Leconte de Lisle (1818 – 1894) est un poète français du XIXe, l’un des chefs de file des parnassiens.

Il est principalement l’auteur de trois recueils :

  • Poèmes antiques (1852)
  • Poèmes barbares (1862)
  • Poèmes tragiques (1884)

Le mouvement parnassien défendait les principes en rupture avec le romantisme :

  • la poésie doit rester impersonnelle (le poète ne doit pas mêler son ego à la poésie) ;
  • la littérature ne doit pas avoir de fonction politique ou sociale (« tout ce qui est utile est laid », dira Théophile Gautier). L’Art doit être gratuit : « l’Art pour l’Art ».
  • la poésie est donc plutôt un travail sur la forme (« il faut ciseler le vers comme un bijou ou une statue », du même Gautier).
  • le poète doit viser la beauté, dont l’antiquité (grecque, hindoue, nordique, etc.) fournit les modèles absolus ; le Parnasse rend à la poésie son caractère sacré.
  • par opposition aux sentiments, la science, guidée par la raison, constitue un champ d’expression infini ;
  • le poète ne doit pas s’impliquer dans la vie moderne.

Concernant Leconte de Lisle, je passe la parole à notre intervenant Zino, s’adressant à Domonkos :

« Vous qui, comme moi, appréciez l’univers de Howard, je vous invite à lire le cycle des poèmes barbares. Leconte de Lisle y déploie un sens de l’épique proprement stupéfiant ! Ses descriptions tiennent à la fois de l’ekphrasis la plus saisissante et du fantastique le plus inventif !
Qaïn, le poème qui ouvre le recueil ( si mes souvenirs sont bons…) atteint – parfois – la grandeur visionnaire des premiers poèmes de La Légende des siècles. Il y a chez lui, souvent, une tendance à l’emphase, une jubilation entêtante à l’énumération de noms propres, aux sonorités rugueuses ( et qui peut fatiguer le lecteur) mais le souffle épique rend ces poèmes non seulement agréables à lire, il nous invite également à réviser nos jugements sur un courant esthétique, le Parnasse, trop souvent écarté au profit du Romantisme. »

Edition de référence :

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25 réponses
  1. zino
    zino dit :

    Cher Domonkos
    Une relecture rapide du volume Folio/poésie, consacré aux « Poèmes barbares », m’oblige à modérer mon enthousiasme concernant l’appareil critique. En effet, les notes se bornent pour l’essentiel, à une présentation succincte des poèmes, à leurs sources, à leur valeur symbolique, à leur contexte littéraire. Ce qui n’est déjà pas si mal. Mais les références bibliques, les détails sur les cosmogonies explorées, passent à la trappe. Et puis l’absence de glossaire pour les noms propres se fait vite sentir. Du coup, la lecture en devient assez fastidieuse.
    Il n’est pas impossible que j’aie confondu avec les « Trophées » d’Hérédia, dont l’appareil était, dans mes souvenirs, plus conséquent.
    À la relecture des poèmes une évidence s’est imposée à moi : Leconte de Lisle, bien qu’inférieur à Hugo ( et Claudine Gothot-Mersch à raison de le souligner dans sa préface, donnant par exemple l’avantage à  » La conscience » sur « Qaïn » pour un thème identique) n’en est pas moins un véritable poète. « La vigne de Naboth » est un modèle de poésie narrative, bien supérieur à Vigny, par exemple, et aussi bon que le Hugo de
    « Zim Zizimi »
    Malgré le caractère figé du patron prosodique lié à l’alexandrin ( et là-dessus, Hugo reprend le dessus, lui qui travaille ce vers dans une expressivité plus prosaïque) leconte de Lisle deploie un immense talent à développer une narration sertie de dialogues qui ne paraissent pas artificiels. Chacun est caractérisé avec un sens de la psychologie finement poussé, notamment Akhab, monstre de tyrannie enfantine.
    Et le souffle, le souffle poétique ! Les strophes se développent avec un sens de la gradation, une puissance pathétique, une rage ( poêmes barbares..) hallucinants !

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    • Domonkos Szenes
      Domonkos Szenes dit :

      Je vais aller y voir, promis, juré, craché ! J’en éprouve même une furieuse envie. Quant au glossaire, tant pis, j’en serai réduit à garder mon clavier d’ordinateur à portée de main… Quand j’avais 14 ans et que je dévorais passionément Hugo (je me crus même poète et tentai d’aligner des alexandrins à sa manière dont, plus tard, je fis heureusement un auto dafé) je souffris de ne pas saisir le quart de la moitié de ses références bibliques ou antiques, même avec le secours de mon Larousse, mais je ne m’en décourageai pas pour autant… Il y a une poésie dans ces mitraillages de noms étranges, ainsi que l’ont fort bien compris, au siècle suivant, tous les auteurs de fantasy… Et puis, quoi ! Hugo lasse et harasse son lecteur, mais quelle bonne fatigue !

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      • Domonkos Szenes
        Domonkos Szenes dit :

        Par contre, je crois que j’ai eu raison de ne pas lire, à l’époque, plus de poèmes de Leconte de Lisle que ne m’en ont imposé mes profs ; je suis presque certain qu’ils me seraient restés fermés. Par la suite, au fil des ans, j’en ai rencontré quelques-autres, assez pour sentir qu’il y a là autre chose que les clichés répandus sur le compte de ce poète qu’on semble avoir décidé de ranger sur le rayon des illisibles recouverts de poussière. Je me sens plus mûr aujourd’hui pour ne plus me contenter d’une paresseuse navigation à la surface mais plonger dans les profondeurs.

        (De toute façon, il m’arrive une chose terrible : alors que j’ai lu, avec avidité, plus de livres entre 13 et 23 ans que durant le presque demi-siècle suivant, j’ai l’impression de n’avoir rien lu à cette époque ou rien compris à ce que j’ai lu. J’en ai eu plusieurs expériences récemment : voulant « relire » un auteur que j’avai lu adolescent, je me suis retrouvé devant un auteur inconnu de moi, qui n’avait rien de commun avec celui d’avant-hier. Je ne citerai que Baudelaire, à titre d’exemple. C’est un peu décourageant. Il va falloir que les Parques m’accordent un demi-siècle supplémentaire… Puis je recommencerai encore à zéro et leur en réclamerai encore un autre…)

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  2. Restif
    Restif dit :

    Arrêtez enfin, voyons! On va m’accuser de vous rendre enragé .On va me présenter la note ! Enragé, oui, tel Mona qui, franchement, à lire ses hauts faits, ne dépare pas mon analyse scien-ti-fique de Leconte de Lisle poète de l’héroïc fantasy. Lisez-moi ça :
    Les arcs tintaient, les traits s’enfonçaient dans les flancs,
    Sans trêve, hérissant les dos, les seins sanglants,
    Déchirant, furieux, la gorge des prêtresses
    Dont la torche fumante incendiait les tresses.
    Et tout fut dit. Quand l’aube, en son berceau d’azur,
    Dora les flots joyeux d’un regard frais et pur,
    L’Île sainte baignait dans une vapeur douce
    Ses hauts rochers vêtus de lichen et de mousse,
    Et, mêlant son cri rauque au doux bruit de la mer,
    Un long vol de corbeaux tourbillonnait dans l’air.

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    • DraaK fut là
      DraaK fut là dit :

      Mon libraire m’informe que les Poèmes Barbares en édition NRF (que je commenterai ici un jour) sont arrivés cet après-midi. DraaK, en sa rage de savoir, lira bientôt ces chants barbares.

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      • Restif
        Restif dit :

        Je pense aussi qu’il aurait beaucoup aimé. Je regrette de n’avoir pas acheté les poèmes d’Howard, mais ils coûtaient fort cher, édités en porte-folios. Je ne les retrouve pas en édition « normale ». Il y a un grand poète désespéré chez Howard, je pense souvent dès qu’on parle de lui à sa superbe nouvelle « Dans la vallée du ver » qui voit un homme mourir à l’hôpital et durant son agonie il revit une existence antérieure qui le vit affronter sa plus grande et sa plus belle bataille, qui lui coûtât la vie. Dans le dernier paragraphe les deux vies se confondent, l’homme est dans son lit d’hôpital et sur le champ de bataille et ses deniers mots sont « et je mourus. Dans la vallée du ver ». lL y eut une superbe adaptation en bande dessinée, somptueusement mis en image par le grand Gill Kane (in L’écho des savanes spécial Usa). Je pense aussi à la très belle nouvelle du cycle du roi Kull, « Le crane du silence », où Howard arrive à nous faire sentir l’essence même du silence. dommage que dès qu’on l’évoque les gens ne pensent qu’à une sorte de chantre de la brute, il est tellement plus complexe. En témoigne son incroyable héros, le puritain Solomon Kane ou son personnage du poète dément Justin Geoffrey. Le monde vit d’images simplissimes… C’est étrange comme Howard est au fond un pessimiste. Ses grands guerriers sont toujours victimes de l’hypocrisie, de la trahison, de la petitesse d’un monde qu’ils comprennent mais méprisent car c’est un monde sans valeurs de noblesse et de courage. Étrange personnage qu’Howard, « two guns Bob » comme l’appelait Lovecraft, véritable sosie de ses héros avec ses plus de deux mètres et ses 1105 kilos et qui, alors qu’il était le citoyen le plus prospère de sa ville, devant le banquier, se suicida à la mort de sa mère. Oui, il aurait aimé Leconte de Lisle.

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      • Restif
        Restif dit :

        Ma réponse s’est évaporée. J’espère qu’elle est seulement « en attente », je n’ai ni le temps ni le courage de la refaire.

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        • DraaK fut là
          DraaK fut là dit :

          Cher Restif,
          Vous aviez signé « r », et en bon soldat, WordPress m’a demandé d’approuver la réponse (car ce ‘r’ lui était inconnu), ce qui a pris le temps que je sorte de table. Je me suis permis de corriger au passage la signature (et une faute que je tairai, même à vous).

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          • Restif
            Restif dit :

            Cher Draak. Vous êtes un ange. Masqué sous un nom de démon. Un ange souriant et qui apaise. Merci à vous et toutes mes excuses pour ce « r » infâme, ce pauvre « r » qui erre dans l’enfer des terre inteRnetiennes;

            Ps Si vous le trouvez, lisez-le, c’est vraiment touchant, beau , « le dernier combat » quoi. Je crois que c’est dans « Le pacte noir ». A vérifier. Ah, NEO n’existant plus, faisant une petite recherche de vérification j’apprends qu’il a été réédité dans Les ombres de Canaan. Voici le lien.
            http://www.bragelonne.fr/livres/view/les-ombres-de-canaan-1
            J’espère que vousdvous êtes concilié Lovecraft. Sinon, et bien ce sera un de ces auteurs pour lesquels on n’est pas fait. Il en est. C’est même ce qui permet la pluralité de la littérature!

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  3. Restif
    Restif dit :

    Mais soyons plus sérieux. J’ai fait des recherches dans ma bibliothèque et j’ai trouvé l’édition de référence de Leconte de Lisle. Malheureusement, elle est épuisée. Cela se trouve aux Belles Lettres, en quatre volumes, sous la houlette d’Edgard Pich. J’ai le tome IV, c’est très intéressant : œuvres diverses , textes « qui ne figurent pas dans les éditions courantes de Leconte de Lisle » Toutes les œuvres en vers non recueillies dans les trois premiers volumes ou restées inédites du vvant de l’auteur » »Tous les récits en prose. Le terme de réct a été »préféré parce que plus général à celui de contes », « œuvres de jeunesse ou mineure, utile à l’étude de la genèse des œuvres plus élaborées »,  » des œuvres en prose diverses, textes qui ne figurent pazs dans l’édition des « Articles, préfaces, discours », « extraits de deux cahiers où Leconte de Lisle jetait pêle-mêle résumés, citations, projets et réflexions  » et « enfin quelques textes plus brefs , demeurés manuscrits du vivant de l’auteur. Enfin des brochures politiques et historiques « , »des addenda et des errata », un index métrique; un index nominum et un répertoire de la correspondance. »
    Ah, il me faudrait les trois tomes précédents qui avec celui-là me semble bien réaliser la meilleure édition de Leconte de Lisle.
    Je vous donne le pdf que j’ai trouvé sur cet Edgard Pich qui a réalisé ce grand projet. J’espère que ça passera, sinon, googlez :
    [PDF]Edgard PICH éd., Leconte de Lisle
    etudes-romantiques.ish-lyon.cnrs.fr/wa_files/CRLislePich.pdf
    Avec ça, on dira encore que je ne suis pas sérieux!

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  4. zino
    zino dit :

    Restif,
    Edgard Pich a refait son édition des œuvres complètes de L de L, cette fois-ci chez Champion. Les volumes coûtent cher, très cher.. Comptez 150 euros pour les poèmes barbares. Mais l’appareil critique semble gargantuesque, 300 pages pour le volume des poèmes barbares. Je compte aller faire un tour chez Champion, ce mois-ci. Je vérifierai sur place. Mais 150 euros, hum…

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  5. Restif
    Restif dit :

    Diantre oui, cher zino, c »est cher! Je me demande si je ne vais pas me « contenter » de l’édition Belles Lettres qu’on trouve tome à tome à petits prix. Certes, l’édition Champion doit être un monument. Ça me fait plaisir qu’on s’intéresse à Leconte de Lisle, à Heredia aussi, poètes trop souvent moqués pour leur recherche d’une forme parfaite dénuée de lyrisme personnel (bien qu’il se glisse discrètement chez Leconte de Lisle, plus grand quand même). J’aime moi, tout comme vous. Et d’autres ici. C’est bien !

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  6. zino
    zino dit :

    Il y a tellement de poètes dits mineurs dont l’univers offre infiniment plus de frissons poétiques que certains autres poètes, placés au panthéon. Je vais sans doute faire grincer quelques dents mais Verlaine ne m’a jamais paru indispensable. Lamartine est à peu près illisible. Breton m’émeut rarement, Aragon est parfois un grand poète. Parfois… Et je soupçonne une bonne part de l’intelligentsia parisienne de porter aux nues René Char, un poète qu’elle n’a pas lu et dont pour ma part j’apprécie modérément l’opacité, que j’apprécie tout aussi peu chez le Mallarmé deuxième manière. Je leur préfère Charles Cros, Paul Fort, Gustave Khan, Aloysius Bertrand, Nerval, Supervielle, et tant d’autres qu’on lit moins, comme les Parnassiens, justement. Leur jubilation est palpable, leur parole poétique, généreuse. Relisez Théodore de Banville ou le Gaultier de « Émaux et Camées » Dieu que c’est beau !

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    • Domonkos Szenes
      Domonkos Szenes dit :

      Il faut sauver le soldat Verlaine, que diable ! Sa posture de poète maudit et ses palinodies ne peuvent faire oublier qu’il fut un vrai poète, une voix inouïe, tout aussi indispensable que Rimbaud. Pour le reste, je vous l’accorde, ce n’est pas le poète que je recherche chez Breton, ce n’est pas le poète que je trouve chez René Char. Aragon grand poète, un peu plus souvent que parfois, mais il est vrai, pas toujours, Eluard m’a séduit puis insupporté, aujourd’hui il me laisse indifférent. Theodore de Banville j’en ignore tout sauf le nom. Lamartine, j’ai voulu, tout récemment, le relire en entier et sérieusement, j’y ai consacré du temps, pour être certain. Je n’en attendais rien, c’est pourquoi le peu que j’y ai trouvé m’a paru beaucoup (jugement à la Pierre Dac : « parti de rien, arrivé à pas grand chose, etc. »)

      Jules Supervielle n’a jamais cessé de me toucher tout au long de ma vie, c’est de la bonne étoffe, et la comparaison avec la prétention de René Char est accablante pour ce dernier. (Je fais exception pour « Le marteau sans maître » que je révère, mais c’est à cause de Boulez.)

      Et puis Nerval, son oeuvre poétique (versifiée s’entend) tient essentiellement en une douzaine de poèmes courts, mais ils suffisent à le placer au sommet où se tiennent les plus grands. Ils sont des rares que ma mémoire n’a jamais laissé se perdre et qui provoquent aujourd’hui en moi la même émotion qu’au premier jour. S’il existe une voix des anges et si un humain a pu l’entendre et la retranscrire, c’est lui. Je ne connais d’équivalent qu’en musique.

      A contrario de ce que je lis très souvent ici ou là, je ne trouve pas que la poésie actuelle soit si démunie de beauté et de sentiment, si dépourvue de lyrisme (mais il ne s’épanche pas), et je ne la méprise pas, bien au contraire.
      Peut-être est-ce par fidélité à notre jeunesse, lorsque je partageais une intime amitié avec Yves di Manno, faisant ensemble nos premiers pas, petits Castor et Pollux (et plus encore, qui sait, le fait que sur son injonction je détruisis à vingt ans toute ma « production poétique » et lui dis adieu sans esprit de retour) que je conserve ce goût, au soir de ma vie, comme on dit.

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  7. Restif
    Restif dit :

    Ah, Zino, il s’en faut de très peu que je ne contresigne votre commentaire, ce sans quasiment en changer une ligne. Si…S’il n’y avait Verlaine que je tiens sans barguigner pour l’un des plus grands poètes français. Non tant pour les charmantes « Fêtes galantes » qui ont pourtant des délices tout frémissant de rosée lyrique que pour « Romance sans paroles », recueil unique dans nos lettres. L’univers y perd de sa substance , un autre monde de buée vient se superposer à notre vision, d’étranges chants comme des mélopées féeriques viennent nous visiter, non, c’est réellement un très grand moment de poésie. On a parlé à propos de ce texte de l’influence rimbaldienne, mais encore faudrait-il y voir vraiment clair dans le jeu des influences entre les deux hommes, ce qui pour moi n’est pas le cas, rien n’est établi. Par contre, pour Char je vous suis des deux pieds, il y a quelque chose qui sonne un peu le creux chez lui, ce côté marmoréen, écoute de l’être, cet aspect « je suis un génie » qui me déplaît souverainement. Je ne suis pas fou de Jacottet, mais au moins il est simple. J’ajouterai dans les réputations gonflées Eluard. Mais lui, c’est un peu spécial, je lui reconnais un vrai don poétique mais il ne me fait pas frissonner. Robert Graves avait un test pour reconnaître l’authentique poète : vous donne-t-il la chair de poule ? Ce n’est pas si bête. Et bien je n’ai jamais la chair de poule avec Eluard, sauf peut-être pour « Blason des fleurs et des fruits ». Avec Aragon, si. Notamment avec « Bierstube magie allemande », qui porte, il est vrai, la marque d’une lecture très poussée d’Apollinaire. Un grand poète à mes yeux que celui-là. J’aime beaucoup Supervielle,on le passe trop sous silence, il y a chez lui des choses tout a fait étonnante, dans Gravitations notamment. Je vous suis sur tous ces poètes dits mineurs, Banville, Gautier,(oui, c’est beau, très beau) Kahn je connais mal mais j’ai apprécié de belle choses de Saint Paul Roux. Moi non plus je n’aime pas Lamartine, il m’a toujours fait bailler, au moins Musset me fait parfois sourire et sait même être déchirant n’en déplaise à Baudelaire. Cros, bien sûr. Il a des sonnets merveilleux, entre autres textes. Il est un poète que je rajouterai à ceux que vous donnez, un monsieur qui est pour moi un très, très grand poète : Tristan Corbière. « Le poète contumace » est l’un des poème les plus déchirants que j‘ai jamais lus, et il faudrait parler de « ça »,de « Un jeune qui s’en va » et de cet incroyable et mouvante frise d’images barattée par toutes les tempêtes de l’imaginaire qu’est la « Litanie du sommeil ». Je remarque que notre époque donne assez dans le genre pompier, il y a comme un paradigme où tous se retrouvent, il faut noter la trace de la trace de l’évanescence, faire disparaître tout signe de lyrisme comme si c’était une maladie honteuse, il faut paraître penser, il ne faut plus que ça « sonne beau ». On a honte du beau. Je trouve ça stupide. Mais c’est peut-être un « remake » de notre cher La Fontaine et de sa fable du Renard et des raisins verts… On fait semblant de mépriser la forme parce qu’on n’arrive pas à l’atteindre. Par manque de modestie aussi…
    C’est curieux, tous ces poètes dont nous parlons, j’entends Gautier Cros etc, c’était déjà ceux -après Rimbaud (le roi d’abord) et Baudelaire – qui me charmaient à 12 ans lors de la grande éclosion grâce à un vieux Lagarde et Michard du 19eme oublié dans ma classe de sixième. Je suis passé par bien des sentiers, je n’ai pu également aborder à Breton (à Desnos, si) j’ai beaucoup musardé, et maintenant je reviens à mes premières amours, du temps ou j’achetais L’anthologie de la poésie parnassienne…

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  8. zino
    zino dit :

    Une courte intervention pour Verlaine ( Leconte de Lisle va nous en vouloir…)
    Je pense que Verlaine est plus larmoyant qu’émouvant, mais c’est personnel. Si je ne peux plus lire Musset, et bien c’est pour les mêmes raisons. Maintenant, par souci d’honnêteté, je dois dire que les fêtes galantes reste un délicieux recueil. Mais là encore, je le trouve agréable à lire à cause du dialogisme avec le 18ème. En revanche toute sa bondieuserie de l’après-conversion me tombe des mains. Autant relire Reverdy ou Claudel.
    Parmi les maudits, Corbière et Nerval touchent au pathos le plus radical, avec une sensibilité, une discrétion, un fatalisme assumé, que Verlaine remplace par de la sensiblerie, et même parfois une pose un peu affectée.

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    • Domonkos Szenes
      Domonkos Szenes dit :

      Tout ce que vous dites sur Verlaine me semble vrai, incontestable, et pourtant n’emporte pas ma conviction. Question de sentiment personnel ? Bien souvent, alors que je vois bel et bien la pose, voire le procédé, cela me touche. Je ne crois pas que la sincérité de l’auteur soit une qualité de l’auteur. Même les plus grands peuvent être, peu ou prou, des faiseurs et des « faiseurs ». Il m’intéresserait de connaître ce que des analystes ont pu dire sur le côté « fabriqué » de la littérature (je répète, même de la plus grande), l’emploi des procédés, la recherche voulue des « effets », des trucs de métier, etc. Toutes choses insupportables chez un petit écrivain et qui n’enlèvent rien à mon admiration et à mon plaisir chez les plus grands.

      Ceci étant dit, Verlaine ne me tire pas les larmes et ne me noue pas la gorge, je le reconnais, Nerval si.

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      • Domonkos Szenes
        Domonkos Szenes dit :

        Et il y aurait beaucoup à dire sur le « métier » de Nerval, habitué de l’écriture des gazettes et journaux, qui n’enlève rien, à aucun moment, à sa sincérité et à sa force (au contraire : j’admire d’autant plus les joyaux qu’il taille que je connais les outils et les techniques qu’il emploie, lesquels sont à la disposition de chacun mais chacun n’en tire pas des diamants).

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      • Domonkos Szenes
        Domonkos Szenes dit :

        « Je ne crois pas que la sincérité de l’auteur soit une qualité de l’auteur. » Pardon. Faute grossière.
        Je voulais dire : « Je ne crois pas que la sincérité de l’auteur soit une qualité littéraire. »

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  9. DraaK fut là
    DraaK fut là dit :

    Je copie-colle l’intervention de Neo-Birt7 qui s’est perdue chez Sade :

    « Les poèmes antiques et barbares de Leconte de Lille, qui fut un helléniste attachant mais des plus médiocre – il translatait le grec d’après les versions latines des tomes de la collection Didot, elles-même trop souvent des vieilleries tant bien que mal rapetassées pour les faire correspondre au texte imprimé en vis-à-vis -, mériteraient un véritable commentaire d’antiquisant et de folkloriste, histoire de ne pas se borner à répéter la doxa tout en apportant des lumières de première main sur les relations du poète avec ses matériaux bruts ou élaborés. L’absence d’un apparat systématiques des loci simile et contrarium dans les éditions Champion des poèmes antiques et barbares m’a d’emblée mis en défiance à l’égard de M. Pich (on ne le trouve pas davantage dans le tapuscrit de sa thèse de 1973) ; sans investigation méthodique des sources grecques et romaines, y compris les scholies anciennes à Homère, Apollonios de Rhodes, etc, et les compilations tardives (M. Pich n’a même pas entendu parler des trois Mythographes du Vatican !), l’exégèse de la poésie de Leconte de Lille se condamne à ne pas saisir dans sa diversité la richesse intertextuelle de cet art si éminemment conscient de participer de tout ce qui l’a précédé. »

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  10. Neo-Birt7
    Neo-Birt7 dit :

    Il n’existe pas d’édition complète de l’ensemble de l’oeuvre de Leconte de Lisle, y compris les proses littéraires et les traductions de la poésie grecque et occasionnellement latine (Horace) ; l’entreprise lancée par Vincent Vivès et Caroline de Mulder, qui devait compter 11 volumes en 12 tomes, en est restée aux seuls Poèmes antiques (2011) et semble avoir été abandonnée. Le poète lui-même a renié ses oeuvres de jeunesse, en cela fidèlement suivi par ses exécuteurs testamentaires, et a souhaité se présenter devant l’éternité comme l’auteur des seuls quatre recueils canoniques. De ces derniers, l’édition la plus aboutie est celle, imprimée à 540 exemplaires par Lemerre en 1927-1928 (réimpression chez Slatkine en 1974) ; dotée, au quatrième tome, d’une centaine de pages de variantes signées par Jacques Madeleine et Eugène Vallée, d’une reproduction du frontispice du premier recueil de 1855, les Poëmes et poésies, ainsi que du fac-similé d’une lettre du poète datant de la fin de sa vie, où on le découvre familier et presque touchant, cette luxueuse série contient le texte définitif des Poèmes tragiques mais pas l’ombre d’une note et c’est tout juste si la préface, si importante, des Poèmes antiques, y a trouvé place. Préférable pour sa plus grande extension ainsi que son riche appareil de variantes, incluant la ponctuation, apparaît l’édition en quatre volumes d’Edgard Pich aux Belles Lettres, 1977-1978 ; le dernier tome, de 600 pages, comprend la totalité de la poésie de jeunesse et des proses présentant un intérêt littéraire et documentaire, à l’exclusion des traductions depuis le grec et le latin, des compilations collectives militantes auxquelles Leconte participa, et des « Articles, préfaces et discours » édités par Pich en 1971 chez le même éditeur (révision de sa thèse complémentaire ; le commentaire infrapaginal est très riche et d’une grande sûreté documentaire). Ce quatrième tome regorge de bonus, notamment des index très éclairants (la préface à ces derniers mérite le détour) et un listing des lettres de Leconte connues ou publiées. Cette édition a été reprise en cinq volumes grand in-8e chez Champion en 2011-2015, avec adjonction d’un commentaire perpétuel en seconde moitié de chaque tome ; ces notices sur chaque poème ou pièce en prose et ces notes résumant une vie de recherche sont de grande importance, notamment pour les parallèles poétiques français (la recherche des sources grecques ou romaines n’a pas été systématiquement tentée au-delà de la collation des acquis des recherches des érudits précédents, en particulier Alison Fairlie, mais en toute justice ce labeur ne pouvait être entrepris que par un classiciste de métier). Cette exégèse ne représente toutefois qu’un début ; par exemple, la pièce la plus longue des Poèmes antiques, Khiron, n’a pas été systématiquement colligée contre un poème d’inspiration, d’ambitions et de dimensions comparables que Leconte connaissait fort bien, à savoir l’Eleusis de Victor de Laprade, publié en 1839 (je recommande chaudement cette oeuvre trop oubliée, que l’on trouve dans ses Odes). Les introductions aux tomes II (Poèmes antiques) et III (Poèmes barbares) de Pich maior sont quelque peu idiosyncratiques, notamment les développements sur l’interpénétration entre présentation typographique et contenu, tout en souffrant d’un certain nombre de coquilles (relativement infréquentes ailleurs), et le prix extravagant exigé par Champion pour des ouvrages solides mais dénués de tout charme et d’une typographie à la limite de la pauvreté fait obstacle à leur diffusion. On consultera donc, de préférence, l’édition Vivès des Poèmes antiques, pour son index-glossaire élucidant la plupart des noms propres et son annotation infrapaginale de belle qualité qui, si elle ne manifeste pas la même maestria que chez Pich maior, débroussaille amplement le chemin au lecteur de cette poésie très allusive ; son prix accessible la rend plus attractive encore. Les deux petits tomes de la flaubertienne C. Gothot-Mersch chez Gallimard Poésies (Poèmes Antiques, Poèmes Barbares) présentent un intérêt infiniment moindre ; l’appendice explicatif de chacun d’eux est pauvre et très incomplet. Pour les besoins courants, les petites éditions Lemerre au format elzévirien des années 1880-1950 suffisent à prendre contact avec les oeuvres poétiques ; l’impression soignée et la belle présentation même dans les versions brochées de cette série mainte fois réimprimée importent quand on lit cet auteur qui attachait une importance certaine à l’expérience esthétique de la poésie, au delà du strict culte du Beau.

    Le livre capital pour débuter chez Leconte consiste dans la biographie sérieuse et appliquée de C. Carrère, Leconte de Lisle ou la passion du beau, Paris, Fayard, 2009 (révision d’une thèse doctorale) ; on ira voir ensuite l’ouvrage fondamental et toujours solide d’A. Fairlie Leconte de Lisle’s Poems on the Barbarian Races, Cambridge, 1947, magistrale étude des sources aussi bien classiques que contemporaines des Poèmes antiques où les connaissances n’étouffent pas la sensibilité littéraire et l’aisance technique. A la différence de la politique de Leconte (cf. De Mulder, « Leconte de Lisle, entre utopie et république », Amsterdam-New York, Rodopi, 2005), on manque encore d’une synthèse sur sa poétique ; beaucoup de détails figurent dans l’annotation, parfois surabondante (il n’est pas rare qu’elle occupe trois quart d’une page), de l’édition Pich des Articles, préfaces et discours, mais aucun travail d’ensemble n’a encore été tenté, à supposer qu’il soit possible à propos d’un corpus certes assez étroit mais d’une diversité plus grande qu’on imagine (cf. les oeuvres diverses et les juvenilia)..Je ne peux recommander la thèse de Pich Leconte de Lisle et sa création poétique, Lyon, 1975, exploration consciencieuse mais ardue (l’annotation très compressée et le texte assument trop volontiers de grandes connaissances chez le lecteur en fait d’histoire et de poésie de la seconde moitié du XIXe siècle) de la lente élaboration de ces deux recueils.

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