Note : L’article ci-dessous, le commentaire des éditions et globalement toute la présentation sont de notre ami Lombard, intervenant régulier du site au point d’en être devenu un parfait co-auteur.

N’hésitez pas vous-même à proposer vos textes sur le site. Vous pouvez aller dans « le Salon » pour me contacter.

> Le Salon

  • La place du La Pérégrination vers l’Ouest dans la littérature

 

Selon la liste établie sous la dynastie Ming, La Pérégrination vers l’Ouest (Xī Yóu Jì) est l’un des « Quatre livres extraordinaires » (ou : merveilleux) de la littérature chinoise, avec :

  •  Les Trois Royaumes (Sānguózhì yǎnyì) de Luo Guanzhong,
  • Au bord de l’eau (Shuǐ hǔ Zhuàn) de Shi Nai’an
  • et Fleur en fiole d’or (Jīn Píng Méi).

Sous la dynastie Qing une variante substitue Le Rêve dans le pavillon rouge (Hóng lóu mèng) de Cáo Xuěqín à Fleur en fiole d’or.

Quatre de ces cinq ouvrages majeurs sont disponibles dans la bibliothèque de la Pléiade (il manque Les Trois Royaumes). Ce travail considérable qui est à mettre au crédit de l’éditeur Gallimard a permis de rendre disponible ces chefs-d’œuvre auprès d’un large public français tout en respectant une qualité éditoriale capable de satisfaire un lectorat plus exigeant, tant au niveau des introductions, que des traductions et des notes.

  • Comment se présente La Pérégrination vers l’Ouest ?

Le Xī Yóu Jì original comporte cent chapitres répartis sur deux mille pages et se compose d’environ un million d’idéogrammes chinois soit près de cinq millions de nos signes typographiques. Autant dire que sa lecture est de longue haleine et qu’elle requiert du temps, de l’attention, de la curiosité et un intérêt marqué pour la littérature d’une civilisation dont la découverte par la plupart des occidentaux n’en est qu’à ses prémices.

André Lévy, le sinologue, chercheur et universitaire spécialiste de l’hindi, du sanscrit  et du chinois qui a assuré ce titanesque travail de traduction et d’annotations, conseille de lire La Pérégrination vers l’Ouest « sinon d’une traite, au moins d’un seul élan » ; cette méthode de lecture permet de s’évader quelques deux à trois semaines consécutives pour un voyage littéraire des plus inattendus, pour une immersion dans l’un des univers les plus fantastiques issus de l’imagination humaine.

La Pérégrination vers l’Ouest est l’adaptation romanesque fantastique de la véritable épopée du moine chinois Xuán Zàng qui, au VIIe siècle, voyagea jusqu’en Inde pour rapporter des textes bouddhiques en Chine. Xuán Zàng, appelé Tripitaka dans le roman, traduisit ensuite les rouleaux qu’il avait rapportés du sanskrit vers le chinois, ce qui pour permit la découverte et l’approfondissement du Bouddhisme qui se développera ensuite en Chine pour en devenir l’un des « trois principes » avec le Taoïsme et le Confucianisme.

  • La genèse de La Pérégrination vers l’Ouest ; son « auteur » Wu Cheng’en

 Bien que moins fantastique que celui rapporté dans La Pérégrination vers l’Ouest, le voyage du moine Xuanzang est historiquement attesté. Mais avant de devenir le roman que l’on connaît, il semble que le Xī Yóu Jì résulte d’un lent processus d’évolution qui s’étend du VIIe au XVIIe siècle.

Le premier texte qui rapporte des anecdotes concernant le voyage de Xuanzang est le Taiping guangi, compilé en 977 et 978.

Quant au plus ancien texte imprimé connu qui se rapporte à la formation du roman en cent chapitres, il s’agit de La Chantefable de la quête des soutras par Tripitaka des grands Tang. Ce texte imprimé au XIe, XIIe ou peut-être XIVe siècle n’a été révélé au monde savant qu’en 1916. C’est là qu’y est mentionnée pour la première fois la quête de cinq mille quarante-huit rouleaux, chiffre que l’on retrouve dans l’édition définitive de La Pérégrination vers l’Ouest. Bien que les rebondissements y soient très différents de ceux du Xī Yóu Jì, le pèlerinage décrit dans La Chantefable se présente déjà comme un voyage fantastique. Des découvertes récentes montrent qu’il existait des formes primitives antérieures de La Chantefable.

On a retrouvé plusieurs autres versions anciennes que l’on a cru antérieures au Xī Yóu Jì,  l’une en quarante chapitres écrite par Yang Zhihen, une autre sur dix rouleaux attribuée à Zhi Dingchen, mais toutes se sont révélées n’être que des versions abrégées du Xī Yóu Jì en cent chapitres de Wu Cheng’en. Après plusieurs décennies de recherches, ce n’est qu’en 1924 que les chinois ont finalement attribué la paternité du texte à Wu Cheng’en. Les découvertes effectuées depuis ont permis de corroborer cette hypothèse. On sait très peu de choses sur Wu Cheng’en (vers 1500-1582, province du Jiangsu) si ce n’est que ses études, son parcours et sa connaissance des langues permettent de lui attribuer avec une quasi certitude la dernière rédaction du texte définitif et sa compilation.

 

  • La genèse des traductions françaises de La Pérégrination vers l’Ouest

 

Quelques extraits de La Pérégrination vers l’Ouest ont été traduits – très imparfaitement –  dès le XIXe siècle par Stanislas Julien, également responsable de l’une des toutes premières traductions françaises du Tao-te-king connue sous le titre Le Livre de la voie et de la vertu.

Après la Seconde Guerre mondiale, deux versions françaises partielles sont disponibles.

La première, publiée aux éditions du Seuil en 1950 sous le titre Si Yeou ki ou le Voyage en Occident, est l’œuvre de Louis Avenol. Elle représente la traduction directe à partir du chinois d’environ la moitié du Xī Yóu Jì. André Lévy considère le travail de Louis Avenol comme « héroïque » dans la mesure où il a permis à de nouveaux lecteurs de découvrir une partie de l’œuvre malgré sa méconnaissance d’une langue « truffée de termes bouddhistes et taoïstes, sans parler des formes dialectales » du chinois du XVIIe siècle.

La seconde est une traduction française de la version anglaise du Xī Yóu Jì. Connue sous le titre Monkey, cette version traduite du chinois par Arthur Waley, puis retraduite de l’anglais vers le français par George Deniker, a été éditée en France en 1951 chez Payot sous le titre Le Singe pèlerin, ou le Pèlerinage d’Occident de Wou Tch’eng-En (sic). La qualité de la traduction d’Arthur Waley est reconnue, mais il s’agit d’un abrégé qui ne restitue qu’environ un dixième de l’ouvrage d’origine.

 

La première traduction intégrale en français, la meilleure à ce jour et donc l’édition de référence est celle d’André Lévy, parue en 1991 dans la bibliothèque de la Pléiade chez Gallimard en deux tomes :

  • Wu Cheng’en – La Pérégrination vers l’Ouest (Xī Yóu Jì) T1 N°375 1312 pages 1991
  • Wu Cheng’en – La Pérégrination vers l’Ouest (Xī Yóu Jì) T2 N°376 1216 pages 1991

Les deux volumes ont été regroupés dans un premier coffret illustré, puis celui-ci a été réédité sous une impression différente en octobre 2020.

Les rouleaux retenus pour la traduction sont ornés de xylographies anciennes reproduites dans l’édition Pléiade.

Afin de conserver l’esprit du Xī Yóu Jì original paru dans un chinois dialectal de la dynastie Ming – par opposition aux ouvrages classiques qui étaient écrits dans une langue traditionnelle connue seulement des plus lettrés –, André Lévy a opté pour un français « contemporain » accessible quoique littéraire. À la sortie des volumes en Pléiade, la qualité de son travail colossal a été saluée par des universitaires sinologues comme Joël Janin et Hua Chang-Ming (dans la revue Études chinoises de 1992, 11-1 p. 179-182).

[La photo ci-dessus de l’édition Pléiade est de la librairie Régis Hubert – Les Septvallons]

Cette même traduction d’André Lévy a été éditée en 2010 dans une version bilingue chinois-français en six volumes (et quelques 3540 pages…) chez l’éditeur People’s Literature Publishing House dans la collection «Bibliothèque des classiques chinois ».

[Photo ci-dessus de l’édition en 6 volumes :  collection privée Thomas Penin]

En 2014, l’éditeur Les heures claires publie une édition pour bibliophiles : grand format in-4, reliure pleine peau dos à nerfs, illustrée de seize magnifiques lithographies. Si le texte est extrait de la traduction d’André Lévy, il ne s’agit que d’un abrégé qui comporte 162 pages.

  • Les adaptations de La Pérégrination vers l’Ouest

Adaptations pour la jeunesse :
Il existe de nombreuses versions courtes de La Pérégrination vers l’Ouest destinées aux enfants. Innombrables en Chine, on en connaît quatre en France : Le Voyage vers l’Ouest adapté par Sylvie de Mathuisieulx,  Le Roi des singes adapté par Régis Delage, Le Roi des singes et la sorcière au squelette adapté par Wang Sing-pei et L’Épopée du Roi Singe de Pascal Faulio.

[source de la photo ci-dessus : Editions Fei. Je [DraaK] vous invite à visiter leur petite librairie galerie, 1 rue Frédéric Sauton, à Paris, pas très loin de Notre-Dame]

BD, Mangas et jeux vidéos :
En France, les éditions Fei, spécialistes du patrimoine chinois, ont publié quatre superbes coffrets toilés, recueils de lianhuanhua, ces bandes dessinées chinoises traditionnelle en format à l’italienne : Le Rêve dans le pavillon rouge (seize tomes), Au bord de l’eau (trente tomes), Les Trois royaumes (trente tomes) et Voyage vers l’Ouest (trente-six tomes).
On  connaît par ailleurs une trentaine d’albums ou séries de BD adaptées de La Pérégrination vers l’Ouest.
Les mangas ne sont pas en reste avec la série Dragon Ball dont l’un des personnages n’est ni plus ni moins que Singet (Sūn Wùkōng), le héros du Xī Yóu Jì.
Enfin, il existe près d’une trentaine de jeux vidéo directement inspirés par le Xī Yóu Jì ou dans lesquels interviennent des héros issus du roman.

[photo ci-dessus : Journey to the west – the demons strike back, film réalisé par Tsui Hark, écrit par Stephen Chow, 2017]

[photo ci-dessus : Journey to the westsérie, CCTV (Central China Television) 1986]

Cinéma et télévision :

En 2021 on recense plus d’une quarantaine d’adaptations à l’écran de La Pérégrination vers l’Ouest dont dix-sept films et six films d’animation. Quant aux séries télévisées inspirées du Xī Yóu Jì, on en dénombre vingt-quatre. L’une d’elles qui date de la fin des années 80 est devenue culte en Chine. On peut visionner les vingt-cinq épisodes de la première saison en accès gratuit sur internet sur http://v.baidu.com/tv/11408.htm tandis que d’autres épisodes, dont certains issus de la deuxième saison tournée en 2010, ont été sous-titrés en anglais sous le titre Journey to the west et sont visibles sur Youtube.

Danse, opéra et théâtre :

Plusieurs ballets s’inspirent de La Pérégrination vers l’Ouest, notamment ceux de la compagnie américaine Shen Yun Performing Arts, fondée par des expatriés chinois dans les années 2000 et dont les spectacles tournent dans le monde entier.
Du Xī Yóu Jì l’Opéra de Pékin a tiré un opéra qui retient surtout des scènes de combat spectaculaires se prêtant bien à la mise en scène.

On connaît sept adaptations à la scène occidentales de La Pérégrination vers l’Ouest. L’une d’entre elles est le un opéra rock intitulé Monkey, Journey to the West joué à partir de 2007, fruit d’une collaboration entre le Palace Theatre de Manchester, le Staatsoper Unter der Linden de Berlin et le théâtre du Châtelet de Paris.

Numismatique :

Une pièce de 2,000 yuans à l’image du Xī Yóu Jì a été frappée en 1949, tandis qu’il existe un billet de 100 yuans qui représente les héros immortalisés par Wu Cheng’en.

Liens :

Bien que cette fiche consacrée à La Pérégrination vers l’Ouest s’efforce de ne reprendre qu’une quantité infime d’informations disponibles sur internet (comme c’est toujours les cas sur Propager le feu), on peut quand même signaler :

– le blog de Thomas Penin consacré à la découverte de la langue et de la culture chinoise et qui propose une intéressante analyse du Xī Yóu Jì https://www.voyage-est.com/

– sur le site de l’éditeur Fei, les magnifiques coffrets consacrés au patrimoine chinois https://www.editionsfei.com/patrimoine-chinois

– pour le plaisir des yeux, le site de Walther Sell (en anglais) qui recense environ deux cents illustrations traditionnelles du Xī Yóu Jì http://www.innerjourneytothewest.com/english/en-index.html

– on peut aussi consulter avec profit les articles wiki consacrés au singe Singet  [mot clé : Sūn Wùkōng], à la divinité Avalokitasvara [mot clé : Guānyīn] ou aux adaptations du Xī Yóu Jì [mots clés : List_of_media_adaptations_of_Journey_to_the_West]

 

  • Quelles références pour le lecteur français contemporain?

Quelles seraient les références comparables en littérature occidentale si l’on voulait aiguiller un lecteur vers La Pérégrination vers l’Ouest ?

On peut comparer le Xī Yóu Jì à une épopée fantastique riche en combats et peuplée de créatures mythologiques telles que l’on peut en rencontrer dans L’Iliade et L’Odyssée d’Homère. On peut également relier La Pérégrination vers l’Ouest à un cycle comme celui du Lancelot-Graal dont l’écriture vive se prête bien à la description des combats épiques et des péripéties du voyage.

La quête narrée dans La Pérégrination vers l’Ouest rappelle le roman picaresque, voire le roman initiatique. On pense à Don Quichotte de Cervantes, à Jacques le fataliste et son maître de Diderot, à Gargantua de Rabelais ou encore à la trilogie de Wilhem Meister de Goethe.

Le personnage central qui vole la vedette au moine Tripitaka (Xuanzang) est une créature fabuleuse inspirée du singe, dont on sait par des textes datant de la fin du XIIe siècle qu’il est l’animal considéré comme le protecteur de l’ouest chez les bouddhistes. Ce singe que l’on retrouve dès La Chantefable est même l’un des liens que l’on a établis entre le Xī Yóu Jì et le Râmâyana. Ce personnage du singe présent dans toute l’histoire de la littérature chinoise est parfois comparé à Sancho Pança, à la fois « contraire et complément » de Don Quichotte.

Si l’on ne peut pas à proprement parler d’essai philosophique, La Pérégrination vers l’Ouest manie des notions issues des trois principes chinois. Chacune des grandes écoles de pensée revendique la paternité intellectuelle et spirituelle du Xī Yóu Jì, mais les exégètes modernes considèrent ces visions comme trop réductrices. Il faut également souligner  l’intérêt que La Pérégrination vers l’Ouest présente comme témoignage historique et ethnologique.

Le Xī Yóu Jì est avant tout un roman d’aventures qui offre différents niveaux de lecture à travers un style où l’humour est toujours présent. On peut trouver dans cette Pérégrination vers l’Ouest des péripéties que ne renieraient pas Jules Verne, Dumas ou Stevenson, tandis que l’univers fantastique du roman pourrait aussi bien sortir de l’imagination de Jonathan Swift, Tolkien, H.-G. Wells, Fredric Brown ou encore H.-P. Lovecraft.

Enfin, l’abondance des péripéties décrites dans le Xī Yóu Jì le rattachent à celles d’un recueil de contes, à la façon des Mille et une nuits que l’on aurait transposées dans un Extrême-Orient médiéval qui prend parfois quelques libertés avec la géographie. L’humour omniprésent n’exclut pas même une lointaine parenté avec les aventures de Tintin en Extrême-Orient (Le Lotus bleu) où celles de la quête de son ami Tchang dans Tintin au Tibet. Si l’on en juge par son succès jamais démenti en Chine, on pourrait dire de Wu Cheng’en qu’à l’instar d’Hergé il peut être lu « de sept à soixante-dix-sept ans ».

  • Pourquoi lire La Pérégrination vers l’Ouest?

A priori, il paraît totalement insensé de se lancer dans la lecture d’un roman de deux mille pages imprimées « en petits caractères » sur papier bible et narrant les aventures extravagantes d’un moine bouddhiste et de ses acolytes dans la Chine et l’Inde du VIIe siècle. Insensé également cet attrait pour un univers  peuplé de créatures surnaturelles et pour une épopée qui enchaîne les combats épiques à l’issue souvent prévisible. Insensé enfin le temps consacré à cette histoire sans fin que l’on pourrait raconter aux enfants. Les (mauvaises) raisons de ne pas lire La Pérégrination vers l’Ouest semblent nombreuses : trop long, trop simpliste (ou trop ardu – au choix), trop répétitif…

Alors pourquoi La Pérégrination vers l’Ouest est-il un ouvrage indispensable au lecteur curieux ?

C’est d’abord l’occasion de découvrir un autre monde, une autre littérature, d’aller à la rencontre d’une civilisation dont la plupart d’entre nous méconnaissent  l’histoire, et de voyager dans le temps pour tenter d’approcher l’une des œuvres qui plaît tant au peuple chinois. On dit qu’il n’y aurait pas en Chine de librairie où ne serait pas disponible le Xī Yóu Jì qui talonne de près le roman le plus vendu en Chine,  Le Rêve dans le pavillon rouge, dont les ventes sont estimées à cent millions d’exemplaires.

Sur le plan des qualités littéraires, il faut d’abord noter la structure magistrale de l’œuvre, avec ses cent chapitres parfaitement équilibrés où se déroulent une quarantaine d’épisodes et quelques quatre-vingt combats qui arrivent miraculeusement à toujours renouveler l’intérêt du lecteur.
Il y a ensuite la prose riche et si agréablement traduite qui alterne avec un millier de petits poèmes, eux-aussi restitués de belle façon.
Il y a encore ces reproductions des bois gravés anciens si poétiques, qui nous font regretter qu’il y ait si peu de Pléiade illustrés de leurs gravures d’époque – on pense notamment aux romans feuilletons illustrés  de Balzac ou Dickens.

Pour qui veut s’évader et se distraire, La Pérégrination vers l’Ouest est un roman d’aventures qui narre le parcours initiatique unique d’une troupe de personnages hauts en couleur condamnés à franchir des obstacles, déjouer des pièges et combattre des entités maléfiques issues des mythologies taoïste et bouddhique.

La Pérégrination vers l’Ouest est enfin un ouvrage d’une drôlerie irrésistible et d’une démesure totale – certains critiques ont même parlé d’un roman rabelaisien – où les héros improbables doivent affronter des créatures fantastiques et s’arranger avec des divinités que l’on pourrait croire elles-mêmes dépassées par les événements, et où les mythes et le Panthéon se confondent dans une joyeuse et gigantesque satire.

S’il est sans conteste l’un des plus grands ouvrages de la littérature chinoise, La Pérégrination vers l’Ouest se classe définitivement parmi les chefs-d’œuvre intemporels de la littérature universelle, et à ce titre mérite d’être lu : la tâche est ardue mais ce n’est pas tous les jours que l’on a la chance d’entreprendre un tel voyage littéraire.

A vous de jouer maintenant !

En commentaires, libre à vous de :

  • discuter des mérites et défauts des différentes éditions
  • de la place de l’auteur ou de l’oeuvre dans la culture de son temps
  • de l’importance de l’auteur ou de l’oeuvre pour un lecteur contemporain
  • de ce qu’il représente pour vous
  • des livres ou autres sources très recommandables pour comprendre l’auteur / l’oeuvre / son influence
13 réponses
  1. . Domonkos Szenes
    . Domonkos Szenes dit :

    Après avoir salué le travail considérable et indispensable de Lombard, je crois souhaitable (tout en regrettant d’avoir l’air du renard qui trouve les raisins « trop verts ») de nuancer son propos sur deux points qui ne sont périphériques qu’en apparence et qui figurent dans le passage suivant : « Le personnage central qui vole la vedette au moine Tripitaka (Xuanzang) est une créature fabuleuse inspirée du singe, dont on sait par des textes datant de la fin du XIIe siècle qu’il est l’animal considéré comme le protecteur de l’ouest chez les bouddhistes. Ce singe que l’on retrouve dès La Chantefable est même l’un des liens que l’on a établis entre le Xī Yóu Jì et le Râmâyana. Ce personnage du singe présent dans toute l’histoire de la littérature chinoise est parfois comparé à Sancho Pança, à la fois « contraire et complément » de Don Quichotte. »

    Le rapprochement entre le Singe Sun et Hanuman le héros Singe du Ramayana est intempestif. Pour tout dire, cette hypothèse aventureuse ne repose sur rien d’autre qu’une apparence trompeuse et elle est rejetée par les sinologues modernes. Ces deux Singes n’ont vraiment aucun lien de parenté, ni de près ni de loin : Sun est un singe véritable, un animal, qui acquiert la parole et des pouvoirs surhumains par accident. Il garde son instinct de singe, rebelle, profiteur, insolent. Hanuman n’est un singe que par son apparence physique (« fortes mâchoires »), mais il est de nature divine. Roi naturel de son peuple (et non par force et conquête comme Sun) il est le disciple respectueux de Rama qu’il aide à combattre le démon Ravana, et non un semeur de désordre et un contestataire. De plus, il est un sage philosophe et un savant grammairien. Aucune source n’atteste la moindre origine commune entre les deux personnages. Hanuman est parfaitement indien, Sun est totalement chinois. Le Ramayana est d’ailleurs une épopée purement hindouiste, étrangère au bouddhisme.

    La comparaison entre Sun et Sancho Pança est réductrice et représente une facilité qu’on doit se refuser.. Tout d’abord parce que le Singe et le Moine ont deux origines différentes, et deux histoires indépendantes (celle du Singe avant la rencontre du Moine est longuement narrée dans la première longue partie du roman, décrivant son origine magique, sa royauté sur les singes restés animaux, son ascension vers le Ciel où il sème le désordre et se moque des « autorités » l’Empereur de Jade, Laozi le Maître du Dao, avant d’être ramené à sa piètre condition et condamné à méditer sous une montagne par Bouddha), avant de former un attelage avec le Moine Pèlerin, ordonné par Bouddha et non choisi ni par l’un ni par l’autre.
    Ensuite, parce que les deux personnage principaux constituent des représentations bouddhiques, la méditation pour l’un, l’action pour l’autre, dit très grossièrement. Le Singe est attaché au Moine comme « Garde du Corps » et sa force est constamment bridée, son orgueil et son impatience constamment réprimées par son maître. Si le Singe est porteur de la part animale, des instincts grossiers, il n’est pas pour autant une simple brute, ses aspirations qui l’ont conduit à monter au Ciel pour être brutales n’en sont pas moins réelles.
    S’il faut absolument trouver un personnage s’apparentant à Sancho Pança, ce serait plutôt du côté du troisième larron, le Cochon (ou Sanglier) magique, Zhu Bajie, qui représente les instincts les plus vulgaires, libidineux, goinfre, hâbleur, la part animale de l’humain. C’est lui qui apporte à la fois l’élément de gros comique et l’épaisseur du vivant terrestre. Quant aux deux autres accompagnateurs ils ne sont que des faire-valoir.

    En fait, lorsqu’on parle des romans chinois classiques, il vaut mieux se méfier des excès du comparatisme avec d’autres grands ensembles, comme l’Inde ou l’euro-méditerranée, car le monde chinois s’est développé à partir de solide racines autochtones et s’est développé, malgré l’apport du bouddhisme, sur des voies qui n’appartiennent qu’à lui seul. Non point que les rapprochements soient impossibles, mais il faut les manier avec une extrême prudence et une très grande réserve, sous peine de passer à côté de la spécificité du monde chinois.
    C’est une constante d’ailleurs, qui n’a pas disparu avec l’apparente occidentalisation de la Chine contemporaine. Sous le vernis politique marxiste ou économique libéral, la Chine demeure, irréductible.

    Répondre
  2. Domonkos Szenes
    Domonkos Szenes dit :

    En complément de la présentation déjà si complète de Lombard, je signale une très intéressante adaptation dans notre langue de l’histoire de Sun le Roi-Singe (qu’il me soit pardonné si cela fait redite avec une mention qui m’aurait échappé).

    Il s’agit du « Singe Éfgal du Ciel » (l’un des titres dont se pare Sun dans la première partie du roman, lorsqu’il va semer le trouble dans le Ciel et le panthéon chinoise. L’auteur en est Frédérick Tristan, et le roman fut publié par Bourgois en 1972, plus tard repris chez Fayard. C’était à peu près l’époque de la parution en France de la première édition conséquente bien qu’incomplète du Xi Youji, celle du Seuil, mentionnée par Lombard. C’était aussi l’époque de la Révolution Culturelle et du triomphe maoïste, le Grand Timonier ayant fait du Singe Sun un héros immortel de la révolution populaire…

    Si le Roi-Singe de Tristan (plus taoïste que bouddhique) est plus proche de cette figure de rebelle que du personnage du roman classique, on est pourtant loin de la soupe à la mode maoïste alors en vogue, et plus proche d’une vision ésotérique et fantaisiste de l’Histoire. Pour le coup, il n’est pas impertinent de voir dans ce Roi-Singe un personnage picaresque, l’auteur – par ailleurs bon connaisseur de la Chine où il a effectué de nombreux séjours – l’ayant voulu ainsi et n’ayant pas hésité à « l’occidentaliser ». Les libertés prises par l’auteur de ce roman jubilatoire vont le conduire à nous faire assister au triomphe final du Singe, passé du statut de rebelle à celui de révolutionnaire.

    Il continuera à obséder Tristan – par ailleurs auteur de sept ou huit autres récits ou essais ayant pour cadre la Chine médiévale – au point que, quelques années plus tard, il lui consacrera un spectacle musical : « Le Roi Singe » – sur une musique d’Etienne Perruchon et des textes de chansons de Gil Galliot – qui connut quelques représentations et une édition en CD.

    Répondre
  3. Gildas
    Gildas dit :

    Bonjour,

    J’hésite entre acheter la version La Pléiade d’André Lévy qui date de 1991 et celle sous la forme de BD (en 36 tomes) des éditions Fei de 2014.
    Savez-vous par hasard si sa version BD (en 36 tomes) propose une traduction aussi fidèle à l’œuvre originale, à l’instar de la version La Pléiade ?
    Si jamais vous disposez de ce genre d’informations j’en aurais été intéressé.

    Merci,

    Répondre
    • Domonkos Szenes
      Domonkos Szenes dit :

      Honnêtement, Gildas, je ne saurais prétendre au titre de Sinologue, mais j’ai toute de même quelque teinture de langue chinoise classique et moderne (acquise, il y a de cela un siècle ou un siècle et demi, je ne sais plus, à Langues O’ et entretenue bon an mal an depuis), soixante années de fréquentation assidue de la littérature et de l’histoire chinoises, ainsi qu’une bibliothèque « chinoise » qui dépasse largement le millier de volumes… Cela ne me confère aucun titre, sinon celui de passionné et de « connaisseur » au sens ancien du terme, et c’est en cette qualité que je vous réponds.
      D’autres, plus savants que moi, pourront vous apporter des réponses plus techniques ou scientifiques qui vous apporteront un éclairage bien plus précis.

      Je dois tout d’abord vous avouer que je ne connaissais pas cette édition du « Voyage vers l’Ouest » en bande dessinée (moi qui suis également un passionné de bande dessinée !), mais, après consultation sur la Toile, je crois avoir compris que cet ouvrage ressemble beaucoup à d’autres adaptations chinoises en BD que j’ai autrefois possédées et lues. Pas de surprise sur le style.

      Pour parler franc, il n’y a rien au-dessus, en France (et peut-être même en Europe), de l’édition du « Voyage » en Pléiade et on ne saurait s’en dispenser. Cela ne souffre aucune discussion.
      Les illustrations sont de type traditionnel et proches de celles de la bande dessinée, mais elles ne sauraient concurrencer cette dernière sur son propre terrain. Elles ouvrent des fenêtres.

      Si vous craignez de vous attaquer à une Montagne trop escarpée – les grands romans classiques chinois nécessitent tout de même une initiation, à moins de connaître le coup de foudre amoureux, absolu, inexplicable, comme je l’ai connu à la prime adolescence – rien ne s’oppose à ce que vous l’abordiez par les pentes plus douces de la bande dessinée. De façon à vous familiariser avec cet univers touffu, ses personnages, son esthétique, son imaginaire, sa philosophie.
      À vous de voir, par la suite, si vous voulez passer au stade supérieur, afin de goûter au divin nectar de la version intégrale que vous offre la Pléiade.

      Il y a aussi d’autres façons d’aborder cette oeuvre, par des éditions ou des adaptations non intégrales. Le « Voyage » a connu bien des avatars. J’ai pour habitude de profiter de l’occasion pour faire l’article en faveur du « Singe Egal du Ciel » de mon ami Frédérick Tristan, adaptation libre et délicieuse, picaresque, mais qui ne concerne que la première partie du roman, celle qui concerne exclusivement la saga du Singe Magique (avant qu’en guise de pénitence pour ses insolences et le désordre qu’il a apporté dans le Ciel, Bouddha ne le condamne à devenir le bodyguard du Pèlerin parti sur les routes de l’Ouest, à la recherche des Livres fondateurs du bouddhisme).

      Mon point de vue n’est pas celui d’un puriste.
      Dans tous les cas, n’importe quel chemin de traverse vaut mieux que de tomber d’épuisement sur la voie royale de la version intégrale et fidèle que la Pléiade s’honore d’avoir accueillie.

      Répondre
      • Domonkos Szenes
        Domonkos Szenes dit :

        Etre bien conscient tout de même que la bande dessinée ne saurait remplacer le roman, pas même donner une idée de sa saveur et de ses beautés. Tout au plus une porte qui s’ouvre, par laquelle on entrevoit un univers. Qui ne sera pour vous qu’une vision lointaine, si vous ne la franchissez pas.

        Répondre
  4. DraaK fut là
    DraaK fut là dit :

    J’ajoute que Gildas, dans un précédent message qui n’apparaît pas ici, se pose la question suivante :
    « Je me demande si la version La Pléiade dispose d’illustrations suffisantes pour s’immerger facilement dans sa lecture » ?

    Répondre
  5. Lombard
    Lombard dit :

    La version Pléiade présente des reproductions de bois gravés anciens qui nous aident à nous plonger dans l’univers de Wu Cheng’en tout en laissant suffisamment de place à l’imaginaire, à la façon des dessins d’Hokusai, à leur façon véritables ancêtres des mangas. Si la lecture du texte en Pléiade n’exclut pas d’être complétée par celle de l’édition illustrée parue aux éditions Fei,elle reste néanmoins irremplaçable.

    Répondre
  6. Mathieu LARRIEU
    Mathieu LARRIEU dit :

    Je possède les différentes versions françaises qui sont citées dans votre article, car j’ai découvert ma toute première « le singe pèlerin » aux éditions Payot de 1992, au Salon du Livre à Paris, et depuis je n’ai eu de cesse de vouloir les autres qui existaient ; je m’étais même procuré un original des éditions du Seuil datant de 1951 (dans la Librairie des Livres Anciens, qui a du fermer suite au décès de son propriétaire). Quelle joie également que d’avoir pu m’acheter les 2 volumes de la Pléiade que j’ai littéralement dévorés tant c’était passionnant. Que ce soient la version du Seuil de 1957 (que j’ai en 2 volumes et 1 seul) ou celle de la Pléiade de1991, c’est vraiment le roman le plus passionnant que j’ai jamais lu. Il faut souligner, qu’en dehors de « L’Investiture des Dieux » 封神榜 Fēngshén yǎnyì, c’est tout de même un ouvrage de référence pour qui voudrait en apprendre plus sur la mythologie chinoise (taoïste comme bouddhiste) et ses différentes divinités, ainsi que l’organisation bureaucratique céleste (identique à celle terrestre). Bref, au delà d’un simple roman d’aventures, c’est surtout une puits de savoir et de connaissances à l’égard d’une culture qui nous est presque étrangère. A souligner aussi, que je suis l’auteur (d’autres m’ont suivi par la suite) des deux articles « Sunwukong » et « Guanyin » de Wikipédia et que j’ai réalisé ces deux derniers grâce aux livres que je possède et que je cite dans mes annotations. Encore merci d’aimer et de faire partager ce roman au plus grand nombre : lisez le « Xī Yóu Jì » si vous ne le connaissez pas ; j’ai eu l’infinie chance de le découvrir en tant que premier roman (car je ne lisais que des BD avant).

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    • Domonkos Szenes
      Domonkos Szenes dit :

      Pour les Seigneurs du Ciel – et pour l’auteur du Xiyouji – Sun est une sorte de mélange de délinquant de banlieue et d’arriviste voulant se faire une place de gré ou de force parmi eux, du style Bernard Tapie. Comme ce dernier hâbleur, tricheur, insupportable trublion, mais non dépourvu de charme et de charisme et se présentant volontiers comme un redresseur de torts, voire un justicier.

      Son humiliation par le Bouddha et son long purgatoire sous la montagne, l’ont à peine assagi : il a beaucoup de mal pendant longtemps à se soumettre au Moine-Pèlerin dont il prend la sagesse pour de la naïveté (à laquelle elle ressemble effectivement à maintes reprises) ou de la faiblesse. C’est bien contraint et forcé qu’il tire son patron des mauvais pas dans lesquels ils s’est mis. C’est lentement et difficilement, tout au long du pèlerinage, qu’il acquerra cette fameuse sagesse.

      Par ailleurs, avec Zhu Bajie, le Cochon Magique, son double burlesque, il forme une belle paire à la fois de complices dans les mauvais et de concurrents. Zhu, plus brut de décoffrage, représente les « bas instincts » humains, personnage assez rabelaisien et un des plus hauts motifs de réjouissance du lecteur du Xiyouji.
      Complicité et jalousie unissent les deux remuants compagnons de voyage du Moine, mais il faut noter que leur rencontre est aussi nécessaire qu’hasardeuse : en effet, l’un monte (Sun) animé d’une ambition démesurée, tandis que l’autre descend (Zhu) puisque ce dernier, que Sun traite volontiers d’idiot et de fainéant, est un ancien Officier des Armées Célestes déchu pour sa goinfrerie et son caractère libidineux.

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      • Domonkos Szenes
        Domonkos Szenes dit :

        erratum : Par ailleurs, avec Zhu Bajie, le Cochon Magique, son double burlesque, il forme une belle paire à la fois de complices dans les mauvais coups et de rivaux. Zhu, plus brut de décoffrage, représente les « bas instincts » humains – et tend à Sun un miroir dans lequel ce dernier peut voir sa propre caricature outrée – personnage assez rabelaisien et un des plus hauts motifs de réjouissance du lecteur du Xiyouji.
        Complicité et jalousie unissent les deux remuants compagnons de voyage du Moine, mais il faut noter que leur rencontre est aussi nécessaire qu’hasardeuse : en effet, l’un monte (Sun) animé d’une ambition démesurée, tandis que l’autre descend (Zhu) puisque ce dernier, que Sun traite volontiers d’idiot et de fainéant, est un ancien Officier des Armées Célestes déchu pour sa goinfrerie et son caractère libidineux.
        Son passé est bien plus criminel que celui de Sun. Violeur et assassin, c’est sous la forme d’un démon terrorisant un village que Sun doit d’abord le combattre avant que le Moine puisse se l’adjoindre.
        Je laisse aux lecteurs le soin de découvrir son difficultueux chemin de rédemption…

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  7. Domonkos Szenes
    Domonkos Szenes dit :

    Pour les fanatiques éhontés du « Xi youji Voyage vers l’Ouest » qui s’intéressent particulièrement à l’iconographie autour du fameux classique chinois, et à sa diffusion dans l’imaginaire de l’Extrême-Orient, notamment au Japon, vient de paraître un gros bouquins qui pourrait les intéresser.
    Ne l’ayant qu’assez superficiellement parcouru, je me contente de reproduire ci-après la description et l’argumentaire de l’éditeur :

    « La Pérégrination vers l’Ouest,
    Auteurs : Delphine Mulard , Évelyne Lesigne-Audoly
    Illustrations : Ôhara Tôya , Katsushika Taito , Utagawa Toyohiro
    Commentaires : Xavier Guilbert , Christophe Marquet , Delphine Mulard , Vincent Durand-Dastès
    Direction : Christophe Marquet
    Editeur : 2024

    Album BD en couleur et n&b, Couverture Cartonnée
    En mm : largeur 210, hauteur 300, épaisseur 90
    836 pages ; Prix public : 69,00 €
    Paru le 17 Novembre 2023

    La Pérégrination vers l’Ouest : Intégrale des estampes de l’édition japonaise de 1806-1837

    Publié en Chine au XVIe siècle, La Pérégrination vers l’Ouest est l’un des romans les plus importants de toute la culture asiatique. Il relate le périple fantastique, à travers l’Asie centrale, d’un moine bouddhiste et de son escorte légendaire : un ogre des sables, un cochon anthropomorphe, un cheval-dragon et, volant sur son nuage avec son bâton magique, l’irrévérencieux Singe-Roi Son Gokū (Sun Wukong), qui donne tout son sel à ce récit sans cesse repris et adapté au fil des siècles, jusqu’au célèbre Dragon Ball de Toriyama Akira.
    Entre 1806 et 1837, des libraires d’Ōsaka, au Japon, commandent ainsi 250 gravures, dont une dizaine en couleurs, pour une ambitieuse édition illustrée de l’œuvre : monstres formidables, voyageurs égarés, combats titanesques… tout le génie des artistes de l’époque d’Edo s’expriment dans ces estampes virtuoses qui, si elles furent longtemps attribuées à Hokusai, sont en fait l’œuvre de son plus fidèle disciple, Katsushika Taito, et deux autres imagiers talentueux, Ōhara Tōya et Utagawa Toyohiro.

    Après un travail considérable de recherche et de restauration, ce livre présente, pour la première fois depuis leur édition originale, l’intégralité de ces images exceptionnelles. Préfacé et commenté sous la direction de Christophe Marquet (EFEO), cet ensemble remarquable permet de découvrir toute la puissance narrative de l’estampe japonaise, terreau visuel du manga moderne.

    Caractéristiques :
    – Couverture Wibalin teinté dans la masse avec cuvette, étiquette et marquages à chaud 3 plats.
    – Impression en bichromie (Noir et Pantone) et CMJN sur papier Holmen Book 2.0 70g
    – Reliure cousue renforcée, tranchefile et 2 signets
    – Maquette : Erwan Chouzenoux – Poste 4
    – Premier tirage : 4 000 ex »

    J’ai eu ce livre en mains et l’ai longuement parcouru, tourné et retourné dans tous les sens, hésitant à investir la somme coquette de 69€ dans l’achat (à moins de me le faire offrir pour mon petit Noël ?)…
    A vue de nez, je ne suis guère impressionné par la qualité des reproductions, mais le livre a le mérite de reproduire in extenso une édition japonaise historique, qui est normalement complètement hors de notre portée.
    Le livre ne reproduit pas le texte du roman – qu’il est donc préférable d’avoir lu préalablement – mais ponctue les cahiers d’illustrations de résumés, chapitre par chapitre, afin de se situer dans le cours du récit.

    J’attire l’attention et la curiosité des amateurs, sans porter plus de jugement ; à chacun de se faire son opinion.

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  8. Domonkos Szenes
    Domonkos Szenes dit :

    Pour être complet, il faut noter également que le maître de cette édition des illustrations japonaises classiques du « Xi You Ji », n’est pas un petit rigolo, suant sur la mode du manga : Christophe Marquet, est un spécialiste reconnu de l’imagenirie populaire japonaise, directeur de la très vénérable EFEO (École Française d’Extrême-Orient jusqu’en 2022, professeur et chercheur à l’INALCO (Institut des Langues et Civilisations Orientales), e qui est tout de même un gage de sérieux, pour le moins.

    Christophe Marquet. Directeur d’études (histoire de l’art japonais) depuis 2017. Directeur de l’EFEO de 2018 à 2022. Responsable du centre de Tôkyô de l’EFEO (à l’Oriental Library) de 2004 à 2008, il y a dirigé un programme de recherches sur les peintres et l’édition à l’époque d’Edo.

    Ses travaux antérieurs ont porté notamment sur l’histoire de la conservation du patrimoine au Japon, l’historiographie de l’histoire de l’art, l’enseignement artistique, les peintres et la guerre à l’époque de Meiji, les collections françaises de livres japonais anciens.
    Ses recherches actuelles concernent l’histoire de l’art japonais à partir du XVIe siècle et en particulier les rapports entre l’image et le livre, ainsi que les formes picturales populaires anonymes à l’époque d’Edo (Ôtsu-e, ema, noboribata, etc.).

    (…)

    Il a collaboré à de nombreuses expositions : Albums et livres illustrés japonais des XVIIIe et XIXe siècles. Collection de la Bibliothèque nationale de France (Bibliothèque du Havre, 1997), Les dessins d’art décoratif d’Asai Chû (musée de Sakura, 2002), Eros au secret. L’Enfer de la Bibliothèque (BnF, 2007), De Kuroda à Foujita. Peintres japonais à Paris (Maison de la culture du Japon à Paris, 2007), Estampes japonaises. Images d’un monde éphémère (BnF, 2008), Le Japon illustré. De Hokusai à l’école Utagawa (musée de Rouen, 2009), Un goût d’Extrême-Orient. Collection Charles Cartier-Bresson (musée des beaux-arts de Nancy, 2011), Ukiyo-e. Les maîtres de l’estampe japonaise. Collection du musée Isago no sato, Kawasaki (musée Toulouse-Lautrec, 2012), Japon. La lettre et l’image à l’époque d’Edo (musée Champollion, 2013), Hokusai, Hiroshige, Rivière. L’amour de la nature (musée départemental Breton, 2015), Ôtsu-e. Peintures populaires d’Edo (Maison franco-japonaise, Museum of Kokugakuin University, 2016), A l’aube du japonisme (MCJP, 2017).

    Il a dirigé plusieurs ouvrages collectifs, dont : Du pinceau à la typographie. Regards japonais sur l’écriture et le livre (EFEO, 2006, éd. japonaise 2010), E wo yomu, moji wo miru. Nihon bungaku to sono baitai (Lire les images, regarder l’écrit : la littérature japonaise et ses supports, Bensei shuppan, 2008), Tekisuto to imêji wo amu : shuppan bunka no nichifutsu kôryû (Marier texte et image : échanges franco-japonais dans l’édition, Bensei shuppan, 2015), Purimitîfu kaiga ? Kingendai wo ikiru Ôtsu-e (Peintures primitives ? Les images d’Ôtsu et leur héritage moderne et contemporain, Bijutsu Fôramu 21, 2017).

    Il a traduit et édité en fac-similé une dizaine de livres illustrés d’artistes japonais de l’époque d’Edo conservés à l’Institut national d’histoire de l’art et à la BnF (Hokusai, 2007 et 2014 ; Shunboku & Morikuni, 2007 ; Utamaro, 2008 et 2009 ; Kôrin, 2010 ; Keisai, 2011). »

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