Sade
// en construction – j’engage les amateurs de Sade à rédiger la notice //
Edition de référence :
La Pléiade [par défaut]
Oeuvres en trois volumes, par Michel Delon.
Noter que la Pléiade a édité des « exemplaires hors numérotation », annuels, dont le principe a été inauguré en 2014 par un volume Sade (comprenant : Les Cent Vingt Journées de Sodome ou l’Ecole du libertinage ; Justine ou les Malheurs de la vertu ; La Philosophie dans le boudoir).
A vous de jouer maintenant !
Pour mémoire, l’édition citée est suivie de la mention [par défaut] qui apparaît s’il n’y a pas encore eu de discussion sur le sujet.
En commentaires, libre à vous de :
- discuter des mérites et défauts des différentes éditions
- de la place de l’auteur ou de l’oeuvre dans la culture de son temps
- de l’importance de l’auteur ou de l’oeuvre pour un lecteur contemporain
- de ce qu’il représente pour vous
- des livres ou autres sources très recommandables pour comprendre l’auteur / l’oeuvre / son influence
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Je ne possède pas l’édition de Sade à la Pléiade. A dire vrai, dès le premier volume, je décidais d’en rester à mon édition de Sade. Elle est de Gilbert Lély, en huit volumes (tomaison notée à deux tomes par livre) et contient d’ailleurs une biographie par ses soins. Il s’agit de l’édition du cercle du livre précieux. Ce que je trouve de remarquable dans cette édition c’est d’abord et avant tout qu’elle est complète. On y trouve tout Sade, y compris un fort volume de Correspondance. De plus, les introducteurs, les auteurs de préfaces et autres réflexions sur les textes ont nom Blanchot, Klossowski, Lély, Antoine Adam(oui, bon…), Bataille, Maurice Heine, Yves Bonnefoy (postface) et j’en passe que je méconnais (Jean Fabre). Je tais Lacan car je trouve sa contribution pire qu’insignifiante. Mais sinon, que de textes intelligents, fins, malins, subtiles, pertinents et souvent souverainement bien écrits ! Je passe sur l’index de Justine et de ses suite mais il m’a paru parfait. D’ailleurs chaque œuvre possède son index des personnages. Dans l’un des volumes on sera heureux de découvrir des inédits, (un voyage à Rome notamment) des idées lancées comme des aphorismes, éclairs trouant le papier et enfin la merveilleuse correspondance que précède Les opuscules politiques. Tout, il y a tout ! Plus des gravures d’époques. C’est d’ailleurs l’édition que Pauvert prodiguera je crois. Au temps de la mienne (qui me vient de mon père, revêtue d’un cuir noir du plus bel effet avec ses lettrines d’or fin pour les titres et la tomaison) le masque du « club » d’amateurs de livres précieux suffisait à se protéger. Enfin voilà, j’aurais voulu le dire mieux mais cela fait longtemps que je voulais l’écrire, s’il y a à mes yeux une édition vraiment complète et somptueusement « pensée » par les introducteurs et critiques qui sont souvent de grands écrivains, c’est celle-ci !
A Paris au cercle du livre précieux, Œuvres complètes du Marquis de Sade. Huit volumes, 16 tomes (deux par livre)
PS On la trouve d’occasion a des prix décents, souvent sous le nom d’éditeur de Pauvert mais c’est bien la même.
Merci Restif pour l’information. Je vais essayer de me la procurer. Mais quid de l’appareil critique ?
Je suis de plus en plus désireux d’avoir des « œuvres complètes » ( en réalité, j’ai toujours fonctionné de la sorte, excepté pour les anthologies) d’où mon désintérêt quasi définitif pour la Pléiade. Passons…
J’en profite pour vous dire que j’ai commandé le volume consacré aux « Poèmes barbares » de
L de L, 155 euros, chez Champion ; achat que j’ai fait dans un état quasi second ! Il me le fallait à tout prix. Du reste, je compte acheter les quatre autres volumes. De la démence… Mais j’y consens.
Je vous ferai, si vous le souhaitez, un compte rendu de l’ouvrage.
Bien à vous.
J’ai failli avoir la même impulsion que vous. Je crois que la mention « 300 pages de notes » a faili me faire basculer. Et puis, Champion, il faudra bien connaître un jour, alors pourquoi pas ? Avoir déjà reçu l’exemplaire Nrf a stoppé mon geste. Je suis curieux d’avoir votre retour.
Les 300 pages ont eu raison de ma raison. Le poche NRF s’est révélé insuffisant. Et puis, je n’ai pas pu résister à l’envie de me procurer Leconte de Lisle en intégrale. Si dans l’intervalle je n’ai pas recouvré la raison, je me procurerai également, les intégrales Huysmans et Gautier, toujours chez Champion. En termes d’ouvrages critiques, Champion est une mine ! Mais Dieu que c’est cher !
Les poèmes antiques et barbares de Leconte de Lille, qui fut un helléniste attachant mais des plus médiocre – il translatait le grec d’après les versions latines des tomes de la collection Didot, elles-même trop souvent des vieilleries tant bien que mal rapetassées pour les faire correspondre au texte imprimé en vis-à-vis -, mériteraient un véritable commentaire d’antiquisant et de folkloriste, histoire de ne pas se borner à répéter la doxa tout en apportant des lumières de première main sur les relations du poète avec ses matériaux bruts ou élaborés. L’absence d’un apparat systématiques des loci simile et contrarium dans les éditions Champion des poèmes antiques et barbares m’a d’emblée mis en défiance à l’égard de M. Pich (on ne le trouve pas davantage dans le tapuscrit de sa thèse de 1973) ; sans investigation méthodique des sources grecques et romaines, y compris les scholies anciennes à Homère, Apollonios de Rhodes, etc, et les compilations tardives (M. Pich n’a même pas entendu parler des trois Mythographes du Vatican !), l’exégèse de la poésie de Leconte de Lille se condamne à ne pas saisir dans sa diversité la richesse intertextuelle de cet art si éminemment conscient de participer de tout ce qui l’a précédé.
Il nous faudrait, de même, un commentaire développé des Trophées d’Hérédia, pour lesquels l’annotation d’Anny Detalle en Gallimard Poésie (130 p. denses, signée d’une très bonne connaisseuse de la mythologie dans la poésie française du milieu du XIXe siècle) est loin de tout expliquer, et a manqué beaucoup de réminiscences de la poésie grecque et romaine qu’un classiciste identifie au courant de la lecture. Beau sujet de thèse à proposer à un solide étudiant de lettres modernes !
Cher Neobirt7, que n’avez-vous posté votre commentaire avant mon geste fatal 😄
Les Parnassiens n’ont pas spécialement bonne presse dans l’Édition actuelle. Le travail de Pich ( qui représente une édition augmentée de celle publiée aux Belles Lettres) malgré les apories que vous mentionnez – et que je ne manquerai pas de vérifier par moi-même – vaut, à tout le moins, pour son désir de proposer un Leconte de Lisle complet. J’ai hâte notamment de lire la correspondance qu’il a tenue avec Hérédia.
Ne comptez pas sur la Pléiade pour vous proposer celà.
Pour moi, qui suis plutôt un spécialiste du dix-septième, c’est avec un plaisir coupable que je lis ces poèmes pleins de bruit et de fureur ; non pas que le dix-septième en manque, mais son expression se fait par le biais des hypotyposes et autres figures biaisantes, à même de plaire à L’Académie.
Concernant l’hypotexte helléno-romain, je vous accorde qu’un classiciste aurait sans doute mieux fait l’affaire ; mais L de L est un moderne ; il eût donc fallu y ajouter une seconde main.
Ah, Zino, le XVIIe… Je lis en ce moment « introduction à l’analyse des textes classiques », de Georges Forestier, et je découvre tout un monde. Que n’ai-je fait des études littéraires…
Draak
De Forestier, je vous conseille également, » Le Théâtre dans le théâtre »
L’auteur y analyse les procédés d’enchâssement de la mimesis théâtrale au sein d’une pièce de théâtre, ses implications discursives, techniques, dramatiques…
Il appuie cette analyse essentiellement sur « L’illusion comique » et « Monsieur de Pourceaugnac »
Forestier est un excellent pédagogue, je garde un très bon souvenir de ses cours d’amphi. Vous pouvez notamment vous procurer son édition des œuvres complètes de Molière, en Pléiade.
Quant à votre regret de ne pas avoir fait d’études de lettres, c’est, à mon sens, totalement secondaire, le plaisir de – bien – lire n’étant nullement subordonné au parcours scolaire.
Merci Zino,
J’ai aussi noté « La tragédie française, règles classiques, passions tragiques », mais je n’ai pas encore vu s’il faisait double emploi avec « Introduction… »
Je suis une groupie de Monsieur Forestier, après avoir lu sa biographie de Racine. J’ai failli me pâmer à lire que vous l’aviez eu en amphi.
Hélas, je taisais honteusement ce défaut mais il faut bien le reconnaître ; cette édition ne propose aucune annotation critique. Alors, attention, les textes de Blanchot, de Klossowski, de Bataile ouvrent à des interprétations passionnantes,palpitantes mais ce n’est pas là que vous trouverez « ce passage est une réécriture de Montesquieux ». Et non. Si j’étais riche nabab, achèterait, achèterait, si j’étais riche nabab, achèterait Sade en Pléiade… pour faire salle comble. Maintenant, à vous de voir : soit TOUT Sade, avec les opuscules les plus rares, soit quelques textes importants dotés d’un apparat critique digne de ce nom. Si vous aimez la critique, j’ai cette pièce géniale;, l’édition des Gestes et opinions du docteur Faustroll Pataphysicien (éditions de La différence) où on nous prévient d’entrée « L’objet principal ici n’est pas d’éditer Les gestes et opinions du docteur Faustroll,,pataphysicien. On l’a fait par égard pour, le lecteur… » Non, le but du livre est d’éditer presque 500 pages de pures recherches. Palpitantes d’ailleurs pour un dix-neuvièmeiste. Étonnantes même; plus de 40 ans de recherches. Je n’avais jamais vu ça, et j’ai déjà 3 éditions du livre.
Zino, vous avez lu Gomberville ? J’ai eu un passionnant professeur de 17eme, M. Servant Kevorkian qui m’a fait connaître cette belle œuvre grâce à sa thèse. Il y a aussi La Clélie, Le grand cyrus, L’Astrée !
Restif
Les romans de(s) Scudery(s), d’Urfé ou de Gomberville ( que je connais très bien) représentent une gageure terrible pour le lecteur contemporain. À l’Université, on leur préfère des « valeurs sûres » comme Tristan L’hermite ou Madame de Lafayette. C’est un choix… Que je peux comprendre, en partie ; le roman héroïque ou le roman précieux, surtout, répondent en effet, à des canons scripturaires, à des schémas narratifs, à des impératifs idéologiques et sociaux, assez éloignés du lecteur contemporain que je citais plus haut. Là-dessus, le théâtre s’en tire mieux, il est, disons, plus facilement lisible. Bref… Voilà bien des auteurs que la Pléiade devrait faire découvrir ou re-découvrir, en prenant soin de respecter la ponctuation d’époque, l’une des plaies majeures de la notre ( l’époque, pas la ponctuation) pour les auteurs du dix-septième, étant la modernisation de la ponctuation, par-souci-de-clarté…
PS : nous voilà bien loin du roman noir Sadien…
Oui, absolument, quel splendide projet ce serait pour la Pléiade ! Il y a des choses étonnantes de modernité dans l’Astrée, notamment toute une réflexion sur le concept de démocratie..Le Forez n’échappe-t-il pas aux vicissitudes des guerres qui l’entourent? (hélas, je n’ai pu tout lire). Plus personnel , m’intéresse la problématique de l’Hercule Gaulois que je piste depuis Rabelais puis Guy Lefèvre de la Boderie, Guillaume Postel.
Je me -me demande à quel point -interrogation naïve -ces grandes « sagas » n »ont pas préparé le roman du 19eme.
Nous sommes -nous tant éloignés de Sade? Les Châteaux Sadien ne sont-ils pas de parfaites contre-utopies du Forez de d’Urfé?
Je vous envie… Bien que ne rejetant point mon 19eme.Mais que l’accès aux textes longs du 17eme est ardu!
Ps Heureusement, il y a Gallica. Mais c’est difficile, j’aime tant le livre!
Restif, vous avez raison de dire que le roman du dix-septième pose les bases du roman moderne ; mais seulement les bases… Je veux dire que si, en effet, sur le plan narratorial, on y trouve les catégories actancielles que Genette théorisera dans « Figures » (encore, pas toutes) le roman moderne, quant à lui ( et plus encore, le roman contemporain) affine le découpage narratif, travaille les focalisations avec une compléxité plus poussée, élabore une polyphonie enonciative infiniment plus riche, grâce notamment, aux modalités axiologiques.
Pour ma part, si j’aime tellement le dix-septième siècle, c’est pour sa langue ! Nous y avons atteint, ce me semble, une acmé proprement indépassable.
Assurément. Pour la langue, on touche a ce qui est le plus superbe, un horizon insurpassable. Et pour moi, Saint-Simon c’est encore le dix-septième, même s’il ose des dérives baroques qui eussent fait reculer ses prédécesseurs (quoi que Pascal…) , il est bien le rejeton complet du dix-septième qu’il couronne. On dit souvent que c’est le dix-huitième qui vit la perfection de notre langue. Non, c’est autre chose qui commence (Rousseau) : l’acmé, comme vous le dites si bien, c’est le dix-septième. Proust s’en souviendra.
Choderlos de Laclos, XVIIIe, c’est quand même quelque chose. Asymptotiquement proche de la perfection.
Il me semble qu’une part essentielle, de la nostalgie française vient de là : ce sentiment d’être orphelins de cette langue insurpassable.
Cela me paraît plus important que la gloire militaire ou l’aventure impérialiste, en tous cas, et j’en sens, dans la vie quotidienne, la présence chez les personnes les plus simples, les moins « instruites » quand bien même n’en auraient-elle pas une conscience claire.
Jre pense la même chose. Ce que nous regrettons, consciemment ou inconsciemment,ce n’est pas la domination de Louis IV sur l’Europe, non, c’est l’hégémonie de la ange. Quand la noblesse russe apprenait d’abord le français (voir ce personnage d Guerre et Paix qui se met à apprendre le russe à plus de 70 ans par patriotisme) cette époque que Goethe se remémore où Voltaire régnait,(Conversation avec Eckermann) ; il conte comment dans jeunesse LA langue de l’univers était le français. Plus que notre langue, c’est la culture qui l’accompagnait que nous regrettons -ça va de pair.. D’où d’ailleurs tous ces festivals, prix, etc.
Draak .Bien sûr, Laclos a écrit un chef d’œuvre. On pourrait dire : la période 17-18eme. Mais ce n’est quand même pas la même chose. Laclos est comme Sade, brillant, nacré, la phrase claque comme un fouet, mais on y sent une pointe de sécheresse que vous ne trouverez pas chez Pascal, chez La Bruyère. Songez que c’est l’époque de Racine, le dix-septième… Vous me direz que les Goncourt mettaient le dix-huitième au-dessus de tout. Et comme me l’a dit un libraire avec lequel je discutait « Mais QUI écrivait mal au 18eme?. IL n’empêche, le génie de Cyrano, la description du Lignon par d’Urfé, Molière, Corneille, La Fontaine non, vraiment, pour moi c’est l’apogée.
« Mais QUI écrivait mal au 18ème ? » C’est le reproche fondamental qu’on lui peut faire.
Qui a envie de regarder une course de 100 m où les 8 concurrents arrivent également premiers, tous alignés parfaitement (comme dans « Astérix aux Jeux Olympiques », l’album bien sûr, pas l’affreux film).
‘ »ce que nous regrettons c’est l »hégémonie de la langue ». Nos lecteurs auront rectifiés d’eux-mêmes. Je ne crrige rien d’autre mais là, je me suis énervé contre moi-même. Fâché tout rouge!
Draak, Restif, Domonkos,
Si l’on me permet une analogie avec le cinéma, je dirais que le dix-septième siècle c’est Kubrick : Quelque chose de mécanique, de froid dans la démonstration du génie. Mais inégalable…
Vous me direz : « Mais, et Molière, ce n’est pas mécanique, c’est bouillant, Molière, c’est Plaute, c’est l’Italie ! » Eh bien comparez Aulularia et l’Avare. Écoutez la mélodie implacable de la langue du dix-septième. Et comparez.
Le dix-huitième apporte de la modernité dans tous les genres, mais la langue accuse déjà des faiblesses…
Il n’est pas question de dire que les auteurs des siècles suivants n’ont pas de génie, et la liste serait trop longue pour tous les énumérer ; il s’agit simplement de se demander à quel moment notre langue atteignit le point maximal de ses potentialités.
Céline- qui révolutionne l’écriture fictionnelle en langue française – tenait La Fontaine pour un modèle.
Totalement d’accord avec vous. Le milieu et la fin du XVIIe siècle constituent l’apogée de notre langue littéraire, prose comme poésie. Nul n’a encore cité Gondi, Monsieur le coadjuteur, cardinal de Retz, dont les Mémoires ne le cèdent nullement à ceux de Saint-Simon tout en ayant l’inappréciable avantage de ne s’autoriser aucune espèce de « lande » où l’intérêt languit et disparaît (la Pléiade de Hepp est excellente).
Il y a toujours quelque chose qui approche du surhumain dans la perfection. C’est cette impression que vous avez avec Molière. Plaute, c’est le « carnavalesque » type. Il faut voir comment il a mélangé les parlers, usant aussi bien de l’argot militaire que de celui des domestiques que du parler des « maîtres ». Molière lui s’adresse à la cour, au parterre aussi bien sûr, mais quel parterre ! Il y a derrière cette langue une civilisation sûre des ses valeurs, de son droit. Il y a Bossuet, Massillon le roi et ses juristes. Ce n’est pas encore l’époque du doute. Alors que le dix-huitième n’a pas donné pour rien le Diderot de « Est-il bon est-il méchant », ou celui de « Mystification » pour ne pas parler du « Neveu de Rameau ». Ce n’est pas pour rien que le dix-huitième est le temps et de Rousseau et de Sade. Les premières taches de corrosion arrivent, la Révolution semblera une régénération mais ne fera que sonner la diane de l’arrivée de la gloire bourgeoise.Au Dix-septième, le meilleur des valeurs bourgeoises est déjà là, tous nos écrivains ou presque (Saint -Simon) proviennent de la bourgeoisie, mais il y a encore une grosse goûte de l’idéal de la noblesse dans le sang de la langue. Il n’est que de lire le discours du père de Dom Juan à son fils. C’est ce mélange de robustesse bourgeoise et de fierté noble -Colbert et le Grand Condé – qui donnent alors à la France cette primauté que notre langue symbolise,corrobore et incarne au sens le plus fort du mot. Il n’est que de voir Versailles pour la comprendre cette langue. Il y a quelque chose d’implacable chez La Fontaine, rien ne peut-en être distrait, la moindre virgule porte. Il a fallu une exceptionnelle réunion de talents, de génies et de circonstances pour que naissent ce verbe qui se sait parfait, qui n’est habité par aucun doute. Et c’est cela que l’on ressent : la perfection fière d’elle-même. Impitoyable.
Restif,
Il faut faire attention à ne pas confondre la langue écrite avec la langue parlée, même au sein de la noblesse. La plupart des nobles, à Versailles, ne maîtrisent pas la langue. Pourquoi le devraient-ils ? Ce n’est pas leur affaire, au mieux savent-ils donner des ordres et comprendre ceux qu’on leur donne. La noblesse a d’autres occupations. Il faudrait faire, ici, une sociologie du langage sous l’Ancien Régime…
La maîtrise de la langue, écrite et parlée, est l’affaire de quelques uns. Et ces quelques uns sont au service d’un projet politique, celui du roi Soleil. J’enfonce une porte ouverte en rappelant que l’obsession de Louis XIV est de ne pas voir se reproduire la Fronde. Tout doit être carré, au sens figuré comme au sens géométrique du terme. D’ailleurs le schéma idéal de la phrase, c’est la période dite « carrée », dont les « portraitistes »- La Rochefoucauld et le Cardinal de Retz, en particulier – ( mais aussi Saint-Simon) feront grand usage.
Il faut donc rendre à Jupiter-Apollon ( Louis XIV) ce qui revient à Richelieu.
La langue du dix-septième c’est d’abord une langue « efficace ». Évidemment, ce n’est pas si simple, la préciosité ainsi que le baroque, représentent d’une certaine manière, un contre-discours, que l’Académie combattra de manière impitoyable.
Votre remarque « La plupart des nobles, à Versailles, ne maîtrisent pas la langue » me touche et me conduit à vous poser une question à laquelle vous ne pourrez répondre dans le cadre de cette rubrique Sade. Mais, si vous pouviez la prendre en considération et la réserver pour une autre occasion : une rubrique « varia » sur le sujet, que vous semblez appeler de vos voeux…
Voici donc la question : si les nobles, à Versailles, « ne maîtrisent pas la langue », qu’en est-il dans les Cours européennes ? Sont-ils si nombreux à utiliser le français, en quelles circonstances, et de quel français font-ils usage (en ont-ils une maîtrise plus élevée que les nobles de Versailles, comme aujourd’hui encore des étrangers s’exprimant dans notre langue utilisent parfois un français raffiné qu’on ne trouve pratiquement plus dans l’hexagone) ?
Domonkos
Vous avez mis la réponse dans votre question…
PS : pourquoi cela vous touche-t-il d’apprendre que la noblesse de Cour ( à ne pas amalgamer avec la noblesse provinciale) était pour l’essentiel, inculte ?
Ce n’est pas le bon mot, très mal choisi, disons m’intéresse, éveille une curiosité : simplement, je n’avais jamais envisagé cette situation sous ce jour, et cela donne une couleur différente à l’image qu’on peut se faire de la Cour. Ce n’est pas que ce soit une véritable révélation, je devais bien m’en douter, mais je n’y pensais pas.
Peut-être est-il temps de revenir à Sade…
Les écrivains brassent leur temps et son langage; il sont la mise en écriture de la weltanschauung d’une époque. Ils incarnent un tout. Nul ne peutt dire d’où leur vient précisément leur inspiration, c’est une totalité et vraiment trop immense pour être subsumée par quelques catégories que ce soit, fusse le politique. La langue étudiée, et d’abord le latin, est premier. Puis viennent les modèles français et européens. enfin la recréation par le génie propre de l’écrivain, qui dépasse toute les inféodations. Enfin, reste qu’il s’est bien passée une cristallisation qui dépasse la stylistique pure pour toucher à l’être d’une époque et.. à l’Être même tout court (Pasca, notamment .Descartes aussi).
Oui, nous reviendrons au marquis.
Une autre fois j’expliquerais pourquoi Rabelais me semble notre plus grand écrivain… (« Rabelais? Il a raté son coup Rabelais »., Céline). J’ajoute que j’adore le baroque, c’est le sel même de la langue.
Restif,
Vous avez raison de rappeler que derrière les contingences d’une époque il y a le génie propre. Je pourrais reprendre la célèbre phrase de Buffon : » le style est l’homme même » s’il n’y avait là une certaine ambiguïté sur le sens exact de celle ci. Disons qu’il y a un style d’auteur, facilement reconnaissable pour le dix-septième, justement à cause de l’Académie, qui régente l’écriture. Et de ce point de vue, croyez-moi, un écrivain sous l’Ancien Régime, quelque génial qu’il soit, reste un individu inféodé.
À mesure, cet individu se singularise, grâce notamment à la Révolution Française, la phrase de Buffon prenant alors le sens habituel qu’on lui donne, c’est à dire le style comme subjectivation du sujet écrivant.
Peut être faudrait-til demander à Draak d’ouvrir une rubrique « varia » pour les sujets plus généraux.
Bien à vous Restif.
Sur l’Académie, comment-vous donner tort? On sait ce que Scudéry fut pour Corneille qui dut bien s’abaisser devant les fourches caudines du Cardinal. La langue ne pouvait échapper à l’état…
Bien à vous zino.