Pline l’ancien, écrivain érudit romain du Ier siècle, est l’auteur d’une oeuvre monumentale (plus de 500 volumes), dont il ne reste que les 37 volumes de l’Histoire naturelle. Cette perte gigantesque explique que l’on porte sur lui un regard biaisé, en le jugeant naturaliste alors qu’il fut tout autant historien, grammairien, rhétoricien…
Je pense que tout « gros lecteur » contemporain peut se sentir une proximité avec l’auteur :
« Il commençait à travailler bien avant l’aube… Il ne lisait rien sans en faire de résumé ; il disait même qu’il n’existait aucun livre, si mauvais soit-il, qui ne contienne quelque valeur. Au pays, seule l’heure du bain l’exemptait d’étudier. En voyage, lorsqu’il était déchargé d’autres obligations, il se consacrait uniquement à l’étude. En bref, il considérait comme perdu le temps qui n’était pas consacré à l’étude. » (la description est de Pline le jeune, son neveu).
Ses notes étaient célèbres (l’anecdote veut qu’on lui en ait offert 40.000 sesterces). Sur le plan de l’anecdote, on retiendra également qu’il est mort lors de l’éruption du Vésuve (peut-être d’une apoplexie plutôt que d’un ensevelissement dans les cendres…)
L’Histoire naturelle, qui est un peu l’équivalent de la première encyclopédie, est souvent citée le long des siècles et constitue une oeuvre majeure.
La question, pour le propos de notre site, est la suivante : Pline l’ancien est une référence culturelle et sans doute faut il lire quelques livres de l’Histoire naturelle pour s’en faire une bonne idée et enrichir sa culture personnelle. Mais mérite-t-il une lecture exhaustive ? Un contemporain doit connaître Pline comme il connait Hippocrate, mais qui lit les traités d’Hippocrate ?
Edition(s) de référence :
Deux éditions sont présentées [par défaut] :
Les Belles Lettres [par défaut], conformément au parti-pris expliqué en page d’accueil.
Collection des Universités de France (CUF)
Texte bilingue, comme toujours pour cette collection.
Plusieurs traducteurs ont travaillé sur ces volumes : Jean Beaujeu, Alfred Ernout, Jacques André.
Le problème de cette édition est que les Belles Lettres ont édité individuellement les 37 volumes.
Prix du volume : de 25 € à 73 € (le livre 4, partie « géographie de l’Europe »)… Je n’ai pas fait le calcul exact, mais à un prix moyen de 30 € (à vérifier), cela nous fait l’Histoire naturelle à plus de 1.100 €. Cela fait joli dans une bibliothèque, mais ce n’est pas très maniable.
Les mêmes Belles Lettres ont édité en 2016 un coffret de deux volumes comprenant l’Histoire naturelle traduite par Emile Littré (79 €). Je suis curieux de l’avis de Neo-Birt7 sur cette traduction.
Je mets donc à côté de l’édition [par défaut] des Belles Lettres, celle de La Pléiade [par défaut également] :
Elle est de parution récente (2013) et a pour elle le mérite de tenir en un volume unique et maniable (certes épais, l’un des plus épais de la collection, 2176 pages), pour un prix de 79 €. La traduction est de Stéphane Schmitt.
A l’occasion de la sortie du volume, sur France Inter (2000 ans d’histoire, de mémoire), M. Schmitt se vantait de ne pas être un spécialiste de l’antiquité ; ce qui m’avait choqué à l’époque et j’avais acheté ce volume un peu à contrecœur (mais 1.100 euros, quand même, cela faisait trop pour moi…) Finalement, je pense avoir mal compris sa fausse modestie, le parcours de Stéphane Schmitt prouvant qu’il est plus que légitime pour cette édition (– voir –).
A vous de jouer maintenant !
Pour mémoire, l’édition citée est suivie de la mention [par défaut] qui apparaît s’il n’y a pas encore eu de discussion sur le sujet.
En commentaires, libre à vous de :
- discuter des mérites et défauts des différentes éditions
- de la place de l’auteur ou de l’oeuvre dans la culture de son temps
- de l’importance de l’auteur ou de l’oeuvre pour un lecteur contemporain
- de ce qu’il représente pour vous
- des livres ou autres sources très recommandables pour comprendre l’auteur / l’oeuvre / son influence
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Si j’ai bien lu le catalogue des Belles lettres et la présentation de Maxence Caron, le Pline l’ancien par Littré comporte texte latin + traduction.
Ce qui n’en fait pas pour autant une rivale directe de l’édition CUF des BL puisque cette dernière arbore un apparat critique forcément plus récent sur un texte éventuellement mieux établi. Je dis « éventuellement » parce que suis un peu comme certains auditeurs de Platon, j’ai du mal à croire que mes contemporains puissent améliorer une tradition antique sauf heureuse fortune (une famille de manuscrit retrouvée après dix ou vingt siècles, contenant des leçons inconnues auparavant)… leur rôle premier est bien de la transmettre d’abord avant de la modifier à moins que ce soit à coup sûr.
Cher Francis Moury,
Ayant lu votre commentaire hier, et profitant d’une réunion dans le quartier, je suis allé à la librairie Budé feuilleter ce Pline de la « collection Caron », que l’aimable libraire a sorti de son emballage pour moi. Coffret et reliure de bonne facture, papier bible, latin disposé sous le français, en rouge et en plus petit (sur chaque page, paire comme impaire, vous aurez donc environ les deux tiers du haut en français, l’original correspondant occupant le tiers du bas). C’est du meilleur effet. Par contre, et j’en suis fort marri, il n’y a « que » l’original latin et la traduction et les notes de Littré. Celles-ci se réduisent, outre une notice d’une vingtaine de pages sur Pline et l’Histoire naturelle, aux variantes du texte latin entre différents manuscrits. Il n’y a donc aucune note explicative; or en feuilletant le choix « folio classique » de Zehnacker, j’ai pu en constater la nécessité (sans note, le lecteur \lambda comme moi passerait à côté de beaucoup de choses).
Le choix folio indique « traduction de Littré revue par Zehnacker », mais je n’ai pas eu le temps d’estimer l’ampleur de cette révision. Je ne suis en général pas un grand partisan des choix (car le choix, c’est à chaque lecteur de le faire), mais étant donné l’ampleur de cette œuvre encyclopédique, peut-être m’en contenterai-je, du moins dans un premier temps.
Cher Ben
1) L’édition Belles lettres, collection C.U.F. sous les auspices de l’association Guillaume Budé est évidemment, pour Pline l’ancien le nec plus ultra.
2) L’édition Belles lettres, collection dirigée par Caron, est un second choix intéressant. Merci pour sa fraîche et précise description : le fait qu’il y ait quelques variantes indiquées par Littré est un + mais, pour un philologue averti tel que notre cher Néo-Birt7, « quelques variantes » ne suffiront pas. Il lui faut un réel apparat critique pour satisfaire son admirable science philologique et elle ne se trouve évidemment, par principe, que dans une édition philologique (Budé, Oxoniensis, Teubner, etc.). Cela dit, la Littré me semble correspondre à un excellent compromis pour plusieurs raisons : prestige mérité de l’éditeur-traducteur, présence du texte latin en bas de page, oeuvre complète en deux volumes.
3) La traduction complète du volume Pléiade est une belle initiative mais sans le texte latin, juste avec une nouvelle traduction française, donc elle se situe forcément en troisième position seulement.
4) La Folio, telle que vous me la décrivez (traduction seulement mais incomplète) me semble, rapportée aux trois précédentes, sans aucun intérêt.
Addendum :
Je viens de penser que, concernant l’absence de notes explicatives dans la traduction de Littré, vous pouvez y pallier en utilisant son propre Dictionnaire : vous ne pouvez rêver mieux comme appareil de notes. Tous les mots rares ou peu usités que Littré utilise dans sa traduction de Pline l’ancien, vous les y trouverez forcément expliqués à la faveur de ses définitions et exemples. Ce qui suppose, je le reconnais, un double investissement : le Pline de Littré et le Dictionnaire français de Littré.