence et qualité d’un appareil critique : notes, cartes, index…
- choix éditoriaux (L’édition est-elle bilingue ? En ancien français ? etc.)
- et de manière plus accessoire : qualité physique de l’ouvrage, prix.
L’édition parfaite de l’un n’étant pas l’édition parfaite d’un autre, ce site a pour seule ambition de donner des clés de décision.
C’est un projet qui dépasse de loin mes compétences littéraires ; aussi je me contente d’ouvrir un lieu de discussion pour les plus sachants que moi. Que ce lieu et ces discussions profitent à tous.
Le choix est très contestable, mais par défaut :
- Pour le domaine antique grec et romain, la meilleure édition, jusqu’à discussion sur le sujet, est supposée être dans la collection « Les Belles Lettres ».
- Pour les autres textes, la meilleure édition, jusqu’à discussion sur le sujet, est supposée être dans la collection « La Pléiade » (lorsque cette édition existe).
- Si l’édition Pléiade n’existe pas, la meilleure édition, jusqu’à discussion sur le sujet et avis contraire, sera celle qui me semble reconnue. Eventuellement, aucune édition ne sera mentionnée.
Dans ces trois cas d’attribution « automatiques », l’édition citée sera suivie de la mention [par défaut].
Au-delà de ce premier prétexte des « meilleures éditions », propagerlefeu.fr permet de partager les ressources disponibles sur chaque auteur : biographies, études, films…
Comment contribuer ?
Le principal avantage de ce site est d’organiser les échanges : chaque « auteur classique » bénéficie de sa propre page, et donc d’un fil de discussion dédié.
Sur la page de l’auteur, vous pouvez intervenir pour signaler de manière argumentée les qualités (ou les lacunes) d’une édition particulière.
Mais aussi :
- Mentionner les livres (ou les ressources internet) très recommandables
- Expliquer pourquoi l’auteur est un « classique » : pourquoi il eut du succès en son temps ; pourquoi il est une pépite pour un lecteur contemporain ; pourquoi sa lecture vous a changé…
Qu’est-ce qu’un classique ?
La question pourrait faire l’objet d’un blog entier, et c’est un sujet qui fâchera forcément.
Retenez que le site contient pour l’instant une sélection très étroite, mais appelée à s’élargir ; et que la sélection reflète égoïstement les goûts de votre hôte.
Dans ce site, les auteurs (plus que leurs ouvrages) sont désignés comme « classiques ». Exemple : Rimbaud est « un classique ».
Lorsque l’ouvrage est collectif ou d’auteur inconnu, alors c’est l’ouvrage lui-même qui est désigné comme étant « un classique ». Exemple : Gilgamesh est un classique, de même que le Mahâbhârata.
Les auteurs que l’on peut considérer comme connus par un français pris au hasard dans la rue, et qu’un professeur de français pris également au hasard considérerait comme des classiques ont leur place sur ce site (classique : qui s’apprend en classe). Ce sont deux critères cumulatifs (et pour partie une lapalissade : sont classiques ceux que l’on considère comme des classiques, comme sont commerçants ceux qui font des actes de commerce, un acte de commerce étant l’acte habituellement accompli par un commerçant…)
Dans ce sens, Voltaire et Hugo sont des classiques. De Quincey, déjà moins, quoi que l’on puisse penser de sa valeur littéraire. Je termine à l’instant le second volume d’une trilogie d’Agota Kristof ; dans mon coeur et mon esprit, je sens bien qu’elle est un classique. Mais dans un premier temps, elle n’a pas la notoriété pour être listée ici.
Si le site parvient à son but et qu’il est d’une petite utilité, alors il sera temps d’élargir le spectre à d’autres auteurs moins grands publics, d’approfondir les domaines étrangers, etc.
J’ai toutefois tenu compte de quelques auteurs (beaucoup) moins connus, dans la mesure où ils ont écrit sur une œuvre ou complété une œuvre importante : Quintus de Smyrne a écrit « la Suite d’Homère », Triphiodore « La Prise d’Ilion » et Collouthos « l’enlèvement d’Hélène ». Ces auteurs confidentiels se rattachent bien évidemment au cycle de Troie et à l’Iliade, œuvre fondatrice. Qu’est la guerre de Troie sans son cheval, sans sa pomme de discorde, sans une flèche bien plantée dans un talon ?
A ce propos, le site est maintenu par un français quarantenaire, assez moyennement cultivé, peu au fait de la littérature mondiale et plutôt bien enraciné dans sa culture greco-romaine. Les domaines « étrangers » (littérature asiatique, africaine, et même Russe…) sont peu présents ; mais il s’agit bien entendu d’une erreur qui se doit d’être corrigée à (court) terme.
L’autre question qui peut se poser est celle de la littérature dite « populaire ». Ce point, pour moi, ne fait pas débat : Jack London est un classique. Jules Verne également. Que la littérature ait un succès populaire est l’indice qu’elle fait partie des classiques plutôt que l’inverse. Le problème qui se pose immédiatement est alors la limite à ne pas franchir (« Harry Potter est-il un classique ? ») ; problème qui trouve sa solution dans une esquive discrète : J’écarte en grande partie la littérature du XXe siècle ; les noms que je retiens ne soulèveront pas de contestation. Pour le reste, laissons le tamis du temps faire son ouvrage.
De la même manière, la littérature « pour enfants » n’a rien qui puisse l’exclure des classiques. Lewis Carroll est d’évidence un classique, de même de Lyman Frank Baum.
La littérature « de genre » (une bien vilaine expression selon certains, mais bien pratique pour parler court) a été ou sera retenue dans la seule mesure où la qualité littéraire de l’auteur lui fait dépasser le genre dans lequel on le catégorise. Ainsi, certains auteurs, « classiques de leurs genre », ne sont pas repris ; ce qui semblera injuste à beaucoup.
Les philosophes ou les « purs penseurs », ou les écrits techniques sont par principe exclus ; non pas qu’il soit inutile de lire Hannah Arendt, Pierre Bourdieu, Kant ou, dans leurs domaines, Claude Levi-Strauss ou Jacques Lacan – ce sont même des lectures indispensables à l’Honeste homme – mais il faut bien délimiter ce que l’on souhaite faire ici et qui est déjà très vaste. Comme pour les « auteurs de genre », ils n’ont leur place ici que si la qualité littéraire de leurs écrits (ou leur influence sur la littérature) leur fait dépasser le statut de spécialiste de leur genre. C’est le cas, par exemple, d’Aristote.
Beaucoup d’auteurs contemporains ou récents sont absents. Le texte des auteurs contemporains pose moins de difficulté d’établissement. Ce site trouve moins son utilité, sauf sur la question de la qualité des traductions. Les auteurs du XXème siècle, qui pourraient être très nombreux, ont fait au contraire l’objet d’une impitoyable sélection, à tel point que le mot « purge » pourrait presque être employé.
Tout cela est finalement très subjectif et les frontières seront certainement mouvantes (au gré, il faut bien l’avouer, des caprices de l’hôte de ce lieu et des réclamations qui ne manqueront pas).
Pour toutes discussions sur les classiques (l’intérêt de les lire ; ceux qui manquent sur le site…), c’est par ici que ça se passe : – voir –
Pour toutes discussion sur la lecture au sens large, c’est par ici que ça se passe : – voir –
Pour tous les autres sujets, vous pouvez vous retrouver au Salon : – entrer dans le Salon –
L’origine lointaine de ce site…
Ce blog a pour origine un projet de vie que l’on pourrait qualifier « d’humaniste » : Acquérir, dans le court temps d’une vie, la science minimale pour réfléchir et agir en homme libre ; obtenir de s’élever au-dessus de sa condition de sac d’humeurs et monter sur les épaules des géants, nos prédécesseurs, pour essayer de voir encore un peu plus loin. Un projet qui semblait assez modeste lorsqu’il fut conçu, mais qui révéla rapidement sa nature tentaculaire et l’impossibilité pratique de sa réalisation.
Le but s’est donc éloigné, inaccessible lumière verte clignotant sur l’autre berge (ce qui n’empêche pas de continuer à tendre le bras pour l’atteindre).
Une facette de ce projet consistait à lire les plus grands classiques de la littérature. Et, comme la vie est courte, de les lire dans la meilleure édition possible.
Assez rapidement, deux collections se sont imposées : les Belles Lettres, pour le domaine antique, et la Pléiade (pour tout le reste !)
Oui, mais la Pléiade…
La collection « la Pléiade » est incontestablement de haute tenue et de grande qualité :
- éditions préparées par les spécialistes français de l’auteur ou de l’époque
- appareil critique le plus souvent fort développé
- de longs textes dans un format réduit, grâce au papier bible (qui rebute certains, dont moi-même la première fois que j’ai tenu un Pléiade en mains, mais qui à l’usage est plutôt agréable)
- et, partant, un prix bien moins élevé qu’il n’y paraît
- ouvrages luxueux et agréables à tenir
- tenue dans le temps
- une odeur grolesque de cuir que l’on appréciera (ou non) selon ses goûts
Cependant, pour mon projet de lire les auteurs classiques dans la meilleure édition possible, j’ai noté à l’usage :
- délais d’éditions déraisonnables (Hugo…)
- auteurs absents ou éditions épuisées (Boileau, Polybe…)
- éditions d’une sélection arbitraire plutôt qu’édition d’intégrales (Marc Twain, Jules Verne…)
- appareil critique qui pourrait, certes rarement, être amélioré (le Pléiade Euripide)
- choix éditorial contestable (ex : éditions de Montaigne en vieux français)
- quelques (rares) fautes ou coquilles (mon premier Pléiade : le Comte de Monte-Cristo)
- traductions de très grande qualité mais néanmoins discutables (Shakespeare)
- et pour un lecteur déjà vieillissant : caractère Garamond 9 un tantinet fatigant.
Un blog littéraire de grande qualité, tenu par Brumes, offre dans un fil de discussion spécifique toutes les informations sur la collection de la Pléiade :
Lien vers le site de Brumes >>
Oui, mais Les Belles Lettres…
Les éditions les Belles Lettres ont l’immense mérite :
- d’éditer les antiques, dont d’improbables auteurs qui feraient la ruine d’une maison d’édition moins solide
- d’éditer en version bilingue, avec le texte français et, en regard, le texte original
- de faire généralement le point, dans les introductions, sur la tradition du texte et les différentes sources textuelles.
Cependant, j’ai noté à l’usage :
- prix élevé (L’Iliade, introduction comprise, est en 5 tomes, soit plus de cent euros. Pline l’ancien est en… 36 volumes ; compter plus de 1000 euros quand l’édition Pléiade en un volume coûte autour de 80 euros, ce qui, pour la plupart, est déjà en soi un petit investissement)
- notes assez lacunaires (au-delà des introductions), là où elles seraient pourtant si utiles.
La question des traductions…
La question de la « bonne » édition se pose de manière aiguë pour les textes traduits.
Quatre expériences m’ont fait comprendre l’importance de ce point, et sont sans doute à l’origine de ce site :
Alain Sournia, dans un remarquable texte d’amateur (au sens noble du mot), « Voyage en pays présocratique », note que dans un texte philosophique, la même phrase a été traduite : « Même chose, en effet, est penser et être » (du Descartes avant l’heure), « le même, lui, est à la fois penser et être » (ce qui est au minimum obscur), « Une seule et même chose peut être conçue et peut être » (ce qui n’a pas du tout le même sens) et « il n’y a pas de différence entre l’Être et sa pensée. » (itou). Ces différentes traductions changent complètement la perception de l’œuvre.
Dans le même ordre d’idée et contrairement à ce que nos naïvetés pourraient nous faire croire, certains textes sont traduits de manière affreuse (Walden, de Henry Thoreau et Geek sublime, de Vikram Chandra me viennent à l’esprit). Devant un texte, il faut non seulement s’intéresser à l’auteur, mais aussi à la maison d’édition et au nom du traducteur ; et l’on finit par examiner les livres comme des tranches de jambon, à la recherche des labels de qualité, de la teneur en sel, de la proportion de conservateurs, avant de se décider.
Troisième expérience : Je me souviens de la lecture du Magicien d’Oz, où Dorothy rencontrait de petits personnages (« Les croquignons », dans une petite édition Librio). Cette première lecture, comme toujours, devint pour moi la version de référence, avant que d’autres lectures me fassent comprendre que, sur la terre entière, les croquignons étaient connus sous le nom de Munchkins. Ce point me choque encore et les larmes me viennent quand j’y pense.
Enfin, alors que je regardais un film d’animation avec mon enfant, un personnage (perroquet ? Je ne sais plus) se lance dans la fameuse tirade « être ou ne pas être ». J’enchaîne tout haut, en même temps que lui (j’ai appris la tirade dans la traduction de Desprat, en Pléiade) ; mais rapidement nos textes divergent et, à ma grande surprise (car je croyais Desprat insurpassable), j’ai dû admettre que le texte du perroquet était plus beau que le mien.
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