George Eliot

La notice ci-dessous, ainsi que la présentation de l’édition Pléiade sont de notre ami Lombard, qui est également le contributeur sur plusieurs autres pages (Honoré de Balzac, Kafka, Émile Zola, Tourgueniev…)

Encore merci à lui.

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George Eliot (1819 – 1880) fut en son temps une auteure célébrée par ses contemporains. Elle est aujourd’hui, avec Charles Dickens et William Makepeace Thackeray, considérée comme l’un des trois grands plus grands romanciers de l’ère victorienne, ce qui n’est pas rien pour l’époque où la littérature anglaise nous a donné Charlotte et Emily Brontë, Oscar Wilde, Robert Louis Stevenson, H.G. Wells, Conan Doyle, Wilkie Collins, Rudyard Kipling, Lewis Carroll ou encore Henry James.

Un peu délaissée par la critique de l’entre deux guerres, celle que l’historienne Mona Ozouf  qualifie très justement de « conservatrice de progrès » fut remise au premier plan de la littérature anglaise dès l’après-guerre, grâce à quelques ouvrages critiques décisifs.

Si ses premiers romans furent aussi des succès (Adam Bede, Le Moulin sur la Floss, Silas Marner, Romola), c’est bien Middlemarch que retient la postérité. Écrit en 1871 et 1872, ce roman complexe fut encensé par Virginia Wolf qui, dans une tribune littéraire devenue célèbre, le qualifiait de « premier roman anglais écrit pour les adultes » ; il est aujourd’hui considéré par beaucoup comme le plus grand roman de l’époque victorienne.

  • Edition de référence [par défaut]

Bibliothèque de La Pléiade (n°647, parue le 10 septembre 2020, 1680 pages) – Middlemarch précédé de Le Moulin sur la Floss de George Eliot.

Traduction  initiale : Sylvère Monod 2005 ; traduction revue par Alain Jumeau.

Édition sous la direction d’Alain Jumeau. Préface de Nancy Henry et George Levine. Inclut deux essais de Mona Ozouf.

1 réponse
  1. Lombard
    Lombard dit :

    Comme à l’accoutumée, je ne peux ici que donner mon simple avis de lecteur. J’avoue avoir totalement découvert George Eliot avec cette nouvelle parution en Pléiade. J’ai trouvé un grand intérêt à l’introduction, aux notes et variantes, à la chronologie et aux deux essais de Mono Ozouf que Gallimard a insérés dans ce volume. Grand amateur de littérature anglaise avec une prédilection pour le XIXe siècle, ma curiosité et mes attentes étaient grandes en ouvrant Middlemarch. Je n’ai en rien été déçu et j’ai même eu de belles surprises : on parle ici d’un roman d’environ mille pages, format que j’affectionne parce qu’il permet souvent de s’immerger dans l’histoire et de cerner les caractères des personnages.

    Sur le style, tout d’abord : la traduction de Sylvère Monod s’avère une de fois de plus irréprochable. Rappelons qu’il est considéré comme le spécialiste et traducteur de référence de Dickens, mais qu’il a aussi réalisé pour Gallimard des traductions de Shakespeare, de William Makepeace Tackeray, de Jane, Anne et Emily Brontë, de Joseph Conrad ou encore de Walter Scott dont il a dirigé les éditions en Pléiade (pour les deux derniers). L’écriture est dense et complexe, les phrases sont recherchées, un peu à la manière de Balzac, mais retravaillées à la façon de Flaubert ; autant dire que c’est extrêmement bien écrit pour autant que le lecteur français puisse apprécier une traduction de l’anglais. Le style de George Eliot comporte une part indéniable d’humour britannique, celui que l’on retrouve notamment dans les romans de Dickens, et la traduction en est très bien rendue. Si la syntaxe est riche et les formulations très bien construites, l’écriture n’est jamais ennuyeuse ; il n’y a par exemple pratiquement aucune description de lieux ou de personnages dont la longueur serait comparable à ce qu’écrit Balzac par exemple.

    Le genre est celui du roman classique par excellence. George Eliot considérait Middlemarch comme un roman historique en avançant deux raisons : d’une part elle vouait une grande admiration à Walter Scott, le créateur du genre, mais aussi parce elle situe l’action dans un contexte historique très précis, l’Angleterre de la fin des années 1820, à l’époque de la mort du roi George IV. Or, au sens où nous l’entendons aujourd’hui, il ne s’agit pas d’un roman historique : l’intrigue du livre, très riche, ne doit à la grande Histoire que sa toile de fond. Tout au plus est-il fait allusion à quelques événements du temps pour justifier la candidature d’un des héros à un poste politique. Il ne s’agit pas ici de se contenter passer en revue quelques types universels, mais bien de se plonger dans la vie d’une communauté étendue et complexe qui comprend de nombreux personnages issus de différents milieux avec force rebondissements inattendus et rencontres improbables. Ce texte est une peinture sociale d’un groupe d’êtres disparates quelquefois reliés par des liens familiaux diffus, ce que le titre assez balzacien du roman évoque bien : « Middlemarch – Étude de la vie de province ».

    Les caractères sont dépeints avec une grande finesse et l’auteur intervient par des remarques philosophiques voire sociologiques d’une grande pertinence. Non seulement George Eliot était une femme très cultivée, mais en plus elle faisait montre d’un don d’observation et d’une acuité que l’on peut retrouver chez Dickens, Dostoïevski, Balzac ou Maupassant. En plus de Scott, George Eliot avait un autre auteur préféré : Jane Austen. Ainsi je m’attendais à une intrigue « romantique » ; or, s’il subsiste un peu de lyrisme victorien dans cette grande et belle histoire, ce n’est pas ce qui domine. Cette sorte de comédie humaine renferme une part de tragique qui renvoie plutôt à Emily Brontë qu’à Jane Austen et une épaisseur sociale sans concessions qui évoque plus Dickens que Tackeray. Il y a enfin, last but not least (on peut se permettre…), quelques rebondissements superbes et inattendus, c’est-à-dire ne succédant pas à un suspense artificiel destiné à les préparer, mais qui restent parfaitement crédibles pour un lecteur exigeant.

    Je n’ose recommander ce livre à des lecteurs occasionnels car c’est une œuvre imposante, assez sérieuse par moments bien que jamais ennuyeuse. En revanche, à ceux qui ont lu et aimé les grands romans de Dickens (dans la lignée de Nicolas Nickleby, Barnabé Rudge, La Maison d’Âpre-vent ou encore La Petite Dorrit), je ne saurais trop inciter à la découverte de ce superbe roman d’anthologie. Il faut bien prendre le temps de se plonger au cœur de cette intrigue assez complexe afin de ne pas perdre le fil de l’histoire vécue par chacun des nombreux personnages à la rencontre desquels George Eliot nous entraîne et dont elle décrit magistralement les méandres de l’âme.

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