L’article entier ainsi que l’iconographie sont de notre ami Lombard. Qu’il soit une fois de plus remercié pour ce travail passionné.

Fiodor Dostoïevski naît le 11 novembre 1821 (du calendrier julien, soit le 30 octobre 1821 du calendrier grégorien) à Moscou, dans une famille de petite noblesse, d’une mère issue d’une famille de marchands et d’un père médecin militaire à l’hôpital des pauvres de Moscou. Il passe les premières années de sa vie reclus avec un père alcoolique, brutal et tyrannique.

En 1834 il est placé avec son frère aîné Mikhaïl dans une pension à Moscou où tous deux cultivent une passion pour Victor Hugo, Georges Sand, Charles Dickens, William Shakespeare, Friedrich Von Schiller et Alexandre Pouchkine. Leur mère décède en 1837. L’année suivante Fiodor intègre l’école du génie militaire de Saint-Pétersbourg où son frère, considéré comme inapte, ne peut le suivre. Cette école ne lui plaît guère et il poursuit sa route dans une solitude accentuée par l’absence de son frère Mikhaïl. Il s’éloigne de plus en plus de son père et va jusqu’à développer une profonde haine à son égard. Le père, abattu par la mort de sa femme, sombre dans un alcoolisme irréversible et finit par décéder d’une crise d’apoplexie.

En 1843, Fiodor est affecté au poste de sous-lieutenant attaché au bureau du Génie à Saint Pétersbourg. Il en démissionne au cours de l’été 1844 pour se consacrer à son premier roman, Les Pauvres gens. Adoubé par Nekrassov et Biélinski qui lui prédisent un grand succès, l’ouvrage est publié en 1846. Avant même la sortie du livre, on qualifie Dostoïevski de « nouveau Gogol ».

Propulsé dans les cercles littéraires, Fiodor s’attire des railleries de la part des critiques qui jugent son attitude fanfaronne.  Les deux œuvres qui suivent, Le Double en 1846 et La Logeuse en 1847, ne rencontrent pas le succès de sa première publication. C’est à cette époque que l’on diagnostique sa première véritable crise d’épilepsie diagnostiquée.

Dostoïevski décide de s’éloigner des milieux littéraires pour se réfugier dans des groupes intellectuels parmi lesquels le cercle fouriériste de Mikhaïl Petrachevski qui remet en cause le modèle absolutiste de Nicolas Ier. Le général Orlov infiltre un informateur chargé de monter un dossier de renseignement puis en informe le tsar qui surévalue le degré de dangerosité et réagit sévèrement. En avril 1849, tous les membres du groupe sont arrêtés et transférés à la forteresse Pierre-et-Paul de Saint-Pétersbourg. Après cinq mois d’instruction, le 22 septembre 1849 à six heures du matin sur la place d’arme du régiment Séménovski, a lieu une sinistre mise en scène : le simulacre d’une exécution. On aligne les vingt condamnés, parmi lesquels se trouve Fiodor, et on leur annonce qu’ils vont être exécutés sur l’heure. On apporte les cercueils, les soldats arment leurs fusils, épaulent, et à la seconde même où les condamnés vont être mis à mort le général leur annonce que « les coupables sont graciés par la clémence infinie de Sa Majesté l’Empereur ».

À peine âgé de vingt-sept ans, Fiodor voit sa peine commuée en quatre ans de travaux forcés auxquels s’ajoutent quatre années de service militaire obligatoire. Il traverse alors les montagnes de l’Oural les fers aux pieds pour rejoindre le bagne d’Omsk en Sibérie où il va purger sa peine. Mêlé aux prisonniers de droit commun, c’est là qu’il apprend à connaître le véritable peuple russe.

Après avoir exécuté sa peine de travaux forcés, il est transféré en février 1854 à Semipalatinsk au Septième Bataillon d’armée sibérien.  Il y obtient le privilège de pouvoir habiter en ville, et non en casernement, dans un modeste cabanon où il écrit Souvenirs de la Maison des morts. Il rencontre le baron Wrangel qui l’aide à améliorer sa situation ainsi que Maria Dmitrievna Issaïev avec qui il se marie lorsqu’il est promu sous-lieutenant en 1856.

Dans l’intervalle, en mars 1855 Alexandre II a succédé à son père Nicolas Ier. Tout en restant sous la surveillance des services secrets de l’Empereur (qui contrôleront ses activités jusqu’en 1879 !), Fiodor quitte l’armée et rentre à Saint-Pétersbourg. Il y retrouve son frère Mikhaïl avec qui il fonde Le Temps, un journal à la ligne éditoriale modérée ; la censure interdit néanmoins la publication de la revue en 1863 à la suite d’un article de Nikolaï Strakhov qui déplaît au gouvernement du tsar.

Alexandre II abolit le servage en 1861. On assiste pourtant à des prémices de mouvements révolutionnaires, particulièrement dans les milieux étudiants qui critiquent vivement le tsar. En 1862 Fiodor part en Europe où il visite Paris et Londres qui le déçoivent par leur modernisme européen et surtout leur modèle démocratique qu’il trouve individualiste et matérialiste, ce qui renforce ses convictions socialistes.

À son retour d’Europe, Fiodor Dostoïevski trouve sa femme malade ; il la fait transférer à Moscou mais continue de vivre à Saint-Pétersbourg pour rester près de son frère avec qui il fonde une nouvelle revue, L’Époque. En avril 1864 son épouse Maria meurt de tuberculose et moins de trois mois plus tard c’est son frère Mikhaïl qui décède.

Couvert de dettes après avoir pris à sa charge les enfants de son défunt frère, Dostoïevski se tue à la tâche, vendant ses manuscrits de moins en moins cher tout en en écrivant de plus en plus. En 1866 il écrit Crime et châtiments qui connaît immédiatement le succès mais ne lui assure pas la stabilité financière puisqu’il en a déjà cédé les droits avant même la publication. Il épouse sa sténographe Anna Grigorievna Snitkine. Afin de fuir les créanciers et éviter la prison, le couple part pour un exil qui les conduit quatre années à travers l’Allemagne, la France et la Suisse.

C’est à cette époque que Fiodor s’adonne compulsivement à des jeux d’argents où il perd toute sa fortune, allant jusqu’à dilapider ses biens, vendre les bijoux de son épouse et même n’avoir plus rien à manger. L’éditeur Katkov leur concède une avance qui permet à Fiodor d’écrire L’idiot en 1868. Sa femme donne naissance à une fille mais celle-ci meurt peu après. Ils finissent par rentrer à Saint-Pétersbourg où Fiodor écrit le pamphlet révolutionnaire Les Démons en 1871.

Cette même année 1871 naît leur premier fils qu’ils prénomment Fiodor. Suite aux encouragements de son épouse Dostoïevski finit par renoncer aux jeux d’argent. Il obtient la place de rédacteur en chef du journal Le Citoyen où il ouvre une rubrique conservatrice et anti-européenne publiée de 1873 à 1881 et qui constitue le Journal d’un écrivain.

En 1875 il publie L’adolescent, roman qu’il écrit dans une maison louée à la campagne, tandis qu’Anna met au monde leur second fils, Alexis. Pour reconstruire sa popularité et se refaire une place dans la société, Fiodor fréquente à nouveau les salons. En 1878 son fils Alexis meurt d’une crise d’épilepsie. En 1879 il publie son dernier ouvrage, Les frères Karamazov, qui rencontre un succès immense. C’est l’apothéose pour Dostoïevski qui est sollicité en mai 1880 à l’occasion des fêtes de Moscou pour faire un discours en faveur de Pouchkine, son héros de toujours.

Il meurt au soir du 27 janvier 1881. Le matin même il aurait déclaré « Je mourrai aujourd’hui » avant d’ouvrir Le Nouveau Testament et de lire la parole du Christ « Ne me retiens pas maintenant, car c’est ainsi qu’il nous faut accomplir toute justice ». Cinq  jours après, un hommage populaire lui est rendu ; un cortège de soixante mille personnes escorte son cercueil jusqu’à l’église. Un mois plus tard, alors qu’il assiste à une parade militaire, le tsar Alexandre II tombe assassiné par les bombes d’un groupe nihiliste du mouvement Narodnaïa Volia.

Fiodor Dostoïevski est enterré à Saint-Pétersbourg au cimetière Tikhvine du monastère Saint-Alexandre-Nevski aux côtés de Tchaïkovski, Ivan Chichkine, Mikhaïl Glinka ou encore Rimski-Korsakov.

  • Bibliographie chronologique sélective de Fiodor Dostoïevski

1846
Les pauvres gens
Roman disponible dans la traduction de Sylvie Luneau chez Gallimard en Pléiade (N°111) et Folio classique

Le Double
Récit disponible dans la traduction de Gustave Aucouturier chez Gallimard en Pléiade (N°211 et Folio classique (N°1227)

Monsieur Prokhartchine
Nouvelle disponible dans la traduction de Gustave Aucouturier chez Gallimard en Pléiade (N°211) et en Folio

1847
Un Roman en neuf lettres
L’Hôtesse
Chronique Pétersbourgeoise
Nouvelles disponibles dans la traduction de Gustave Aucouturier chez Gallimard en Pléiade (N°211) et en Folio

1848
Polzounov
La Femme d’un autre et le mari sous le lit
Un Arbre de Noël et un mariage
Un Cœur faible
Un Honnête voleur
Nouvelles disponibles dans la traduction de Gustave Aucouturier chez Gallimard en Pléiade (N°211) et en Folio classique

Les Nuits blanches.
Longue nouvelle ou roman court disponible dans la traduction de Pierre Pascal chez Gallimard en Pléiade (N°119) et en Folio classique

1849
Niétotchka Niézvanov
Roman inachevé disponible dans la traduction d’Henri Mongault chez Gallimard en Pléiade (N°91).

Un Petit héros
Nouvelle disponible dans la traduction de Gustave Aucouturier chez Gallimard en Pléiade (N°211) et en Folio classique

1859
Le Rêve de l’oncle
Stièpantchikovo et ses habitants

Nouvelles disponibles dans la traduction de Gustave Aucouturier chez Gallimard en Pléiade (N°211)

1861
Humiliés et Offensés
Roman disponible dans la traduction de Sylvie Luneau chez Gallimard en Pléiade (N°94), en Folio classique et au Livre de poche

1860 et 1862
Souvenirs de la Maison des morts
Roman disponible dans la traduction d’Henri Mongault et Louise Désormonts chez Gallimard en Pléiade (N°83) et en Folio classique

1864
Le Sous-sol
Roman disponible dans la traduction de Pierre Pascal chez Gallimard en Pléiade (N°119) et en Folio classique

1866
Crime et châtiment
Roman disponible dans la traduction de Pierre Pascal chez Gallimard en Pléiade (N°83) et en Folio classique ainsi qu’au Livre de Poche dans la traduction d’Élisabeth Guertik revue par Jean-Louis Backès.

[ci-dessus, en illustration, le crime de Raskolnikov, illustration extraite de l’une des premières versions russes]

Le Joueur
Roman disponible dans la traduction de Pierre Pascal chez Gallimard en Pléiade (N°83) et en Folio classique, ainsi qu’au Livre de Poche dans la traduction de Constantin Andronikof et Alexandre de Couriss

1868-1869
L’idiot
Roman disponible dans la traduction de Pierre Pascal chez Gallimard en Pléiade (N°94) et en Folio classique ainsi qu’au Livre de Poche dans la traduction de Gabriel et Georges Arout

1870
L’Éternel Mari
Roman disponible dans la traduction de Boris de Schlœzer chez Gallimard en Pléiade (N°119) et en Folio classique, ainsi qu’au Livre de Poche dans la traduction de Gabriel et Georges Arout

1871
Les Démons
Roman disponible dans la traduction de Boris de Schlœzer chez Gallimard en Pléiade (N°119)

1873-1881
Journal d’un écrivain incluant Petits tableaux de voyage (mars 1874) et Le Triton (août 1878)
Journal disponible dans la traduction de Gustave Aucouturier chez Gallimard en Pléiade (N°234) et au Livre de Poche dans la traduction d’Élisabeth Guertik revue par Jean-Louis Backès.

1875
L’adolescent
Roman disponible dans la traduction de Pierre Pascal disponible chez Gallimard en Pléiade (N°119) et en Folio classique

1880
Les Frères Karamazov
Roman disponible dans la traduction d’Henri Mongault chez Gallimard en Pléiade (N°91) et en Folio classique ainsi qu’au Livre de Poche dans la traduction d’Élisabeth Guertik revue par Jean-Louis Backès.

À l’exception du Journal d’un écrivain, des chroniques et polémiques (articles parus dans Le Temps de 1861 à 1863 et dans L’Époque de 1864 à 1865) toutes les œuvres citées sont disponibles dans la traduction d’André Markowitz aux éditions Actes Sud, soit dans la collection Babel (en vingt-neuf volumes) soit en recueils (œuvres romanesques en cinq volumes).

  • Les premières traductions françaises historiques de Fiodor Dostoïevski

 On se contentera ici de présenter dans l’ordre chronologique les premières traductions ou adaptations (sans leurs rééditions), puis les premières traductions intégrales et enfin celles qui ont marqué l’histoire de l’œuvre par leur pertinence ou leur longévité au catalogue des éditeurs. On s’arrêtera dans un premier temps à l’immédiate après-guerre tant les traductions postérieure sont nombreuses.

1884

Le Crime et le Châtiment, traduction Victor Derély, éditions Plon-Nourrit et Cie, ex-libris de Maurice Barrès

Humiliés et offensés, traduction Ed. Humbert, éditions Plon, Nourrit et Cie

1886

L’Esprit souterrain, traduction et adaptation Ely Halpérine-Kaminski et Charles Morice, éditions Plon-Nourrit et Cie

Souvenirs de la maison des morts, traduction Charles Neyroud, éditions Plon

Les Possédés, traduction Victor Derély, éditions Plon-Nourrit

1887

L’Idiot, traduction Victor Derély, édition Plon-Nourrit

Le Joueur et Les Nuits blanches, traduction Ely Halpérine-Kaminski, éditions Plon-Nourrit et Cie

1888

La Femme d’un autre, traduction et adaptation Ely Halpérine-Kaminski et Charles Morice, éditions Plon-Nourrit et Cie

Les Frères Karamazov, traduction Ely Halpérine-Kaminsky, éditions Plon-Nourrit – « Version très écourtée, incomplète et adaptée »

Les Pauvres gens, traduction Victor Derély, éditions Plon-Nourrit et Cie

1889

Les Précoces, traduction Ely Halpérine-Kaminsky, éditions V. Havard, Paris. L’ouvrage est composé de chapitres que Dostoïevski a amputés des Frères Karamazov pour composer un volume distinct, où les jeunes héros portent le nom de Chestomazov.

 

1890

Âme d’enfant, adapté du russe par Ely Halpérine-Kaminsky, éditions Charles Marpon et E. Flammarion, Paris. Cet ouvrage est constitué des chapitres extraits de Niétotchka Niézvanov qui suivent  la première partie éditée sous le titre Les Étapes de la folie (Un cœur faible).

 

1892

Les Étapes de la folie (Un cœur faible), traduction Ely Halpérine-Kaminsky, éditions Perrin. Cet ouvrage est constitué des six premiers chapitres de Niétotchka Niézvanov.

L’honnête voleur, éditions Librairie illustrée, Paris, collection « Chefs-d’œuvre du siècle illustrés »

1893

Noël russe, traduction J. Grzybowski et Émile Asse, imprimerie de H. Prudhomme, Châteaudun

1895

Le Rêve de l’oncle, traduction Ely Halpérine-Kaminski, éditions Plon-Nourrit et Cie

1897

Les Précoces, traduction Ely Halpérine-Kaminski, éditions Flammarion, Paris

1902

Un adolescent, traduction Jean Wladimir Bienstock et Félix Fénéon, éditions de La Revue blanche. Paraît d’abord en feuilleton dans la revue puis aux éditions Fasquelle à partir de 1923

1904

Journal d’un écrivain, 1873, 1876 et 1877, traduction Jean Wladimir Bienstock et John-Antoine Nau, éditions Fasquelle, Paris

1906

Le Double, « roman inédit », traduction Jean Wladimir Bienstock et Léon Werth, Société du Mercure de France, Paris (il s’agit de la 3e édition : date de la 1ère édition inconnue)

Carnet d’un inconnu, « roman inédit », traduction Jean Wladimir Bienstock et Charles Torquet, Société du Mercure de France, Paris. Il s’agit de la première traduction de Stièpantchikovo et ses habitants.

Les Frères Karamazov, traduction J.-Wladimir Bienstock et Charles Torquet), éditions Fasquelle, Paris – Version écourtée et adaptée.

1908

Souvenir de la maison des morts, traduction R. Iasenovskiĭ, Société d’édition française et étrangère, Paris

Correspondance et Voyage à l’étranger, traduction Jean Wladimir Bienstock, Société du Mercure de France

1909

Le Sous-sol « suivi de deux nouvelles inédites » (Le crocodile et Prokhartchine), traduction Jean Wladimir Bienstock, éditions Bibliothèque Charpentier, Paris

1914

Netochka, traduction Ely Halpérine-Kaminski, illustrations Némecek, éditions Pierre Lafitte, Paris. Cet ouvrage est la réunion des deux ouvrages Âme d’enfant et Les Étapes de la folie et constituent une partie de Niétotchka Nezvanova.

1917

Niétotchka Nezvanova, traduction Jean Wladimir Bienstock, éditions Librairie Frédéric Rieder & Cie, Paris, collection « Les prosateurs étrangers modernes »

1919

L’éternel mari, traduction Nina Halpérine-Kaminsky, éditions Plon

 

1920

La Logeuse « suivi de deux histoires », traduction Jean Wladimir Bienstock, éditions Librairie Frédéric Rieder & Cie, Paris, collection « Les prosateurs étrangers modernes »

1922

La Confession de Stavroguine complétée par une partie inédite du Journal d’un écrivain, traduction et commentaires Ely Halpérine-Kaminsky, éditions Plon-Nourrit et Cie (il s’agit de la 8e édition : date de la 1ère édition inconnue)

[Les Possédés, extrait :] La Confession de Stavroguine, note et traduction de Boris de Schloezer, extrait de la Nouvelle Revue Française, 1er juin 1922

1923

Les Frères Karamazov. 2,  traduction Henri Mongault et Marc Laval, éditions Bossard, Paris

Les Frères Karamazov, roman en quatre parties et un épilogue, traduction Henri Mongault et Marc Laval, éditions Bossard, Paris. Présentée comme « seule traduction intégrale et conforme au texte russe », il s’agit bien de la première traduction intégrale en trois tomes.

1925

Les possédés suivis de La confession de Stavroguine, « seule traduction intégrale et conforme au texte russe » par Jean Chuzeville, éditions Bossard, Paris

Une fâcheuse histoire, « grande nouvelle inédite », adapté du russe par Georges d’Ostoya et Gustave Masson, éditions Nelson (Paris, Édimbourg, Londres, New-York)

1926

Mémoires écrits dans un souterrain, « traduction intégrale et conforme au texte russe », traduction Henri Mongault et Marc Laval, éditions Bossard, Paris

La Voix souterraine, traduction  Boris de Schlœzer, éditions Librairie Stock, Delamain et Boutelleau, Paris

1927

Journal d’un écrivain, T 1, T2 et T3, « traduction conforme au texte russe et annotée »  par Jean Chuzeville, éditions Bossard, Paris

Lettres à sa femme, traduction et notes de Jean Wladimir Bienstock, éditions Les petits-fils de Plon et Nourrit, Paris

Journal de Raskolnikoff, « fragment inédit » de Crime et Châtiment, traduction Vladimir Pozner, éditions des cahiers libres, Paris

Krotkaia. Elle était douce et humble, « conte fantastique », traduction Jean Chuzeville, éditeur inconnu, Paris

Une femme douce, traduction Georges d’Ostoya et Gustave Masson, illustrations Greg Gierlowski, impression Marcel Seheur, Paris

 

1928

Un Joueur ; Notes d’hiver sur des impressions d’été : 1863, traduction  « intégrale » Henri Mongault et Marc Laval, éditions Bossard, Paris

 

1929

Les Frères Karamazov, traduction Boris de Schlœzer, cent lithographies d’Alexandre Alexeïeff, éditions de la Pléiade – Jacques Schiffrin, Paris – Traduction intégrale en trois tomes

1931-1934

Pour la première fois, des œuvres complètes paraissent en quinze volumes chez Gallimard dans la collection N.R.F. On retrouve l’essentiel des traductions qui feront date dans La Pléiade :

  1. 1 et 2. Crime et Châtiment, traduction Doussia Ergaz, suivi du Journal de Raskolnikov, traduction Vladimir Pozner – 1931. (21 octobre.) 2 vol. in-8. T. 1, 426 p. ; t. 2, 388 p. Chaque, 60 fr.
  2. 3. Un joueur, traduction Henri Mongault. L’Eternel mari, traduction Boris de Schloezer. – 1931, 392 p.
  3. 4 et 5. Les Démons, traduction Boris de Schloezer. T. 1. – 1932, 486 p. ; t. 2, 512 p. Chaque tome 60 fr.
  4. 6 et 7. L’Idiot. 1869. Roman en quatre parties, traduction Albert Mousset. Traduction intégrale et conforme au texte russe, I, II. – 1933. (15 novembre.) 2 vol. in-8. Vol. 1, 479 p. ; vol. 2, 438 p. Chacun, 60 fr.

T.8 Les Carnets de l’idiot, traduction Boris de Schloezer. Traduction intégrale et conforme au texte russe. 1933, 219 p., 40 fr.

  1. 9. Souvenir de la maison des morts (1861-1862). Première traduction intégrale et conforme au texte russe par Henri Mongault et Louise Desormonts. 1932. (21 novembre.) In-8, 380 p. 60 fr.
  2. 10 à 12. Les Frères Karamazov, traduction Boris de Schloezer – 1934, 397, 403 et 401 p. Le vol. 60 fr.
  3. 13 et 14. L’Adolescent, traduction Pierre Pascal – 1934. (16 novembre.) 2 vol. in-8 de 516 et 348 p. Le vol., 60 fr.

T.15. Nouvelles. 1862-1865, traduction Henri Mongault et Lucie Desormonts. Une fâcheuse histoire. Notes d’hiver sur les impressions d’été. Du fond du souterrain. Le Crocodile. – 1934, 360 p., 60 fr.

1933

Crime et châtiment, traduction Marc Semenoff, éditions A. Fayard, Paris

1937

Crime et châtiment, traduction J. Civel, éditions Béziat, Paris

1938

Crime et châtiment, traduction Marie Alexandre, éditions Fouraut, Paris, collection « La Bibliothèque précieuse – Chefs-d’œuvre étrangers »

Après-guerre, les traductions se multiplient :

 

1945

La Femme d’un autre ou le Mari sous le lit, traduction Banine (Banine Thillet), illustrations Louis Joly, éditions Julliard, Paris

Les Nuits blanches de Saint-Pétersbourg, traduction nouvelle Vera Porohvski et Paul-Henri Bourguignon, illustrations Marc Mendelson, éditions Formes, Bruxelles

Scandaleuse histoire, Traduction originale Alexis Remisoff Jean Chuzeville, illustrations Georges Annenkoff, éditions des Quatre vents, Paris

1946

La Légende du Grand Inquisiteur, adaptation Maximilien Rubel, illustrations Arthur Kolnik, éditions J.-L. Le Vai, Paris

L’Idiot, traduction R. Hofmann, éditions Bordas, Paris

L’Idiot, traduction G. et G. Arou, éditions Fernand Hazan, Paris

Le Joueur, journal d’un jeune homme, traduction Georges Block, illustrations René Franchi, éditions J. Vautrain, Paris

Les Frères Karamazoff (sic), traduction Marc Chapiro, éditions Henry-Louis Mermod, Lausanne, Suisse, collection « Les grands romans étrangers » (no 5)

L’Eternel Mari, traduction Boris de Schlœzer, éditions de la Pléiade – Jacques Schiffrin, Paris, collection « Les auteurs classiques russes »

Les traductions d’Elisabeth Guertyk resteront plusieurs décennies au catalogue du Livre de poche :

 

1947

Crime et Châtiment, traduction Elisabeth Guertyk, éditions Fernand Hazan,  Paris

1948

Les Frères Karamazov, traduction Élisabeth Guertik, éditions Fernand Hazan,  Paris, collection « Les Classiques du monde »

1952

Les Possédés, traduction Elisabeth Guertik, éditions Fernand Hazan,  Paris

On voit qu’avant la publication de la collection « Les Grands auteurs russes » dans la première Pléiade, il existait déjà des traductions pratiquement contemporaines de l’auteur. Ainsi, Crime et châtiment, Les Possédés, L’Idiot et Les Pauvres Gens ont connu des traductions brillantes pour leur époque, celles de Victor Dérely qui a permis à la France de découvrir Dostoïevski, et qui furent si appréciées qu’elles demeurèrent inchangées jusqu’à celles des années 20 effectuées pour le compte de La Pléiade.

Selon l’excellent site bibliotheque-russe-et-slave.com, « Il est usuel de reprocher aux traductions anciennes des œuvres étrangères leur rigidité, leur imprécision, voire des infidélités au texte original. Le reproche communément adressé aux traductions anciennes sera plutôt celui du style, jugé trop académique et figé. C’est oublier qu’il est conforme au XIXe siècle. On n’écrit plus aujourd’hui le français comme on l’écrivait au XIXe siècle ; il en est exactement de même pour le russe et pour le polonais… Ces traductions sont donc, comme l’a dit Baudelaire celles d’hommes de leur temps pour des hommes de leur temps. »

Il faut remonter aux origines de La Pléiade pour y trouver déjà certaines traductions historiques des grands romans russes du XIXe siècle. La première collection qui a précédé notre bibliothèque de la Pléiade actuelle, paraît aux éditions de la Pléiade / Jacques Schiffrin et Cie, créées en 1923 ;  est éditée alors sous l’intitulé « Les grands auteurs russes » une série de treize ouvrages brochés qui constituent les premières grandes traductions françaises de référence des auteurs russes du XIXe siècle. D’autres volumes illustrés paraissent simultanément, parfois dans des formats plus prestigieux comme le In-fol. ou In-4°. La volonté de faire découvrir la littérature russe à un large public français est due en grande partie à l’intérêt qu’y porte Jacques Schiffrin, lui-même né à Bakou, exilé depuis 1917 et venu à Paris en 1922.

Concernant l’œuvre de Dostoïevski, cette première collection proto-Pléiade « Les grands auteurs russes » comprend déjà L’Éternel mari dans la traduction de Boris de Schlœzler (N°1, 1924, 245 p.) et les Contes fantastiques (La Douce – Rêve d’un homme ridicule) (N°10, 1929, 195 p.). Pour les bibliophiles, les treize volumes au format In-8° sont imprimés à Argenteuil, à l’imprimerie Robert Coulouma (mention « H. Barthélemy, directeur »), là-même où seront ensuite imprimés les 35 premiers volumes de la bibliothèque de La Pléiade jusqu’en 1936. Tous les volumes sont tirés à 200 ex. sur hollande (vendus 55 fr) et 1850 à 2500 ex. sur vélin du Marais (vendus 25 fr), auxquels s’ajoutent 50 ex. hors commerce.

On retrouve quelques éditions illustrées chez le même imprimeur, dont :

Les Frères Karamazov, traduction Boris de Schlœzler, 100 illustrations hors-texte d’Alexandre Alexeïeff (1929, 4 volumes brochés In-4° sous chemise rigide)

Pour compléter le catalogue des éditions de La Pléiade de l’époque, on note que les éditions Bossard ont publié dans les années 1920 la collection intitulée « Les textes intégraux de la littérature russe » avec de nombreuses traductions d’Henri Mongault, dont  Les Frères Karamazov (1923), Les Carnets du sous-sol (1926) et Un joueur (1928).

Il faudra attendre l’immédiat après-guerre pour que soient republiés tous ces titres dans la collection Pléiade telle que nous la connaissons actuellement. Dès lors, le catalogue s’étoffe et les éditions de Dostoïevski constituent une référence.

  • Fiodor Dostoïevski en Pléiade 

Sur les traductions disponibles à l’heure actuelle et dont les parutions s’étalent  de 1950 à 1972, les débats restent ouverts.

À titre d’exemple, pour L’Idiot, certains préfèrent la traduction de Pierre Pascal chez Garnier-Flammarion à celle d’Albert Mousset en Pléiade, tandis que peu semblent se satisfaire de celles, plus récentes, d’André Markowicz. D’autres ne jurent que par les traductions anglaises qui seraient plus « fiables ».

Parmi les grands traducteurs de Dostoïevski retenus en Pléiade, on doit retenir :

Henri Mongault, écrivain et traducteur connu pour ses traductions de Tolstoï, Dostoïevski, Gogol et Tourguéniev a reçu le prix de l’Académie Française pour son travail sur Anna Karénine en 1933.

Sylvie Luneau a notamment traduit Gogol, Leskov, Saltykov-Chtchédrine, mais aussi Léon Chestov, Serge Aksakov ou encore Pavel Melnikov-Petcherski.

Gustave Aucouturier, journaliste à l’AFP, a consacré toute sa retraite aux traductions de Gogol, Griboïedov, Pouchkine et Lermontov, ainsi qu’au Journaux et carnets de Tolstoï. Il a dirigé l’album Pléiade consacré à Dostoïevski.  Jacques Catteau lui a consacré une brève nécrologie élogieuse. Son fils, Michel Aucouturier, qui a également travaillé pour La Pléiade, était surtout connu pour ses travaux sur Boris Pasternak.

Boris de Schlœzer, musicologue et écrivain, est l’un des grands traducteurs de nos auteurs russes, Tolstoï, Dostoïevski, Tchekhov et Gogol en tête, mais également l’écrivain et polémiste Vassili Rozanov ainsi que l’écrivain et philosophe Léon Chestov, moins connus du grand public français.

Pour des commentaires approfondis sur les traductions, je conseille l’article en ligne « Les slavonismes et les ukrainismes dans le russe : problèmes de traduction » par Anne-Marie Tatsis-Botton sur le site de la République des livres : http://larepubliquedeslivres.com/le-cauchemar-du-traducteur-de-russe/

Il apparaît finalement que les traductions françaises de Dostoïevski dans La Pléiade restent des références pour la plupart. Dans tous les cas elles représentent un bon équilibre entre les plus anciennes – adaptées, fautives ou incomplètes – et les récentes à qui l’on peut reprocher de sacrifier à un certain modernisme pour se rendre plus accessible à un nouveau public. Il n’en reste pas moins que, quasi exhaustive, La Pléiade constitue bien une édition de référence de l’œuvre de Dostoïevski.

N°83 Fédor Dostoïevski – Crime et châtiment (Crime et châtiment – Journal de Raskolnikov – Les Carnets de Crime et châtiment – Souvenirs de la Maison des morts), traduction Lucie Desormonts, Doussia Ergaz, Henri Mongault, Vladimir Pozner et Boris de Schlœzer (1950, 1280 pages)

N°91 Fédor Dostoïevski – Les Frères Karamazov (Les Frères KaramazovLes Carnets des Frères Karamazov – Niétotchka Niézvanov), traduction Lucie Desormonts, Sylvie Luneau, Henri Mongault et Boris de Schlœzer (1952, 1296 pages)

N°94 Fédor Dostoïevski – L’idiot (L’Idiot – Les Carnets de L’Idiot – Humiliés et Offensés), traduction Sylvie Luneau, Albert Mousset et Boris de Schlœzer (1953, 1408 pages)

N°111 Fédor Dostoïevski – Les démons – Les pauvres gens (Les Démons – Carnets des DémonsLes Pauvres Gens), traduction Sylvie Luneau et Boris de Schlœzer (1955, 1392 pages)

N°119 Fédor Dostoïevski – L’adolescent (L’adolescent – Les Nuits blanches – Le Sous-sol – Un Joueur – L’Éternel Mari), traduction Sylvie Luneau, Pierre Pascal et Boris de Schlœzer (1956, 1168 pages)

N°211 Fédor Dostoïevski – Récits, chroniques et polémiques (Le Double – Du danger de se livrer à des rêves ambitieux – Monsieur Prokhartchine – Un Roman en neuf lettres – Chronique Pétersbourgeoise – L’Hôtesse – Polzounov – Un Cœur faible – Un Honnête voleur – Un Arbre de Noël et un mariage – La Femme d’un autre et le mari sous le lit – Un Petit héros – Le Rêve de l’oncle – Stièpantchikovo et ses habitants – Articles parus dans Le Temps de 1861 à 1863 – Articles parus dans L’Époque de 1864 à 1865), traduction Gustave Aucouturier (1969, 1869 pages)

N°234 Fédor Dostoïevski – Journal d’un écrivain (Journal d’un écrivain 1873 – Événements à l’étranger (septembre 1873 – janvier 1874) – Petits tableaux de voyage (mars 1874) – Journal d’un écrivain 1876 – Journal d’un écrivain 1877 – Le Triton (août 1878) – Journal d’un écrivain 1880, numéro unique – Journal d’un écrivain 1881), traduction Gustave Aucouturier (1972, 1648 pages)

Curieusement, malgré leur importance cruciale dans la littérature universelle, en plus de soixante ans les auteurs russes n’ont fait l’objet que d’un seul Album Pléiade, le n°14 justement consacré à Dostoïevski, dont l’iconographie est commentée par Gustave Aucouturier et Claude Menuet (1975, 384 pages, 557 illustrations).

Parmi les innombrables biographies et appareils critiques, le lecteur débutant qui s’intéresse à Dostoïevski  pourra le découvrir avec l’opuscule qui lui est consacré dans l’excellente collection « Écrivains de toujours » parue aux éditions du Seuil dans les années 50-60, dont on trouve aujourd’hui les ouvrages d’occasion pour quelques euros, contrairement à certains albums Pléiade très surcotés : Dostoïevski par lui-même, images et textes présentés par Dominique Arban (1962, n°57)

 

  • Pourquoi Fiodor Dostoïevski est-il si important dans l’histoire de la littérature ?

Avec Crime et châtiment, on peut affirmer que Dostoïevski est l’homme qui a conçu l’équation littéraire la plus célèbre du monde.

Par son exploration profonde de la nature humaine, il est considéré comme le premier à avoir réussi à atteindre les profondeurs les plus lointaines de l’âme humaine – et pas seulement de « l’âme russe » -, ce qui confère à chacun de ses chefs-d’œuvre une portée universelle.

Comme l’écrit Valeria Païkova « Les personnages [de Dostoïevski] sont brisés émotionnellement et meurtris mentalement. Ils souffrent de culpabilité, d’anxiété, de jalousie, de cupidité ou d’une trop grande gentillesse et d’une faible estime de soi, ou encore d’un manque d’amour. Et pourtant, ils sont prêts à traverser un enfer émotionnel dans leur quête de liberté morale et de justice. L’écrivain utilise les faiblesses de ses personnages pour mettre en lumière la nature métaphysique du monde. »

Dans Les Démons, Dostoïevski prédit la propagation du nihilisme, du chaos et de la haine. « Si vous voulez conquérir le monde entier, conquérez-vous vous-même ». Et c’est précisément ce qu’il a fait tout au long de sa vie et de son œuvre.

Pour nous faire prendre conscience de l’immense talent littéraire de Dostoïevski, Alexandre Soljenitsyne nous dit que « Dostoïevski se contente de prélever une infime quantité de matière vitale [dans la vie d’un groupe de personnages, sur l’espace de quelques jours] pour créer un chef-d’œuvre littéraire de première importance et d’une puissance à la portée universelle ».

Bien que Dostoïevski ne se soit jamais prétendu prophète, il réussit à effectuer la synthèse des problèmes de son temps pour déterminer la trajectoire existentielle et l’évolution de ses héros.

Dostoïevski décortique les moindres mécanismes des codes moraux, des mœurs sociales et des traditions culturelles qui traversent les générations. Son poème Le Grand inquisiteur (intégré dans Les Frères Karamazov) est une anticipation de la façon dont un État idéologique détermine tous les droits moraux pour priver les citoyens de liberté et de justice : c’est précisément ce système politique qu’ont mis en œuvre les États totalitaires du XXe siècle, avec le bilan humain que l’on connaît.

Dostoïevski est un homme de contrastes, dont les idées sont manifestement en avance sur leur temps. C’est un homme profondément religieux, un chrétien orthodoxe qui invoque le nom de Dieu dans ses œuvres. Si certains historiens affirment que dans sa jeunesse Dostoïevski s’intéressait plus aux idées socialistes qu’à la religion, d’autres estiment qu’il était très religieux depuis l’enfance. Une chose est certaine : Dostoïevski a été profondément bouleversé par son expérience carcérale.

Nikolaï Strakhov, auteur de la première biographie de Dostoïevski dont il était contemporain et avec lequel il avait collaboré dans Le Temps et L’Époque, considère que ce qui caractérise Dostoïevski est « sa faculté à éprouver une grande sympathie pour la vie, sa vision pénétrante de cette vie dans ses manifestations les plus basses et sa capacité à révéler les véritables motifs des mouvements de l’âme humaine lorsqu’elle est oppressée jusqu’à la fin ». Il met en évidence la capacité de Dostoïevski à « dépeindre de manière très subtile la vie intérieure des gens – ceux qui sont faibles, ceux qui pour l’une ou l’autre raison ont l’âme malade, ceux qui sont arrivés aux dernières limites du découragement ou de l’obscurcissement de leur esprit, ceux qui ont été jusqu’au crime ». Strakhov rappelle qu’un thème constant de Dostoïevski est « la lutte entre l’étincelle divine qui peut briller dans chaque être humain et toutes les affections intérieures qu’il subit ».

La voix puissante de Dostoïevski mêle misère et passion, suicide et amour, tragédie et sacrifice. Ses paroles ont traversé les siècles et les frontières culturelles.

L’historien,  théoricien de la littérature et principal philologue russe du XXe siècle Mikhaïl Bakthine écrit : « Dostoïevski est l’inventeur du roman polyphonique. Il a inventé un genre romanesque fondamentalement nouveau. C’est pourquoi son œuvre ne se laisse enfermer dans aucun cadre, n’obéit à aucun des schémas connus de l’histoire littéraire, que nous avons pris l’habitude d’appliquer au roman européen. » (in La Poétique de Dostoïevski, traduction Isabelle Kolitcheff, Le Seuil, Paris, collection « Points Essai », 1970).

  • Quelques écrivains et penseurs qui se réclament de Fiodor Dostoïevski

Franz Kafka qui se sentait très proche de Dostoïevski l’a qualifié de « parent de sang ». Max Brod écrira ultérieurement que le cinquième chapitre de L’Adolescent avait grandement influencé le style de Kafka.

Ernest Hemingway, prix Nobel de littérature 1954, a cité l’auteur de L’Idiot comme l’une de ses influences majeures. Dans son récit autobiographique Paris est une fête, il écrit : « Dans Dostoïevski, il y avait certaines choses auxquelles on ne pouvait croire, mais d’autres aussi qui étaient si vraies qu’elles vous transformaient au fur et à mesure que vous les lisiez ; elles vous enseignaient la fragilité et la folie, la méchanceté, la sainteté et les affres du jeu ».

Friedrich Nietzsche, après avoir lu Carnets du sous-sol et Souvenirs de la maison des morts, a décrit Dostoïevski comme le « seul psychologue dont [il avait] quelque chose à apprendre ». Nietzsche déclarait que Dostoïevski était la découverte la plus heureuse de sa vie. Il existe une légende selon laquelle Nietzsche aurait lu le roman de Dostoïevski Humiliés et Offensés les larmes aux yeux. Lev Chestov conclut que Dostoïevski et Nietzsche partagent à tel point une certaine singularité d’esprit qu’ils « peuvent, sans exagération, être qualifiés de frères, voire de jumeaux ».

Jean-Paul Sartre, prix Nobel de littérature 1964, considérait que dans Les Carnets du sous-sol Dostoïevski exprimait ses pensées les plus brillantes. Il qualifiait ces mémoires de chef-d’œuvre de travail psychologique. Dans L’existentialisme est un humanisme, Sartre considère que lorsque Dostoïevski écrit « Si Dieu n’avait pas existé, alors tout serait permis », il s’agit d’un « point de départ de l’existentialisme ». Bien avant l’existentialisme, la littérature russe du XIXe siècle a toujours cherché à comprendre les clefs de l’âme humaine. Dostoïevski fait de cette quête de sens son but principal en essayant de résoudre le triple mystère de la responsabilité, du soi et de Dieu.

Sigmund Freud a psychanalysé l’écrivain russe dans son essai Dostoïevski et le Parricide. Freud s’est concentré sur le complexe d’Œdipe de Dostoïevski, ses relations avec son père, ses crises d’épilepsie, ses opinions religieuses et sa dépendance au jeu d’une durée de dix ans. Pourtant, Sigmund Freud a admis que sa méthode n’était pas applicable aux personnages des œuvres de Dostoïevski.

James Joyce a écrit que « Dostoïevski est l’homme qui, plus que tout autre, a créé la prose moderne et l’a portée jusqu’à son intensité actuelle ».

Virginia Woolf a écrit à propos de ses œuvres qu’elles étaient « des tourbillons bouillonnants, des tempêtes de sable tournoyantes, des trombes d’eau nous aspirant en leur sein. Elles sont composées purement et entièrement avec la matière de l’âme. Contre notre gré nous sommes noyés dedans, tourbillonnant en rond, aveuglés, suffocant, et en même temps remplis d’une extase étourdie ».

William Faulkner, prix Nobel de littérature 1949, était fasciné par Dostoïevski comme plusieurs ouvrages l’ont démontré. Le romancier américain a mentionné l’écrivain russe comme étant l’une de ses principales inspirations littéraires, aux côtés de la Bible et de Shakespeare. Les frères Karamazov qu’il relisait fréquemment est l’œuvre qui l’a le plus influencé. « Comme Dostoïevski, Faulkner était intéressé par l’étude de la crise d’une personnalité se retrouvant au cœur d’une crise de société » (Robert Hamblin)

Orhan Pamuk, prix Nobel de littérature 2006, affirme qu’il a personnellement influencé par les aspects politiques de l’œuvre de Dostoïevski. Il a confié qu’après avoir lu pour la première fois Les Frères Karamazov, il avait réalisé que sa vie avait complètement changé. Pamuk aurait même eu l’impression que l’écrivain russe s’était adressé à lui, lui révélant quelque chose à propos des gens et de la vie, que personne d’autre ne connait. Après la lecture des Démons, Pamuk s’est déclaré à la fois étonné et effrayé. Il a affirmé que rien de ce qu’il avait pu lire auparavant n’avait eu un tel impact sur lui et qu’il avait été à la fois choqué de voir à quel point la passion que l’on peut avoir pour le pouvoir peut être forte, mais aussi émerveillé par notre capacité à pardonner et notre besoin de foi.

Des grands écrivains aussi différents que D.H. Lawrence, Gabriel Garcia Márquez (prix Nobel de littérature 1982) et Haruki Murakami se réclament de Dostoïevski dont ils affirment tous apprécier l’œuvre.

  • Le point de vue du lecteur : quels classiques de Dostoïevski faut-il lire en priorité?

Pour ce qui concerne les notes et l’appareil critique en Pléiade, le spécialiste exigeant ne les trouvera pas très épais au regard de l’importance historique de Dostoïevski dans l’histoire de la littérature mondiale. Si les notes de fin de volume sont un peu courtes pour les volumes publiés avant 1980, elles n’en restent pas moins pertinentes, et les introductions sont suffisamment étoffées pour que le lecteur découvre les auteurs.

Toutefois, Gallimard a souhaité intégrer aux grands romans de Dostoïevski d’intéressants travaux préparatoires avec Les Carnets de Crime et châtiment, Les Carnets des Frères Karamazov, Les Carnets de L’Idiot et les Carnets des Démons.

Pour qui veut découvrir Dostoïevski, il faut lire absolument et en priorité les cinq grands romans de la maturité que sont Les Démons, L’idiot, Crime et Châtiment, Les frères Karamazov et L’adolescent.

 En ce qui concerne les nouvelles ou les romans plus courts, les « indispensables » sont :

Le Sous-sol (Les Carnets du sous-sol), Le Double, Un Roman en neuf lettres, Les Nuits blanches, Un Joueur, L’Éternel Mari, Monsieur Prokhartchine et Humiliés et Offensés.

 

Comme un tel programme de lecture revient peu ou prou à lire presque tout Dostoïevski en Pléiade ou en Poche, autant ne pas passer à côté de L’Hôtesse, Polzounov, Un Cœur faible, Un Honnête voleur, Un Arbre de Noël et un mariage, La Femme d’un autre et le mari sous le lit, Un Petit héros, Le Rêve de l’oncle et Stièpantchikovo et ses habitants. Enfin, pour aller plus loin dans la connaissance de l’auteur, on pourra se référer à ses articles publiés dans Le Temps et dans L’Époque, ainsi qu’à son imposant Journal d’un écrivain.

Les romans de Dostoïevski rachètent la réalité et redéfinissent ce qu’est vie. Chacun d’entre eux donne suffisamment matière à réflexion pour toute une vie. Pourfendeur implacable de la corruption morale, de l’immaturité et de l’hypocrisie, Dostoïevski pénètre dans les recoins les plus sombres de la décadence morale, de la pauvreté et de la déchéance humaine.

En 1863, Dostoïevski écrit ce que l’on assimile parfois au premier roman existentialiste, Les Carnets du sous-sol, dont le narrateur donne le ton étonnamment nerveux dès le premier paragraphe. « Je suis un homme méchant. Un homme repoussoir, voilà ce que je suis. » Les Carnets du sous-sol se présente comme une poupée-gigogne littéraire, avec des couches superposées de connotations et de significations imbriquées les unes dans les autres. Cette confession d’un ancien fonctionnaire de Saint-Pétersbourg est un récit philosophique sur l’essence de la vie humaine, un conte tragique sur la nature de nos désirs et un drame sur la relation malsaine entre la raison et l’inaction. L’« homme du sous-sol », dépourvu de nom, argumente avec ses adversaires imaginaires ou réels et réfléchit aux raisons de l’action humaine, du progrès et de la civilisation. Paranoïaque, pathologique, pathétique, pauvre, c’est un solitaire qui redoute plus que tout d’être découvert. André Gide qualifiait Les Carnets du sous-sol de « clé de voûte de son [Dostoïevski] œuvre entière ».

Crime et Châtiment est le roman policier le plus abouti de Dostoïevski, avec une touche psychologique. La question y est de savoir quelles sont les conséquences existentielles du crime, et comment vivre avec un forfait sur la conscience. Dostoïevski est convaincu que sans se frayer un chemin à travers la tentation et de terribles épreuves, sans aller à contre-courant des dogmes moraux, il est impossible de se repentir. L’homme, selon Dostoïevski, n’est pas un être doué de raison et de logique, mais une créature qui va délibérément chercher les limites. Selon Dostoïevski, le pardon n’est possible qu’à travers la souffrance.

Les personnes les plus vulnérables de la société sont celles qui fascinent le plus Dostoïevski. Il donne la parole aux pauvres, aux malades, aux exclus. Dans L’Idiot, l’écrivain explore l’amour et la pitié, la fierté et la bassesse, la générosité et la gentillesse. Le héros du roman, est un homme sans avenir, un bienfaiteur épileptique trop gentil, naïf et enfantin pour survivre dans la Russie impériale, un « idiot » condamné dans un monde gangrené par le pouvoir. Lorsque qu’un des personnages évoque la peine de mort en Europe et en Russie et décrit en détail les sentiments d’une personne condamnée à l’exécution, Dostoïevski se remémore sa propre expérience. En 1849, l’écrivain avait été arrêté pour son implication dans le Cercle Petrachevski, un groupe d’intellectuels radicaux de Saint-Pétersbourg qui critiquaient le système socio-politique de l’Empire russe et discutaient des moyens de le changer. En 1850, Dostoïevski qui avait 28 ans et avait déjà publié deux romans – Les Pauvres Gens et Le Double – a été condamné à mort avec 20 autres membres du mouvement de jeunesse. Par un hasard extraordinaire, la peine a été commuée à la toute dernière minute. Le fait d’avoir frôlé la mort a été un choc massif qui a marqué à vie Dostoïevski.

Dans Les Démons – un roman sur la tentation diabolique de réorganiser le monde et sur la puissance des forces du mal et la destruction – Dostoïevski prédit la propagation du nihilisme, du chaos et de la haine. L’écrivain, qui a enduré quatre années de travaux forcés dans une prison sibérienne, s’y montre à la fois croyant et prophète. Dans ce roman, le personnage d’un « démon charmant » a été créé par Dostoïevski avec un art qui dépasse l’entendement. Stavroguine a un esprit exceptionnel et une âme meurtrie. C’est un anti-héros, un homme aux mille visages, un psychopathe et un manipulateur. Le philosophe russe Nikolaï Berdiaev considère Stavroguine comme le personnage de fiction « le plus mystérieux » de la littérature mondiale.

Personne ne maîtrise mieux l’art de poser les questions du bien et du mal que Dostoïevski. Les Frères Karamazov, son dernier roman, est une œuvre troublante qui explore les questions de la foi, de la liberté et de la famille, où l’écrivain scrute l’âme de chaque personnage. Pourquoi les personnages de Dostoïevski ne subissent-ils des transformations métaphysiques révolutionnaires que lorsqu’ils se trouvent dans des conditions extrêmes, entre la vie et la mort, en chute libre au sens moral ? Peut-être parce que ce n’est qu’à ce moment décisif qu’ils se regardent enfin en face pour la première fois, et uniquement pour lancer un cri de désespoir. Dans Les Frères Karamazov, roman magnifiquement écrit et doté d’une splendide intrigue policière, Dostoïevski explore les facettes éthiques d’une famille russe dysfonctionnelle. Bien qu’ils soient russes, les personnages de Dostoïevski sont aussi universels en ce sens qu’ils sont débordants d’angoisse, de méchanceté et de misère, et qu’ils sont déterminés à traverser un véritable enfer émotionnel tant leur quête de liberté morale et de foi est irrépressible.

[Ci-dessus, le bureau de Dostoïevski à Saint-Pétersbourg où il écrivit Les Frères Karamazov – source : publicité agence de voyages russe pour le Musée-appartement de Dostoïevski]

Remerciements :

Pour certains éléments de la section critique, je remercie Russia Beyond pour leur aimable autorisation écrite d’extraire des informations de leurs publications, et notamment :

Western writers influenced by Fyodor Dostoyevsky (Alexandra Gouzeva, 2nd May 2018)

Reasons why Dostoevsky is so great (Valeria Païkova, 24th March 2021)

Fyodor Dostoevsky masterpieces (Valeria Païkova, 10th November 2021)

Je conseille vivement leurs articles consacrés à la culture russe : https://fr.rbth.com/art

3 réponses
  1. Neo-Birt7
    Neo-Birt7 dit :

    Un petit oubli dans cet impressionnant catalogue : la meilleure version française de « Crime et Châtiment » a été omise ; l’oeuvre du sorbonnard Pierre Pascal, elle parut aux Classiques Garnier en 1961 assortie d’une très solide introduction (biographie sommaire de l’auteur, pp. I-XI, puis étude du texte, pp. XI-LVIII), d’une bonne bibliographie et de quelques considérations traductologiques (pp. LIX-LXIV, LXV-LXVIII), et fut reproduite plusieurs fois avant de finir en GF (1984, dernière édition avec bibliographie mise à jour 2011, diverses réimpressions). La version présente au tome 83 de la Pléiade édité par Pascal lui est sensiblement inférieure sur le plan de la précision, même si l’une et l’autre se situent dans les limites de la doctrine traditionnelle en matière de translation depuis les langues slaves (respect absolu de la langue d’arrivée par rapport aux spécificités inhérentes à la grammaire russe). C’était déjà en substance la position de Victor Hugo : Marie-Claire Pasquier, ‘Hugo et la traduction’, Romantisme 106, 1999, pp. 21-30. Les amateurs de rendu brut préféreront le travail de Markowicz, qui fit sensation en son temps et peut servir le russophile débutant, par sa fidélité servile étendue presque jusqu’au mot à mot quand ce dernier est possible sans barbarie pseudo-savante, mais souffre des prétentions de ce singulier personnage à une science de slavisant que n’appuie aucune compétence spécialisée ; il entre une grande part de pose et d’esbroufe, voire d’imposture, dans ses entreprises (rappelons qu’il traduisit il y a longtemps Catulle sans connaître un mot de latin, par le biais donc d’une confrontation des versions françaises existantes et sans doute d’une ou deux allemandes, au prix de signalées balourdises sur le vocabulaire technique, en particulier érotique, de ce lyrique sans tabou).

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    • Domonkos Szenes
      Domonkos Szenes dit :

      André Markowicz : « Les textes que je traduis n’ont pas été pensés en langue française, donc ils ne doivent pas répondre à des règles d’une langue littéraire française préétablies. On ne peut pas juger un texte traduit en fonction de lois qui ne sont pas les siennes.
      (…)
      Ce qui me plaît, c’est le travail sur la langue. Ou plutôt, le travail sur les langues, celle au départ et celle à l’arrivée. La traduction, c’est toujours un entre-deux, on est ni là ni ailleurs. Il ne faut jamais penser que le livre en français d’un auteur russe équivaut au livre russe. Aucune traduction n’existe d’une façon absolue, c’est à chaque fois des interprétations, des tentatives, non pas pour passer d’un monde à l’autre, mais pour faire comprendre au lecteur que l’on est entre deux mondes.
      (…)
      J’ai commencé à traduire Dostoïevski avec « L’Adolescent ».(…) La liberté russe, ce n’est pas la liberté de l’action, c’est un accord libre et sans contrainte avec un ordre préexistant. Un Occidental américanisé a du mal à comprendre cette idée. Par ailleurs, dans la culture russe, la prise en compte de l’individu n’existe pas, elle est toujours secondaire.
      (…)
      Les difficultés fondamentales de traduction sont dans Dostoïevski. Dans « Crime et Châtiment », un personnage mineur, qui n’apparaît que deux fois sans être nommé, aperçoit Raskolnikov, et lui dit un seul mot : « assassin ». Mais ce n’est pas exactement cela, il s’agit d’un mot russe, imprégné de langue populaire et de légende biblique, et qui ne signifie pas exactement qu’il est un assassin, mais qu’il a enfreint le commandement de Dieu en tuant. Si je traduis « assassin », je traduis l’intrigue du roman, mais pas l’idée, pas le sens. C’est pour cela que j’ai délibérément mal traduit, en disant : « tu as tué ». (…) »
      LE MONDE, 16 mars 2018

      …………………………………………………………………………………………..

      Passages d’un entretien de Markowicz au «Monde» à l’occasion du Salon du Livre 2018 où était invitée la littérature Russe.
      Entretien dans lequel il insiste particulièrement sur son travail de traduction de Dostoïevski. Pour avoir une petite idée des principes auxquels il se réfère.

      Chacun en pensera ce qu’il voudra, pour ma part, si j’acquiesce à certaines remarques du premier paragraphes et sur ce qu’il appelle dans la suite «la matérialité du texte», je suis beaucoup plus dubitatif – pour ne pas dire franchement sceptique – sur cette histoire de « (ne. pas) passer d’un monde à l’autre, mais (…) faire comprendre au lecteur que l’on est entre deux mondes. »
      S’il ne s’agit pas d’une galéjade pour se faire remarquer, c’est une idée pour le moins étrange : quel profit, moi lecteur de la traduction en français du texte russe de Dostoïevski, trouverais-je à rester «entre deux mondes», soit ni dans la langue de départ, ni dans la langue d’arrivée.
      Et que devient l’oeuvre dostoIevskienne ? Disparue ? Au profit de celle d’André Markowicz, qui, l’air de rien, nous explique – à l’insu de son plein gré – qu’il se substitue purement et simplement à Dostoïevski !

      Par ailleurs – mais c’est un point un peu éloigné de la question – j’ai bien du mal à admettre les généralités du style « la liberté pour le Russe c’est ceci ou cela ; la prise en compte de l’individu dans la culture russe, bla-bla-bli, bla-bla-bla ». Ce sont là des poncifs qu’on ne retrouve que trop fréquemment, appliqués à toutes les cultures plus ou moins « étrangères », la Chine, l’Afrique, etc. J’ai peine à croire que ces préjugés présent dans l’esprit d’un traducteur, ne pèsent pas sur son travail.

      Mes remarques ne concernent que l’image que transmet André Markowicz de son travail, les principes dont il se réclame, et les craintes que cela m’inspire ; sans émettre de jugement de fond sur le résultat, qui demanderait un autre travail, d’une autre ampleur.

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  2. Lombard
    Lombard dit :

    Merci beaucoup Neo-Birt7pour vos commentaires.

    À retenir, donc, votre édition de référence et meilleure version française de « Crime et Châtiment » traduite par Pierre Pascal, richement annotée, parue en Classiques Garnier dès 1961 puis rééditée chez Flammarion dans la collection GF jusqu’en 1984.

    Je note aussi votre point de vue pertinent sur les traductions d’André Markowicz qui ont leurs amateurs mais aussi beaucoup de détracteurs, la variété des œuvres et des langues traduites sous sa signature laissant présager que l’homme ne peut être expert dans tant de domaines, et que sans aide extérieure il ne pourrait « produire » autant de traductions : littérature et poésie russe et non des moindres, presque tout Shakespeare, Catulle (vous le rappeliez), œuvres en breton et même poèmes chinois de l’époque Tang !

    Merci aussi pour vos interventions sur les œuvres poétiques de Victor Hugo, sur Leconte de Lisle et sur François Villon. C’est grâce à des commentaires comme les vôtres, c’est à dire à des apports documentés, structurés et étayés que ce site peut prétendre à devenir une sorte de référence des meilleures éditions, ce qui est sa vocation première.

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