Sophocle (495 avant J.-C. à 406 avant J.-C.) fait partie de la « trilogie des dramaturges » de la Grèce antique, que l’on retient dans l’ordre chronologique suivant :
Eschyle (tragédie en germe)
suivi de Sophocle (tragédie à maturité)
suivi d’Euripide (décadence de la tragédie)
La réalité est un peu plus complexe : Eschyle n’est le premier que parce que les quelque 32 tragédies conservées de ces auteurs ne représentent que quelques pièces sur un ensemble beaucoup plus vaste (220 environ pour ces trois auteurs ; 648 tragédies présentées aux Grandes Dionysies) ; Sophocle qui est présenté avant Euripide nous a pourtant laissé la dernière pièce conservée, etc.
Ce qui est certain : les pièces de ces auteurs sont des références culturelles immenses qui ont traversé les âges et nourri toute la littérature, et plus généralement, tous les arts jusqu’à notre époque.
Quelques titres de Sophocle :
Oedipe roi (considérée aujourd’hui comme le prototype parfait de la tragédie)
Antigone
Electre
Oedipe à Colone (qui est la tragédie complète la plus récente conservée des auteurs antiques)
Edition de référence :
Après l’intervention de Neo-Birt7, ci-dessous, 5 janvier 2018, nous pouvons nous réjouir : Sophocle est bien traduit dans plusieurs éditions françaises. L’édition des Belles Lettres a l’avantage d’être présentée en bilingue :
Les Belles Lettres
Collection des Universités de France (CUF)
Tragédies en trois volumes.
Traduit par Paul Mazon.
Texte bilingue, comme toujours pour cette collection.
compter 35 € (le première volume est à 28 €).
https://www.lesbelleslettres.com/
Noter que Sophocle a été édité en Pléiade dans un volume « Tragiques Grecs » qui le place dans un volume aux côtés d’Eschyle (Euripide faisant l’objet d’un volume séparé).
Neo-Birt7 cite l’édition Classique Garnier comme étant supérieure à la Pléiade. Je ne l’ai pas trouvée sur leur propre site :
https://www.classiques-garnier.com/editions/
Il s’agit donc d’un volume épuisé, mais que l’on trouve facilement d’occasion.
Ainsi que la Pochothèque : édition en un volume des trois dramaturges grecs (« Les tragiques Grecs, Eschyle, Sophocle, Euripide« ), traduction Victor-Henri Debidour, 1998 pages, 26 € seulement ce condensé de culture. Je suis curieux de tenir cet exemplaire en main pour juger de sa maniabilité… Il semble en tout cas que ce soit l’édition de qualité la plus accessible.
http://www.livredepoche.com/collection-la-pochoth%C3%A8que
Livre(s) très recommandables :
- Le tombeau d’Oedipe, de William Marx : est une réflexion extrêmement intéressante et accessible sur ce qu’est la Tragédie grecque, sur la perception faussée que l’on peut en avoir.
- Sophocle, de Jacques Jouanna, chez Fayard (Jacques Jouanna est par ailleurs le grand spécialiste d’Hippocrate). Sa biographie de Sophocle est à mon sens le meilleur exemple de ce que devrait être une biographie. Sophocle est analysé de long en large, en diagonale, par coupe et par ensemble ; et l’on ressort de cette lecture en pouvant se dire avec certitude « je connais Sophocle aussi bien qu’il est possible ».
A vous de jouer maintenant !
Pour mémoire, l’édition citée est suivie de la mention [par défaut] qui apparaît s’il n’y a pas encore eu de discussion sur le sujet.
En commentaires, libre à vous de :
- discuter des mérites et défauts des différentes éditions
- de la place de l’auteur ou de l’oeuvre dans la culture de son temps
- de l’importance de l’auteur ou de l’oeuvre pour un lecteur contemporain
- de ce qu’il représente pour vous
- des livres ou autres sources très recommandables pour comprendre l’auteur / l’oeuvre / son influence
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Le texte des sept tragédies conservées de Sophocle (le même type de choix (tardo?-)antique que pour Eschyle et Euripide, lequel eut droit à dix pièces) nous est parvenu dans trois familles manuscrites. La première est représentée par les deux témoins médiévaux les plus anciens, le manuscrit de Florence Laurentianus 32. 9 (environ 950 ; c’est le Mediceus d’Eschyle), noté L, et son jumeau le palimpseste de Leyde Leidensis 60A (seconde moitié du Xe siècle), noté P ou Λ, qui fut dépecé pour y copier divers textes chrétiens au XIVe siècle et a donc perdu plus de la moitié du texte. La seconde famille est dite parisienne dans la mesure où son représentant considéré comme le plus éminent depuis Brunck à la fin du XVIIIe siècle constitue l’un des joyaux de notre Bibliothèque Nationale : le Parisinus 712, coté A, dont la date a fait l’objet de polémiques sans fin dans la mesure où vingt ou trente ans en plus ou en moins font toute la différence entre l’identification de ce codex à une édition byzantine (recension de Manuel Moschopoulos) ou à la source authentique qu’aurait exploitée le même Moschopoulos en éditant la triade byzantine de Sophocle. On en retiendra simplement qu’il doit dater de la fin du XIIIe siècle. La troisième famille, ou famille romaine, constituée essentiellement de trois manuscrits italiens (G, le Laurentianus C.S. 152 [souscription : 15.12.1282], M, un Mutinensis [XVe siècle], et R, le Vaticanus graecus 2291 [fin XVe siècle]), est beaucoup plus proche du texte du Laurentianus, ce qui en fait l’intérêt tout en en relativisant l’importance. Il existe en outre un très grand nombre de manuscrits récents, moschopouléens ou tricliniens ou non affiliés précisément, et qui ne comportent que la Triade byzantine. Le codex K, Laurentianus 31, 10, représente un cas à part, dans lequel je ne peux pas rentrer ici (il a été redaté du XIVe siècle au XIIe par Nigel G. Wilson, mais ce dernier prétend que ce manuscrit d’érudit aurait préservé des leçons issues d’une branche de la tradition totalement disparue). La première édition à mettre en oeuvre ces matériaux fut la seconde Budé, éditée par Alphonse Dain et traduite par Mazon (Les Belles Lettres, 1955-1960, 3 vol.) ; il en résulte un texte prudent mais sans excès, ainsi qu’un apparat critique sobre que Jean Irigoin a révisé et finit par récrire au fil des tirages successifs. La Budé précédente, par Paul Masqueray (1922-1924, 2 vol.), ne connaissait ni la famille romaine, non encore reconnue (c’est le principal fait d’armes de Dain), ni le palimpseste, collationné seulement en 1949. Une édition plus conservatrice a été donnée par Aristide Colonna (Turin, Paravia, 1975-1978-1983, 3 vol., dont on peut dire qu’elle se fourvoie en accordant de l’importance à une sous-classe des manuscrits récents, celle vénitienne ou ψ ; elle présente moins d’intérêt que la Teubnérienne de Roger D. Dawe, Leipzig, 2 vol., 1975-1979, révisée en 1984-1995 et reproduite avec quelques changements minimes depuis les années 90, dont l’apparat se modèle trop d’après la vision très contaminationniste de la tradition manuscrite défendue par Dawe dans ses « Studies on the Text of Sophocles » (Leyde, Brill, 1973-1978, 3 vol. ; l’auteur se montre ainsi prêt à accepter de bonnes leçons venues de n’importe quel manuscrit récent sans se donner la peine de les expliquer, tout en proposant ou en acceptant relativement beaucoup de corrections érudites), et, surtout, que l’Oxford Classical Text de sir Hugh Lloyd-Jones et Nigel G. Wilson, Oxford, 1990 (les seuls à avoir pu utiliser un thesaurus complet des conjectures sophocléennes existantes), bien complétée par deux companion-volumes (« Sophoclea. Sstudies on the Text of Sophocles », Oxford / New York, Oxford University Press, 1990 ; « Sophocles. Second Thoughts », Götttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1997). Le même Lloyd-Jones a donné une belle editio minor de son texte, en face d’une traduction anglaise très réussie, dans la Loeb (avec les fragments au troisième tome) en 1994-1996.
Il existe toute une batterie de commentaires savants à Sophocle. L’un des meilleurs, malgré sa date et l’incapacité de son auteur à améliorer le texte par des corrections personnelles, demeure le « Sophocles. The Plays and Fragments » de Richard C. Jebb, Cambridge, Cambridge University Press, 1883-1896, réimprimée pendant tout le XXe siècle (introductions développées, texte avec apparat critique, annotation infrapaginale et traduction anglaise dans le style de l’époque). On n’en dira pas autant du travail qui voulait le remplacer : J. C. Kamerbeek, « The Plays of Sophocles. Commentaries », Leyde, Brill, 1953-1984, 7 vol. de 250 p. en moyenne ; outre que l’auteur écrit un anglais pâteux et peu nuancé, ce mauvais critique textuel gâte le texte de Dain, duquel il part, dans un sens résolument conservateur, se contente de demi-clartés grammaticales ou sémantiques, pontifie sur le style sophocléen au lieu de le démonter méticuleusement, et n’y entend presque rien en versification lyrique, ce qui en fait un terrible interprète des parties chantées (stasima) des tragédies. On consultera de préférence les Trachiniennes de Malcolm Davies (Oxford, Clarendon Press 1991), et, beaucoup plus développées, l’Electre et l’Ajax de Patrick J. Finglass (‘Cambridge Classical Texts and Commentaries’, Cambridge University Press, 2007, 2011, avec un texte critique personnel de qualité et un excellent apparat) ; le même Finglass a sous presse une édition commentée de l’Oedipe Roi. A éviter, en revanche, est l’énorme « L’Oedipe Roi de Sophocle. Le texte et ses interprétrations », Lille, Presses universitaires de Lille, 1990, 4 vol., de Jean Bollack ; ce travail ambitieux mais biaisé (on lira http://urlz.fr/6m0i entre les lignes ; Lloyd-Hones en a fait une critique dévastatrice, disponible en http://urlz.fr/6m0s) mérite les mêmes remarques que l’édition commentée de l’Agamemnon d’Eschyle par le même savant. « The vast commentary, which occupies the last three volumes, consists very largely of paraphrases and doxographies; it contains few quotations of parallel passages, and seldom makes use of the kind of secondary literature which most commentators cite in order to evaluate a reading or to explain the meaning of the text. I have struggled through it without finding that the deadly boredom of the task and the fury occasioned by the unspeakable pretentiousness of the monstrous work were compensated by the discovery of one thing that increased my understanding, and B. will no doubt be delighted to know that such an inveterate traditionalist of the ‘English school’ has proved totally incapable of realising the value of his remarkable performance » (Lloyd-Jones, chronique citée, p. 430).
Les traductions françaises courantes sont de bon aloi, même si aucune n’a tenu compte des progrès qui s’incarnent dans le texte de Lloyd-Jones et Wilson, à ce jour le meilleur, soit parce qu’elles datent d’avant 1990, soit parce qu’elles traduisent la Budé de Dain. Mazon est comme toujours excellent et très fluide, même si son élégance lapidaire rend le texte un peu trop coulant (à cet égard, j’avoue ma dilection pour la traduction Masqueray, académique mais plus littérale, laquelle comporte aussi le drame satyrique préservé par voie papyrologique Les limiers, écarté par Dain). La version de Robert Pignarre, aux Classiques Garnier, Paris, s.d. (1947) est à mon sens supérieure à celle de Jean Grosjean dans la Pléiade (elle comprend aussi les Limiers) ; celle de Victor-Henri Debidour à la Pochothèque (« Les tragiques grecs », Paris, 1999) présente les avantages d’une plume vigoureuse et pleine d’aisance. Je déconseille la traduction Bollack d’Oedipe roi, soit dans le premier volume de son édition, soit dans le tome de la collection ‘Tel’ chez Gallimard qui s’intitule « La naissance d’Oedipe. Traduction et commentaires d’Oedipe roi », Paris, 1995 ; on lui préférera la petite édition de la même tragédie au Livre de Poche (collection ‘Classiques de poche’ 4632, Paris, 1994 : préface et traduction de Debidour) annotée par Francis Goyet.
Je précise que « les Limiers » est un drame satyrique de Sophocle.
C’est la seule pièce perdue de Sophocle pour laquelle on possède suffisamment de fragments pour suivre l’intrigue, au moins en sa première moitié.
La biographie de Sophocle par Jacques Jouanna (éd. Fayard) cite, dans son annexe II, la liste et le détail des pièces perdues de l’auteur, et c’est un véritable crève coeur : 78 pièces perdues (à mettre en parallèle des 7 pièces conservées…)
La vérification de ce point, pour mon édification personnelle, me permet d’apprécier une fois de plus la qualité de cette biographie que je recommande chaleureusement.
Je signale la parution d’un livre intéressant « Sophocle. La condition de la parole » de Jérôme Thélot chez Desclée de Brouwer. C’est un essai ce critique littéraire sur la condition de la parole dans les tragédies de Sophocle et en particulier « Philoctète ». Ce livre présente des idées parfois surprenantes mais qui donnent à réfléchir en particulier sur la tragédie du langage et sur sa violence.