« Il y a, en effet, des livres dont le dos et les plats sont de beaucoup ce qu’ils ont de meilleur. »
« (…) N’aie pas peur ! Nous ne ferons pas de toi un auteur, alors qu’il y a d’honnêtes métiers à apprendre ou qu’on peut devenir briquetier.
– Merci, Monsieur, dit Olivier. »
Les deux citations : Charles Dickens, Les aventures d’Olivier Twist

Note : L’article ci-dessous, le commentaire des éditions et globalement toute la présentation est de notre ami Lombard, intervenant régulier du site au point d’en être devenu un parfait co-auteur.

N’hésitez pas vous-même à proposer vos textes sur le site. Vous pouvez aller dans « le Salon » pour me contacter.

> Le Salon

Charles Dickens est né en 1812 à Portsmouth. À la suite de spéculations hasardeuses, son père ruine sa famille et se retrouve emprisonné quelques mois pour dettes dans un établissement pénitentiaire spécialisé qui inspirera à Dickens le cadre de La Petite Dorrit.

C’est ainsi qu’en 1824 il se retrouve livré à lui-même à l’âge de 12 ans. Confié à une amie de la famille, il doit travailler dix heures par jour dans une manufacture de cirage. Cette chute brutale d’un milieu relativement aisé à celui très difficile des usines le marque au point qu’il y fera référence tout au long de son œuvre. Après deux années, les dettes de la famille sont payées et Charles reprend ses études.

Dès 1827 – seulement âgé de 15 ans -,  grâce à ses facilités rédactionnelles, Charles devient clerc dans un cabinet d’avocats où il s’imprègne de l’ambiance du monde de la justice et des bureaux.

En 1833 il écrit pour un journal des chroniques de la vie londonienne sous le pseudonyme de Boz, puis l’année suivante il est repéré par le Morning Chronicle qu’il rejoint comme chroniqueur judiciaire et politique. Ses chroniques humoristiques, les Pickwick Papers qui deviendront plus tard Les Papiers Posthumes du Pickwick-Club, sont publiées mensuellement et connaissent un grand succès. Elles sont considérées comme l’origine des romans feuilletons dont Dickens devient le maître, à l’instar de Balzac, Eugène Sue ou Alexandre Dumas en France.

En 1836 il se marie avec Catherine Hogarth avec laquelle il aura dix enfants et dont il se séparera en 1858. La publication des Aventures d’Olivier Twist en 1837 connaît un grand succès et lui assure désormais un revenu confortable. Il se met alors à écrire roman sur roman, allant jusqu’à élaborer plusieurs œuvres simultanément. Puis, à partir de 1840, les succès s’enchaînent avec Le Magasin d’antiquités, Barnabé Rudge ou encore les Livres de Noël pour aboutir en 1851 aux Souvenirs intimes de David Copperfield, son roman le plus autobiographique qui le place au sommet d’une célébrité qu’il conservera toute sa vie.

Parallèlement, il effectue un voyage aux États-Unis, donne des conférences et des lectures de ses œuvres, administre des œuvres de bienfaisance et dirige même une compagnie théâtrale qui joue devant la reine Victoria. Malgré toutes ces activités, il ne cesse jamais d’écrire.

Alors qu’il connaît des drames familiaux avec le décès de son père, de sa sœur puis de l’une de ses filles certaines de des œuvres prennent une tournure plus sombre, avec Temps difficiles ou De Grandes Espérances.

Blessé dans un accident de train en 1865, il entreprend deux ans plus tard un second voyage aux États-Unis puis une tournée de conférences au Royaume-Uni. Il est victime d’une apoplexie et meurt chez lui le 9 juin 1870, en pleine écriture du roman qui restera inachevé, Le Mystère d’Edwin Drood. Charles Dickens est enterré dans le Coin des poètes à l’abbaye de Westminster.

Ci-dessus :

Les Charles Dickens en Pléiade – photo  et livres de Lombard

C’est maintenant officiel : J’en ai une plus petite. Mais je complèterai ma collection avec plaisir au hasard des librairies. DraaK.

  • L’édition française de référence : Charles Dickens dans La Pléiade

Le référencement des traductions françaises montre que, pour l’essentiel, ce sont les traductions effectuées pour Gallimard qui présentent le plus d’avantages pour le lecteur, que ce soit pour leur fidélité au texte d’origine comme pour la qualité la qualité de l’écriture qui reflète à l’esprit de Dickens.

Ce n’est pas hasard si le travail éditorial court sur une quarantaine d’années et a requis les compétences des meilleurs spécialistes.

Sylvère Monod est peut-être le plus emblématique de tous ; cet universitaire qui a effectué sa thèse de doctorat sur Dickens a également écrit de nombreux ouvrages sur Dickens, – notamment Dickens romancier paru en 1953 chez Hachette -, ainsi qu’une Histoire de la littérature anglaise de Victoria à Élisabeth II éditée chez Armand Colin en 1970. Ses traductions de la littérature anglaises du XIXe siècle (Charles Dickens, Walter Scott ou encore Charlotte Brontë) constituent des références incontestées et font autorité en milieu universitaire. Longtemps président de la commission Littérature étrangères du Centre national du livre, il a reçu le Grand prix national de la traduction.

Outre les auteurs traduits avec Sylvère Monod, Francis Ledoux est également reconnu pour ses excellentes versions françaises de Daniel Defoe, Henri Fielding, mais aussi pour ses traductions avec lesquelles nous sommes nombreux à avoir découvert Tolkien dont le premier volume du Seigneur des anneaux édité en 1972 chez Christian Bourgois lui a valu le prix du meilleur livre étranger.

Directeur d’une collection des œuvres complètes de Shakespeare  au Club français du livre, directeur de collection au Mercure de France, titulaire du Grand prix national de la traduction 1985, Pierre Leyris a également traduit de nombreux auteurs américains en plus de Dickens ou encore Stevenson.

Ces grandes figures de la traduction ne doivent pas faire oublier les mérites des autres traducteurs avec qui ils ont collaboré ou qu’ils ont dirigés pour la collection Pléiade et qui comptent parmi eux quelques professeurs de Sorbonne (Françoise du Sorbier, André Parreaux, Lucien Carrive) ou d’université (Georges Connes qui fut aussi  maire de Dijon).

Les neuf volumes édités en Pléiade rassemblent l’essentiel de l’œuvre romanesque de Charles Dickens, soit ses quinze grands romans – dont quatorze sont des œuvres au long cours et comportent quelque mille pages chacun -, ainsi que les fameux Contes de Noël répartis ici sur trois volumes, et les nouvelles parues dans la presse entre 1834 et 1836, rassemblées ici sous le titre Esquisses de Boz (du pseudonyme utilisé par Dickens).

N°105 : Souvenirs intimes de David Copperfield – De grandes espérances (1954, 1568 pages)

N°118 : Dossier de la maison Dombey et Fils – Temps difficiles (1956, 1376 pages)

N° 133 : Les Papiers Posthumes du Pickwick-Club – Les Aventures d’Olivier Twist (1958, 1488 pages)

N°163 : Le Magasin d’antiquités – Barnabé Rudge (1963, 1472 pages)

N°186 : Nicolas Nickleby – Livres de Noël (1966, 1456 pages)

N°216 : La petite Dorrit – Un conte de deux villes – Livres de Noël (1970, 1392 pages)

N°278 : La Maison d’Âpre-vent – Récits pour Noël et autres (1979, 1744 pages)

N°334 : Esquisses de Boz – Martin Chuzzlewit (1986, 1808 pages)

N°373 : L’Ami commun – Le Mystère d’Edwin Drood (1991, 1488 pages)

  • Bibliographie chronologique de Charles Dickens et premières traductions françaises :

 

  • Esquisses de Boz (Sketches by “Boz” Illustrative of Every-day Life ane Every-day People) – parution originale anglaise en feuilleton de 1834 à 1836

Éditions françaises :

1986 : traduction de référence d’Henriette Bordenave sous la direction de Sylvère Monod, parution en Pléiade.

  • Les Papiers Posthumes du Pickwick-Club (The Posthumous Papers of the Pickwick Club) – parution originale anglaise en feuilleton d’avril 1836 à novembre 1837.

Éditions françaises :

1838 : première traduction française sous le titre Le Club des Pickwistes, « roman comique traduit librement de l’anglais » par Eugénie Niboyet. Selon Sylvère Monod, « un travail débordant d’énergie et de vitalité mais un peu incomplet » (certains chapitres manquent). Voir la page de garde de cette édition, photo ci-dessus (photo BNF).

1859 : traduction sous le titre Les aventures de Monsieur Pickwick par Pierre Grollier dans le cadre des œuvres complètes de Dickens éditées chez Hachette sous la direction de Paul Lorain. Nombreuses réimpressions dans des versions complètes ou abrégées, parfois anonymes, jusqu’à la fin du XIXe siècle. Selon Sylvère Monod, le manque de compétences du traducteur est à la source « d’omissions, subterfuges et périphrases ».

1958 : traduction de référence de Francis Ledoux et Sylvère Monod, parution en Pléiade, puis réédition chez Gallimard dans la collection Quarto en 2019.

  • Les Aventures d’Olivier Twist (The Adventures of Oliver Twist) – parution originale anglaise en feuilleton de février 1837 à avril 1839. (Voir illustration ci-dessus).

Éditions françaises :

1841 : parution en quatre volumes sous le titre Olivier Twist, ou L’Orphelin du Dépôt de Mendicité par Ludovic Bénard édité chez G. Barba.

1850 : parution sous le titre Le Voleur de Londres dans une traduction d’Émile Gigaut de la Bédollière, republiée à Limoges en 1878 sous le titre Olivier Twist ou Les Voleurs de Londres, toujours traduit par Émile Gigaut de la Bédollière. Or il s’agit strictement de la même traduction que celle de Ludovic Bénard. Comme de la Bédollière a publié une très grande quantité de traductions d’œuvres anglais du XIXe siècle chez G. Barba, Sylvère Monod pense que Ludovic Bénard était un pseudonyme de la Bédollière.

1864 : publication chez Hachette dans le cadre des œuvres publiées sous la direction de Paul Lorain. La traduction est signée Alfred Gérardin, reprise en Suisse et en Belgique depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est encore cette traduction que l’on retrouve au Livre de poche et en classiques Garnier.

1966 : traduction de référence de Francis Ledoux et Sylvère Monod, parution en Pléiade ; cette traduction est disponible en poche dans la collection Folio classiques depuis 1973.

  • Nicholas Nickleby (The Life and Adventures of Nicholas Nickleby) – parution originale anglaise en feuilleton d’avril 1838 à octobre 1839

Éditions françaises :

1840 : publication chez G. Barba en quatre volumes (puis réimpression en un volume en 1848), traduction d’Émile Gigaut de la Bédollière. Selon Sylvère Monod, « nombreuses inexactitudes dans le détail, mais reste fidèle à l’esprit général du texte original ».

1885 : Paul Lorain donne une traduction de son cru, qui sera reprise en versions abrégées et réimprimée de nombreuses fois.

1966 : traduction de référence de Jacques Douady, parution en Pléiade.

  • Le Magasin d’antiquités (The Old Curiosity Shop) – parution originale anglaise en feuilleton d’avril 1840 à février 1841 sous le titre Master Humphrey’s clock

Éditions françaises :

1842 : première publication française chez Barba, traduction d’Auguste Jean-Baptiste de Fauconpret.

1848 : publication d’extraits en deux volumes sous le titre Les Contes de Charles Dickens, dans une traduction d’Amédée Pichot.

1857 : parution dans le cadre des œuvres chez Hachette dans une traduction d’Alfred des Essarts (puis réédition en deux volumes en 1876).

1864 : parution du même texte français, cette fois-ci avec une traduction attribuée à Émile Gigaut de la Bédollière.

1888 : publication des premiers extraits sous le titre Contes de Dickens, traduits par Robert de Cerisy (pseudonyme de Madame Gaston Paris).

1963 : traduction de référence de Marcelle Sibon, parution en Pléiade.

  • Barnabé Rudge (Barnaby Rudge: A Tale of the Riots of ‘Eighty) – (suite de la parution originale anglaise en feuilleton du 13 février 1841 au 27 novembre 1841 sous le titre Master Humphrey’s clock

Éditions françaises :

1846 : parution chez Méline à Bruxelles sous le titre Le 19 mars sans mention du nom du traducteur.

1858 : parution dans la collection Hachette  avec une traduction attribuée à un certain Bonnomet (peut-être Joseph-Alfred Bonnomet), « traduction honorable et travail attentif » selon Sylvère Monod.

1963 : traduction de référence de Sylvère Monod, parution en Pléiade.

  • Martin Chuzzlewit (The Life and Adventures of Martin Chuzzlewit) – parution originale anglaise en feuilleton de janvier 1843 à juillet 1844

Éditions françaises :

1846-1847 : parution en six volumes à Bruxelles sous la traduction de Louise Swanton-Belloc.

1850 : parution en France en un volume (imprimeur Panckoucke) d’extraits parus précédemment dans Le Moniteur universel. Traduction « médiocre » de L. Michel.

1858 : publication dans la collection Hachette dans une traduction d’Alfred des Essarts, version de référence qui a connu onze réimpressions jusqu’à la fin du XIXe siècle, malgré une traduction « qui souffre de constantes dilutions des phrases anglais et de regrettables ignorances ».

1948 : parution chez Hachette dans une traduction de Jules Castier.

1954-1956 : parution aux Éditeurs Réunis d’une traduction d’Anne Villelaur et Pierre Daix.

1986 : traduction de référence de Françoise du Sorbier, sous la direction de Sylvère Monod, parution en Pléiade.

  • Livres de Noël
    Un chant de Noël (A Christmas Carol) (1843) – Le Carillon (The Chimes) (1844)
    Le Grillon du foyer (The Cricket on the Hearth) (1845) – La Bataille de la vie (The Battle of Life) (1846)
    L’Homme hanté et le marché du fantôme (The Haunted Man or the Ghost’s Bargain) (1848)

Éditions françaises :

1847-1848 : parmi de nombreuses éditions fantaisistes, la meilleure est celle d’Adolph Joane.

Dans les éditions Hachette, les traductions – déjà parues dans Veillées littéraires illustrées puis dans la Bibliothèque des Chemins de fer – sont principalement celles d’André de Goy.

1966 : traduction de référence par Marcelle Sibon et Francis Ledoux, parution en Pléiade ; ces traductions sont disponibles en poche dans la collection Folio classiques depuis 2012.

  • Dossier de la maison Dombey et Fils (Dombey and Son) – parution originale anglaise en feuilleton de mai 1849 à novembre 1850

Éditions françaises :

1847 à 1851 : parution en quatre volumes en Belgique dans une traduction de Paul Hennequin.

1848 : parution chez Baudry du premier volume donne une traduction « excentrique » de Benjamin Laroche.

1857 : parution des quatre tomes suivants, traduits par Alfred Nettement chez Cadot éditeur.

1857 : parution dans la série Hachette sous la traduction d’Alix Bressant, avec quelques « méprises et passages étirés. »

1936 : première traduction depuis celle d’Alix Bressant, première « édition de référence » parue chez Desclée de Brouwer (traducteur inconnu).

1966 : traduction de référence de Georges Connes sous la direction de Pierre Leyris, parution en Pléiade.

  • Souvenirs intimes de David Copperfield (The Personal History, Adventures, Experience and Observation of David Copperfield the Younger of Blunderstone Rookery [Which He Never Meant to Publish on Any Account]) – parution originale anglaise en feuilleton de 1849 à 1850

Éditions françaises :

1851 : parution sous le titre Le Neveu de ma tante dans une traduction d’Amédée Pichot, le même texte étant édité en Belgique chez Lebègue, en six volumes, sous le titre Souvenirs de David Copperfield ; des extraits de cette version ont paru dès 1850 dans la Revue britannique.

1850-1851 : une autre version paraît en Belgique en six volumes, sous une autre traduction par Jean-Marie Chopin ; on ne sait pas laquelle de ces deux éditions est celle parue la première en français… La traduction de Jean-Marie Chopin reparaît en 1853 sous le titre La Nièce du pêcheur.

1862 : parution dans la collection Hachette dans une traduction de Paul Lorain.

1932 : parution chez Bourrelier-Chimènes dans une traduction de M. Lacape.

1933 : parution chez Fayard, traduction  Marion Gilbert et Madeleine Duvivier.

1934 : parution chez Hachette, traduction Charlotte et Marie-Louise Pressoir.

1936 : parution chez Marne à Tour, traduction A. Canaux.

1949 : parution chez S.E.P.E.  dans une traduction  d’Antonine Coullet-Tessier.

1952 : parution aux éditions G.P. dans une traduction de Geneviève Meker.

1954 : traduction de référence  par Pierre Leyris, parution en Pléiade ; cette traduction est disponible en poche dans la collection Folio classiques depuis 2010.

En incluant les rééditions, le catalogue de la BNF recense 192 éditions françaises, de très nombreuses étant de simples adaptations pour la jeunesse.

  • La Maison d’Âpre-Vent (Bleak House) – parution originale anglaise en feuilleton de mars 1852 à septembre 1853

Éditions françaises :

1857 : première édition française dans une traduction d’Henriette Loreau. Selon Sylvère Monod, « le résultat confine au désastre » tout en reconnaissant que « le texte de Bleak House présente de colossales difficultés. »

1979 : traduction de référence  par Sylvère Monod, parution en Pléiade ; cette traduction est désormais disponible en poche dans la collection Folio classiques depuis 2018.

  • Temps difficiles (Hard Times) – parution originale anglaise en feuilleton d’avril à août 1854

Éditions françaises :

1857 : parution chez Hachette de la première version en française, traduite par William Little Hugues (pseudonyme de William O’Gorman), qui connaîtra une « exceptionnelle longévité ».

1956 : traduction de référence d’Andhrée Vaillant sous la direction de Pierre Leyris, parution en Pléiade ; cette traduction est disponible en poche dans la collection Folio classiques depuis 1985.

  • La Petite Dorrit (Little Dorrit) – parution originale anglaise en feuilleton de décembre 1855 à juin 1857

Éditions françaises :

1858 : parution chez Hachette de la première version en française, traduite par William Little Hugues. Cette traduction, moins heureuse que celle de Hard Times sera republiée dans une version abrégée par Hachette en 1892.

1970 : première traduction française de Little Dorrit plus d’un siècle après celle de William Little Hugues, il s’agit de la version de référence, traduite par Jeanne Métifeu-Béjeau ; publication en Pléiade sous la direction de Pierre Leyris.

  • Le Conte de deux cités (A Tale of Two Cities) – parution originale anglaise en feuilleton d’avril 1859 à novembre 1859

Éditions françaises :

1861 : première édition française chez Hachette dans une traduction d’Henriette Loreau sous le titre Paris et Londres en 1793.

Ce roman reparaît ensuite dans d’autres traductions sous les titres Un Drame sous la Révolution, puis Le Marquis de Saint-Evremond, puis ensuite Le Jour de gloire, mais encore Deux villes, puis Un Amour et enfin Le Conte de deux villes.

1970 : traduction de référence de Jeanne Métifeu-Béjeau, publication en Pléiade sous la direction de Pierre Leyris ; cette traduction est disponible en poche dans la collection Folio classiques depuis 1989.

  • De Grandes Espérances (Great Expectations) – parution originale anglaise en feuilleton de décembre 1860 à août 1861

Éditions françaises :

1863 : première parution dans Le Temps, dans une traduction de Charles-Bernard Derosne sous le titre Les Grandes espérances du nommé Philip Pirrip, vulgairement appelé Pip.

18 ?? : publication chez Hachette dans la traduction de Derosne « améliorée. »

1936 : première traduction française de Great Expectations depuis celle de Derosne

1954 : traduction de référence par Madeleine Rossel, André Parreaux et Lucien Guitard sous la direction de Pierre Leyris, parution en Pléiade ; cette traduction est disponible en poche dans la collection Folio classiques depuis 1999.

1956 : l’édition dite « de Pierre Leyris » fait l’objet d’une publication en trois volumes in-8 chez Sauret dans une magnifique édition illustrée de soixante-seize aquarelles d’André Dignemont « coloriées à la main par Maurice Beaufumé, maître enlumineur » (reliure plein chagrin bleu-vert avec titre doré sur le dos, tête dorée, tirage limité à 950 ex.).

  • L’Ami commun (Our Mutual Friend) – parution originale anglaise en feuilleton de mai 1864 à novembre 1865

Éditions françaises :

1867 : première édition française dans une traduction d’Henriette Loreau, considérée comme meilleure que celle qu’elle avait donnée de Bleak House.

1954 : première traduction française de Our Mutuel Friend depuis celle d’Henriette Loreau.

1991 : traduction de référence par Lucien Carrive et Sylvère Monod, parution en Pléiade.

  • Le Mystère d’Edwin Drood (The Mystery of Edwin Drood) – parution originale anglaise en feuilleton d’avril 1870 à septembre 1870 (inachevé)

Éditions françaises :

1874 : parution chez Hachette dans une traduction « raide et souvent inexacte » de Charles-Bernard Derosne.

1878 : l’éditeur Dentu publie une suite imaginaire de The Mystery of Edwin Drood sous le titre Le Crime de Jasper.

1991 : traduction de référence par Sylvère Monod et Renée Villoteau, parution en Pléiade.

 

  • Quelques références en français sur Charles  Dickens 

Bien entendu, la biographie Dickens romancier de Sylvère Monod parue en 1953 chez Hachette reste une référence. Bien que non rééditée, elle reste disponible d’occasion pour une trentaine d’euros.

La photo ci-dessus a été prise par Laurence Testu de CLT Livres, bouquiniste à Longueil (76).

[sur ce livre : commentaires de DraaK]

  • Charles Dickens, entre normes et déviance, de Nathalie Vanfasse, édition Publications de l’Université de Provence, 2007 (254 pages) [on notera que contre-intuitivement, « normes » est au pluriel tandis que la déviance est au singulier]

…Vous permettra de lire plus intelligemment Dickens (j’ai lu ce livre parallèlement à mon « premier Dickens », Oliver Twist, et j’y ai gagné une lecture beaucoup moins superficielle, plus consciente des subtilités de l’écriture et de l’importance des thèmes sous-jacents). Le livre est aussi une bonne entrée en matière sur les aspirations générales et les enjeux sociaux de la période victorienne.

Nathalie Vanfasse, dans une première partie fouillée, rappelle quelle est l’orthodoxie victorienne : ses idéaux de respectabilité du gentleman, sa pudibonderie, l’idéal féminin, l’utilitarisme [= l’idée de maximisation du bien-être collectif, qui se traduit en pratique par beaucoup de malheurs individuels] et la théorie du progrès (selon laquelle le progrès matériel entrainera mécaniquement l’élévation spirituelle). Elle analyse comment Dickens se situe par rapport à ces idéaux ; puis comment il en condamne les écarts (et renforce ainsi la norme) ; et enfin dans quelle mesure il peut au contraire promouvoir la déviance et critiquer la norme (norme langagière, religieuse, familiale, judiciaire…)

Dans une seconde partie, Nathalie Vanfasse étudie les liens et l’utilisation par Dickens d’autres formes artistiques : la poésie, la chanson populaire, le théâtre (une présentation théâtrale était à l’époque la norme de qualité pour les romanciers, même si ce point faisait débat ; Dickens, avec sa rhétorique déclamatoire, est incontestablement théâtral, pour ce que j’en ai lu), le mélodrame, le burlesque ou la pantomime. Elle présente les rapports de Dickens avec les formes romanesques de son temps : les three-deckers (romans en trois volumes ; format popularisé par Walter Scott), les Newgate novels, les Silver Forks Novels. Nathalie Vanfasse montre comment les contraintes d’écriture de Dickens (par livraisons mensuelles ou même heddomadaires) l’empêchaient de répondre à l’idéal d’organisation romanesque victorienne, qui consiste à atteindre une unité organique : les événements doivent découler les uns des autres, les caractères des personnages doivent suffire à expliquer leurs actions, et l’intrigue doit contenir juste ce qu’il faut pour en révéler le caractère.

La troisième partie est un prolongement de la seconde : D’autres formes artistiques sont convoquées (références picturales, architecturales…) ; mais surtout des pages très intéressantes analysent le rapport de Dickens au réalisme (dont on sait qu’il est le grand sujet du XIXe dans la littérature, tant anglaise que française). Comment traiter de manière réaliste les problèmes contemporains, dans une Angleterre moralement étriquée, lorsque le bon goût victorien refuse au roman d’aborder ces thèmes, et que l’on est soi-même un auteur adepte de l’exploration de la réalité selon un mode poétique et imaginatif, en ayant recours à l’exagération grotesque, la typologie biblique ou de conte de fées ?

17 illustrations des romans de Dickens sont reprises et commentées avec pertinence.

Quelques bémols : le livre est légèrement scolaire (il provient d’une thèse de l’auteur, ce qui se sent un peu) ; le plan en trois partie est perfectible (mon avis) ; Sylvère Monod, abondamment cité, n’est pas repris dans la bibliographie. A ces menus détails près, la lecture est très intéressante et remet l’écriture de Charles Dickens en perspective. D’ailleurs, la bibliographie montre assez que les références françaises ne sont pas si nombreuses, alors ne boudons pas notre plaisir.

25 €, prix du neuf, mais l’ouvrage ne se trouve plus qu’en occasion (mon exemplaire a conservé les code-barres et tampons de la bibliothèque dont il provient ; ce qui me fait culpabiliser comme un voleur à chaque fois que je le regarde, alors même que je l’ai dûment acheté…)

  • The Oxford companion to Charles Dickens, par Oxford University Press, 675 pages, édition anniversaire de 2011.

…Est une Bible sur Dickens, pour les anglophones.

Sous forme de dictionnaire, agrémenté de quelques cartes, d’une chronologie (1809-1870), d’illustrations, cette somme est vraiment extrêmement bien faite et utile. Il s’agit d’une réédition  en 2011 pour le bicentenaire de la naissance de Charles Dickens d’une première édition de 1999. J’ai compté 63 contributeurs, pour environ 500 articles. C’est une somme un peu comparable à ce qui existe en français pour Montaigne (le Dictionnaire Montaigne édité en Classiques Jaunes chez Garnier), si ce n’est que l’on est ici sur un format plus important en couverture rigide (c’est donc accessoirement un beau livre ; malheureusement non traduit à ma connaissance).

[Je rends ici la main à Lombard]

À titre historique, on peut lire trois essais :

Trois maîtres : Balzac, Dickens, Dostoïevski écrit en 1910 par Stefan Zweig, longtemps édité chez Grasset et disponible au Livre de poche depuis 2008. (Photo ci-dessus, qui provient du site de l’éditeur).

Un essai sur Dickens d’André Maurois, édité en 1927 chez Grasset dans la collection Les Cahiers verts, désormais indisponible, mais se trouve en occasion.

En lisant Dickens d’Alain édité chez Gallimard en 1945, épuisé depuis, mais on retrouve cet essai dans le volume Pléiade Les Arts et les Dieux.

Parmi une multitude d’ouvrages plus récents, on peut retenir :

Dickens, A Biography de Fred Kaplan, traduit par Éric Diacon, édité en 1990 chez Fayard, toujours disponible en 2020.

Charles Dickens de Peter Ackroyd, paru chez Stock en 1993, se trouve encore en occasion en 2020.

Le Monde de Charles Dickens écrit par Angus Wilson -, édité en 1995 chez Gallimard, disponible en 2020

Dickens de Jean Gattégno, publié aux éditions du Seuil en 2001, épuisé mais facile à trouver.N°105 : Souvenirs intimes de David Copperfield – De grandes espérances (1954 1568 pages)

Pour qui a du temps, il existe vingt-quatre épisodes indispensables répartis sur deux « nuits Dickens » à écouter sur le site de France Culture :

https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/nuit-dickens-12

Pour ceux qui n’auraient qu’une petite demi-heure à y consacrer, on peut sélectionner la demi-heure passée en compagnie de Sylvère Monod avec l’épisode enregistré en 1968 intitulé « La tentation de l’humour était la pente naturelle du génie de Charles Dickens ».

Pour en savoir plus sur les innombrables éditions de Dickens en français, on peut se référer au catalogue BNF :

https://data.bnf.fr/fr/

Sur les premières éditions en particulier, on lira avec profit Les Premières traducteurs de Dickens par Sylvère Monod, un article paru dans la revue Romantisme n° 106 – 1999 – 4, sur le thème « Traduire au XIXe siècle », Université de Paris-III Sorbonne nouvelle, disponible sur :

https://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_1999_num_29_106_3458

Parmi les innombrables essais Dickens, la thèse de Viviane Pingitore Gavin intitulée Charles Dickens, un auteur de transition à la croisée du gothique et du policier (Université Michel de Montaigne – Bordeaux III, 2018) offre un point de vue intéressant et actuel sur la place de Dickens dans l’évolution des genres littéraires dans l’Angleterre du XIXe siècle. Elle est disponible sur :

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02050825/file/These_Viviane_PINGITORE_GAVIN.pdf

Une fois n’est pas coutume, on peut conseiller des adaptations à l’écran de bonne qualité. Dickens a beaucoup été adapté, mais ce sont surtout les séries télévisées britanniques récentes qui lui rendent hommage, par la qualité de leur production, de leurs décors, de leurs costumes, du jeu des acteurs et par la fidélité des adaptations au texte original. À regarder si possible en version originale sous-titrée ou non, ces séries permettent également de s’imprégner de l’ambiance des romans de Dickens par leur format ; en effet, la plupart durent plusieurs heures, ce qui reste très rare au cinéma.

À recommander tout particulièrement parmi les adaptations récentes disponibles en français :

La Petite Dorrit, huit épisodes de 52 minutes avec d’excellentes interprétations de Claire Foy
Matthew Macfadyen, Tom Courtenay, Judy Parfitt ou encore les prestations remarquables de Pam Ferris et Alun Armstrong. Tournée pour la BBC, diffusée sur Arte en 2014, la série est disponible en DVD et Blu-Ray chez Koba films. À regarder en priorité. (Photo ci-dessus. Source : BBC)

La Maison d’Âpre-vent, huit épisodes de 52 minutes avec notamment Gillian Anderson, Carey Mulligan, et Charles Dance. Tournée pour la BBC, la série est disponible en DVD.

De Grandes espérances, trois épisodes de 50 et 60 minutes, avec Ray Winston, Gillian Anderson, Douglas Booth ou encore le fabuleux David Suchet. Tourné pour la BBC, diffusé pour la première fois en 2011 en Grande-Bretagne puis en 2014 sur Arte, la série est disponible en DVD.

  • Pourquoi lire Dickens et par où commencer ?

Parmi les auteurs que Gallimard a magistralement traités dans La Pléiade, on retrouve Charles Dickens, Honoré de Balzac ou Dostoïevski, ces trois immenses écrivains auxquels Stefan Zweig a consacré une biographie sous le titre de Trois maîtres. Pour Dickens, le travail a couru sur près de quarante ans, du Copperfield de 1954 jusqu’à l’Edwin Drood de 1991. Non seulement Gallimard a réussi à éditer l’intégralité des grands romans de Charles Dickens, mais en plus, chacune des traductions s’est avérée comme une référence, quand ce n’était pas la première disponible depuis un siècle ! Pour le lecteur passionné comme pour le collectionneur, se procurer tous les volumes de Dickens en Pléiade a souvent pris l’allure d’un parcours du combattant, certains volumes ayant connu le purgatoire de la catégorie « provisoirement indisponible », parfois pour de longues années. Mais l’éditeur se rachète petit à petit avec la réédition de volumes à nouveau disponibles en coffrets. D’autre part, et c’est une chance, on peut souvent trouver les traductions de référence en édition de poche à petit prix chez Folio.

Dickens est un immense auteur grâce auquel nous sommes nombreux à avoir découvert la fabuleuse littérature anglaise du XIXe siècle, même si ce fut parfois par l’intermédiaire d’une version abrégée réécrite pour la jeunesse. Contrairement à l’image d’Épinal d’un simple auteur de romans populaires et mélodramatiques, Charles Dickens est bien le plus grand peintre de la société britannique de son temps, son œuvre pouvant aussi être considérée comme un témoignage historique sur cette Angleterre victorienne qui était alors la première puissance mondiale grâce à la révolution industrielle.

Quant à la qualité d’écriture de Dickens, malgré une production que l’on peut considérer comme abondante sinon pléthorique à l’image de celle de Dumas ou de Balzac, son style est un régal avec des dialogues dignes des répliques des meilleurs auteurs dramatiques, un jargon authentique et des expressions puisées à la source des milieux dont il s’est imprégné, des intrigues pleines de rebondissements  et de suspense ; tout ceci reflète la parfaite maîtrise de l’écrivain de ce nouveau rythme de parution que constituaient les livraisons publiées sous forme de feuilletons. Dickens est aussi et peut-être avant tout un auteur dont l’humour féroce mais subtil lui permet de dénoncer les travers de son époque tout en maintenant une sorte de complicité avec son lectorat. Il peint des portraits tout aussi extraordinaires les uns que les autres et fait vivre sous nos yeux des personnages extravagants, parfois cruels et sournois, parfois tendres et humanistes, mais sans jamais tomber dans la caricature.

S’il fallait à tout prix sélectionner quelques œuvres pour découvrir Dickens (mais uniquement sous la pression du créateur de ce site – car, comme l’écrivait André Gide, choisir [c’est] renoncer pour toujours), l’auteur de cette fiche recommande vivement Les papiers posthumes du Pickwick-Club, Nicolas Nickleby, De grandes espérances, Barnabé Rudge et La Maison d’Âpre-vent. Hélas, il se trouve dans l’incapacité de citer un seul des grands romans de Charles Dickens qui ne vaille pas la peine d’être lu « au moins une fois dans sa vie ».

A vous de jouer maintenant !

En commentaires, libre à vous de :

  • discuter des mérites et défauts des différentes éditions
  • de la place de l’auteur ou de l’oeuvre dans la culture de son temps
  • de l’importance de l’auteur ou de l’oeuvre pour un lecteur contemporain
  • de ce qu’il représente pour vous
  • des livres ou autres sources très recommandables pour comprendre l’auteur / l’oeuvre / son influence
2 réponses
  1. Lombard
    Lombard dit :

    Complément : les éditions de Dickens qui ne sont pas recommandées.

    Pour les fiches d’auteurs ou d’œuvres retenues pour Propager le feu, nous nous efforçons de recenser les éditions et traductions qui donneront le plus de plaisir au lecteur – il s’agit de donner envie de lire -, mais il est difficile de passer sous silence les autres versions disponibles, notamment celles en éditions de poche connues qui présentent le double avantage d’être facilement accessibles financièrement et de se trouver facilement dans les bibliothèques de prêt.

    On a cité les éditions de Charles Dickens en poche disponibles chez Folio (Gallimard) qui offrent les mêmes traductions que celles publiées dans la bibliothèque de la Pléiade chez le même éditeur.
    Dans la mesure où Propager le feu tente de trier les meilleures éditions accessibles, et afin d’être un peu plus complet, on se propose ici de recenser quelques autres versions disponibles en français, et de porter sur les traductions le regard critique nécessaire pour éviter des déconvenues au lecteur.

    • Chez Robert Laffont

    Il existe un volume de la collection Bouquins publié en 1994 qui comprend :
    De grandes espérances
    Le Mystère d’Edwin Drood
    Récits de Noël (extraits)
    L’ouvrage est paru sous la direction de Jean Gattégno qui revendique la traduction (ou l’adaptation de la traduction ?) pour De grandes espérances.
    Cependant, il s’agit des traductions signées Charles-Bernard Derosne et Amédée Pichot, toutes antérieures à 1874 !
    Quand on connaît les critiques fondées que Sylvère Monod adresse à ces versions (nonobstant leur valeur historique)…

    • Au Livre de poche

    Quatre titres sont disponibles au catalogue :
    Un chant de Noël traduit par Christine Huguet-Mérieux, enseignante chercheuse à l’Université de Lille
    Les aventures d’Oliver Twist traduit par Michel Laporte, auteur de littérature jeunesse
    De grandes espérances dans la traduction de Charles-Bernard Derosne (1863)
    David Copperfield dans la traduction de Paul Lorain (1862)
    Si les deux premiers titres ont fait l’objet d’une nouvelle adaptation essentiellement tournée vers un jeune public, les deux autres restent dans les traductions historiques dont la qualité littéraire ne donnera pas forcément au nouveau lecteur de connaître mieux Charles Dickens, et dont la fidélité au texte original est fortement remise en question depuis plus d’un demi-siècle.

    Au livre de poche toujours, on peut trouver d’occasion d’anciennes éditions épuisées, par exemple une ancienne version (1959) de Monsieur Pickwick en deux tomes dont la traduction était celle de Sylvère Monod. Pourquoi n’est-elle plus disponible aujourd’hui ? Gallimard (propriétaire de Folio) a-t-il repris les droits ce cette traduction à Hachette (propriétaire du Livre de Poche) ?

    Du même traducteur, il semble que l’on puisse encore se procurer la version d’Oliver Twist.

    • Chez Archipoche

    Archipoche est la collection de livres de poche de l’éditeur L’Archipel (dirigé par Jean-Daniel Belfond, fils de l’éditeur Pierre Belfond).
    Pour les cent-cinquante ans de la mort de Dickens, Archipoche a réédité six ouvrages de Dickens :
    Oliver Twist dans la traduction d’Alfred Gérardin (1864)
    Temps difficiles dans la traduction de William Hugues (1857)
    Le Mystère d’Edwin Drood « traduit et résolu par » Paul Mary (1956) – pseudonyme de Paul Kinnet, initialement publié aux Éditions Gérard et Cie dans la collection Marabout Géant
    Le Magasin d’Antiquités dans la traduction d’Alfred des Essarts (1857)
    De grandes espérances dans la traduction inoxydable de Charles-Bernard Derosne (1863)
    David Copperfield dans l’inusable traduction de Paul Lorain (1862)

    Chez Archipoche, on peut également trouver :
    Un conte de deux villes dans la traduction de Laure Tilli (traductrice attitrée de Barbara Cartland), initialement publiée aux éditions J’ai lu en 1994
    La Maison d’Âpre-Vent sous son titre originel Bleak House, publié en deux volumes, La Mystérieuse Lady Dedlock et Le Choix d’Esther, dans l’inénarrable traduction d’Henriette Loreau (1857) à propos de laquelle Sylvère Monod affirmait que « le résultat confine au désastre ».

    Les textes de Charles Dickens sont dans le domaine public. Les traductions historiques de Dickens sont dans le domaine public. Ainsi chacun peut éditer Dickens.

    Le propos n’est pas de critiquer vertement des éditeurs dont le métier est difficile et pour lesquels les amateurs de littérature ont la plus profonde sympathie, mais il serait réellement dommage de faire découvrir Dickens à un nouveau lectorat avec des traductions datées, médiocres, incomplètes et pleines de contresens.

    Combien de mauvaises traductions ont dégoûté à jamais des lecteurs non prévenus qui découvraient des auteurs en poche dans de piteuses traductions (on pense notamment aux traductions de la littérature russe du XIXe siècle mais hélas aussi à la littérature anglaise) ?

    En conclusion, pour les éditions de Charles Dickens, on en revient presque toujours aux traductions éditées par Gallimard, disponibles à la bibliothèque de La Pléiade aussi bien qu’en Folio poche.

    Répondre
  2. Lombard
    Lombard dit :

    Je propose un petit compte-rendu de lecture de L’ami commun, l’un des romans les moins connus de Charles Dickens.

    L’Ami commun (Our Mutual Friend) est le quatorzième et avant-dernier grand roman de Charles Dickens, le dernier si l’on considère que son quinzième opus, Le Mystère d’Edwin Drood (The Mystery of Edwin Drood), est resté inachevé. Paru initialement en feuilleton de mai 1864 à novembre 1865, L’Ami commun n’est pas la plus célèbre des œuvres de Dickens ; on ne lui connaît en France que de rares traductions marquantes : celle d’Henriette Loreau datant de 1867 – restée sans équivalent pendant près d’un siècle -, et surtout celle due à Sylvère Monod et Lucien Carrive, traduction de référence disponible en Pléiade depuis 1991 et à paraître en poche au mois de juin 2022 – enfin, serait-on tenté de dire ! – dans la collection Folio classique chez Gallimard.

    Peu commenté par la critique de l’époque, très peu adapté à la scène et à l’écran, L’Ami commun souffre semble-t-il d’une grande méconnaissance du public, témoin l’édition française en poche de référence à paraître quelques cent cinquante-sept ans après la publication originale. Or il s’agit là d’une œuvre de maturité, qui se présente non seulement comme la synthèse de tout le génie littéraire de son auteur, mais où Dickens se permet encore d’innover au plan stylistique, d’aller encore plus loin dans la peinture sociale de la société de son temps, de créer une galerie de personnages d’une complexité inouïe et de tisser une intrigue dont la complexité n’a d’égale que la joie du lecteur à en dénouer les fils au fur et à mesure de la progression des quelques mille pages de cet audacieux roman.

    Dickens pousse la satire de la société à son paroxysme, il stylise et poétise l’image qu’il en donne jusqu’à la limite de la théâtralisation. L’une des grandes caractéristiques de L’Ami commun est la « manière » que d’aucuns ont pu qualifier de maniérisme ; dans son introduction Sylvère Monod parle « de procédés fondés sur la répétition, de fréquence obsessive de certains termes, de vulgarismes, d’une tendance à l’allusivité ésotérique, d’images et de comparaisons au caractère anthropomorphique et tératologique ». Mais il conclut que l’addition de ces maniérismes constitue bien « une manière au sens le plus favorable et légitime, une manière d’écrire originale et efficace ». Ce qui semble être le grand trait de génie de Dickens dans L’Ami commun, c’est sa prodigalité en matière de créativité langagière, son inventivité prodigieuse. Si le lecteur se lance dans l’édition originale anglaise, il devra donc posséder la langue à un très haut niveau tant les néologismes et les allusions à la culture anglaise sont nombreux : tournures archaïques et vocables rares abondent, on est en présence d’une véritable virtuosité stylistique. Le lecteur français a la chance de disposer de l’excellente traduction de Sylvère Monod et de notes suffisamment abondantes où les difficultés de traduction et les choix opérés sont décortiqués et largement justifiés.

    L’amateur de Charles Dickens ne pourra pas passer à côté de ce grand roman qui comporte tous les ingrédients que l’on aime et que l’on attend de la part de l’auteur de Nicolas Nickleby, Barnabé Rudge, La Maison d’Âpre-vent, La Petite Dorrit et bien d’autres chefs-d’œuvre intemporels : complexité de l’intrigue et multiples rebondissements, abondance de personnages mémorables et savoureux, comique omniprésent et bons sentiments chers aux auteurs anglais de la période victorienne. L’Ami commun permet – s’il était nécessaire – de comprendre pourquoi Charles Dickens demeure pour l’ensemble de son œuvre le plus grand romancier anglais de cette moitié du XIXe siècle, et ce malgré toutes les qualités de George Elliot, Wilkie Collins, William Makepeace Thackeray ou Elizabeth Gaskell qui, eux aussi, ont écrit quelques chefs-d’œuvre, mais dont la production globale reste qualitativement et quantitativement bien plus limitée que celle de Dickens.

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