François Villon est un poète de la fin du moyen-âge (XVe siècle), et il en est, à mon sens, l’illustration typique.

Etudiant et malfaiteur, poète maudit, il est l’auteur des œuvres suivantes :

  • Le Lais
  • Le Testament
  • Ballade des pendus

Les premiers vers, célébrissimes, de la Ballades des pendus illustrent comme une poésie peut nous interpeller à travers les siècles :

Frères humains qui après nous vivez,
N’ayez pas vos cœurs durcis à notre égard,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous merci.
Vous nous voyez attachés ici, cinq, six :
Quant à notre chair, que nous avons trop nourrie,
Elle est depuis longtemps dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poussière.
De notre malheur, que personne ne se moque,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!

(…)

…Mais conformément aux souhaits des premiers contributeurs (ci-dessous), il faut plutôt le lire dans son français d’origine, non modernisé :

Frères humains qui après nous vivez,

N’ayez les cueurs contre nous endurciz,

Car se pitié de nous povres avez,

Dieu en aura plus tost de vous merciz.

Vous nous voiez cy attachez, cinq, six :

Quant de la chair que trop avons nourrie,

El est pieça devoree et pourrie,

Et nous, les os, devenons cendre et pouldre.

De nostre mal, personne ne s’en rie,

Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre.

Le poète est réputé ardu (?). Si vous avez de bonnes études sur le sujet, je suis preneur…

Edition(s) de référence :

  • Après premières discussions, l’édition du Livre de poche, collection « Lettres gothiques » a été proposée :

Villon, Poésies complètes, 7,10 €

Le texte est en français d’époque ; on peut voir à l’extrait ci-dessus qu’un peu d’attention permet de le lire sans difficulté.

Sur le site du Livre de Poche, il est précisé :

« Toute la page qui, dans les autres volumes de la collection, est occupée par la traduction est utilisée ici pour donner en regard du texte des explications continues que le lecteur peut consulter d’un coup d’œil sans même interrompre sa lecture. »

  • Pour ceux qui souhaiteraient s’aider d’une transcription moderne :

Bibliothèque de la Pléiade, Villon, oeuvres complètes, édition établie par Jacqueline Cerquiglini-Toulet, avec la collaboration de Laëtitia Tabard.

Un des plus fins volumes de la collection.

Edition « bilingue » : français moderne, agréable, et en regard français d’époque.

49,50 €, neuf

A vous de jouer maintenant !

Pour mémoire, l’édition citée est suivie de la mention [par défaut] qui apparaît s’il n’y a pas encore eu de discussion sur le sujet.

En commentaires, libre à vous de :

  • discuter des mérites et défauts des différentes éditions
  • de la place de l’auteur ou de l’oeuvre dans la culture de son temps
  • de l’importance de l’auteur ou de l’oeuvre pour un lecteur contemporain
  • de ce qu’il représente pour vous
  • des livres ou autres sources très recommandables pour comprendre l’auteur / l’oeuvre / son influence
15 réponses
  1. Szenes Domonkos
    Szenes Domonkos dit :

    Avis de simple lecteur, de passionné, de vieux compagnon de l’oeuvre villonesque, non autorisé et dépourvu de toute science : je déteste toutes les « transcriptions » des vers de Villon. Je suis pour le respect littéral de ses vers. Quitte à en faciliter la compréhension par l’annotation. A ce prix, l’effort de départ est bientôt récompensé, et la peine s’efface devant le plaisir.

    Même les éditions « bilingues » me révulsent, car, ne nous y trompons pas, la plupart des lecteurs ne liront que la « traduction ». Soit on considère que Villon écrivait en français et on n’a pas le droit d’y toucher, soit on considère qu’il écrivait dans une langue étrangère, et alors, oui, on peut le traduire. Mais il devient alors un auteur étranger, écrivant dans une langue morte, que plus personne ne lit dans l’original, sauf quelques spécialistes (espèce plus rare encore que celle des latinistes et des hellénistes).

    Villon, techniquement, n’est pas moins « difficile » que d’autres auteurs médiévaux, mais, contrairement à la plupart (sinon tous) il continue de nous parler, il demeure vivant, charnellement et humainement vivant. C’est en cela qu’il est unique et qu’il doit être respecté. A la lettre, je le répète.

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    • DraaK fut là
      DraaK fut là dit :

      Ne peut-on considérer la « transcription » (plutôt que la traduction) comme une note permanente ?

      Pour prendre une analogie avec un auteur véritablement étranger, Shakespeare : Je le lis en Français mais suis content de pouvoir me reporter à souhait au texte original pour en apprécier les sonorités (alors que je ne comprendrais rien au texte anglais en tant que tel).

      Ne peut-on faire l’inverse pour Villon : Faire l’effort de le lire dans le jus et avoir, quand même, la possibilité de se reporter à un éclaircissement quand le besoin s’en fait sentir ? Considérer la transcription comme une note de bas de page (en l’occurrence : une note de page de droite/gauche)

      Je vous rejoins sur le reste : la présence charnelle de Villon est assez impressionnante. Il chuchoterait à notre oreille qu’on ne le sentirait pas plus là.

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  2. Restif
    Restif dit :

    Et bien pour ne pas déroger à une vieille habitude qui s’est faite d’elle même, très naturellement, sans jamais porter atteinte à l/ma vérité, je suis pleinement d’accord avec Domonkos. En effet, Villon n’est pas Jean de Meung, son français, pourvu que l’annotation soit réellement à la hauteur, est tout à fait compréhensible, il ne s’agit que de prendre le temps de lire, puis de relire jusqu’à ce que clarté se fasse. Tout cela ne pose pas de problèmes en poésie, la relecture lui étant consubstantielle. Imaginez Apollinaire traduit en français de 2418, perdant sa cadence, ses rimes, son rythme même, quel massacre! Donc, Villon doit se lire « dans son jus ». Enfin, rien n’interdit de mettre en vis à vis le poème « traduit » du moyen français, cela peut-être utile. Mais en aucun cas il ne faut donner que ce texte traduit.
    Et puisque nous sommes sur ce site si utile et ouvrant de vastes perspectives à la discussion de notre passion, je me permets de faire part de ce qui est pour moi LA référence éditoriale pour Villon : Lettres gothiques, édition Claude Thiry. Mais le plus simple est que je cite in extenso (ça permettra d’aborder la collection Lettres gothiques en la serrant de plus près, je ne crois pas qu’elle me dénonce sur « balance ton porc », ce nom si charmant donné à l’organe de délation publique -peut-être (sans doute) nécessaire hélas) oui je disais donc que le plus simple est que je redonne ici un excellent commentaire de Géo sur la page Pléiade de Brumes que nous connaissons si bien et qui a su faire naître la belle initiative drakesque (Drakulesque?). Com’ qui était venu suite à mon évocation de Froissard. Comme quoi la fécondité des lecteurs brumiens (brumesques? c’est un peu laid non?) est chose établie. Mais l’honneur de la méticulosité revient tout entier à Géo. Voici le dit commentaire :
    « Même chose pour le Villon publié d’un côté par la Pléiade, et de l’autre par « Lettres Gothiques ». Lorsque j’ai su que le volume de Gallimard allait être proposé à la vente, j’ai immédiatement su que je ne l’achèterais pas, et que je resterais fidèle à l’édition des poésies de Villon que Claude Thiry a conçue pour Lettres Gothiques : l’introduction de 40 pages est bien faite, les notes sont détaillées et éclairantes, et, surtout, cette édition bannit la paresse : il n’y pas de traduction en français moderne (chose rare dans Lettres Gothiques, et encore plus rare dans les volumes violets de la Pléiade), ce qui fait que le lecteur doit se débrouiller seul face au texte médiéval, en prenant appui sur les excellentes notes de langue que Claude Thiry a ménagées aux côtés de chaque poème. Cette petite gymnastique est en fait très facile, et le lecteur peut ainsi lire Villon « en langue originale », si l’on peut dire.
    En fait, tout simplement, la Pléiade ne peut pas rivaliser sérieusement avec Lettres Gothiques : cette dernière collection peut publier des textes médiévaux très brefs (format poche oblige) que la Pléiade s’interdit, et je ne vois aucun volume bâclé dans la collection de poche (modèle de rigueur), alors qu’ils sont assez nombreux dans la collection de Gallimard. En 2012 Armand Strubel (l’éditeur du « Roman de Renart » dans la Pléiade) a donné à Lettres Gothiques une édition superbe de l’étrange et cinglant « Roman de Fauvel ». Ceux qui maîtrisent plus ou moins bien le français du début du XIVe siècle peuvent lire le texte médiéval sans avoir besoin de se reporter à la traduction.
    Lorsque les médiévistes recommandent à leurs étudiants d’université des éditions de textes médiévaux, ils citent en priorité Lettres Gothiques, et, à égalité, les très belles et très élégantes éditions blanc et rouge publiées dans la collection « Honoré-Champion-Classiques-Moyen-Âge ». Grâce à Jean Dufournet et à Claude Lachet, Garnier-Flammarion compte aussi des éditions indispensables. Mais les médiévistes ne citent presque jamais la Pléiade. (Souvenirs d’étudiant en lettres modernes qui année après année a toujours choisi en option la littérature médiévale.) Lettres Gothiques présente enfin un charme supplémentaire : ce sont très souvent des confrères étrangers qui présentent et traduisent les textes de notre Moyen-Âge, qu’ils admirent. Mais je pense que ce côté international de la collection a été voulu dès le départ par M. Zink, le chef de la collection. » Géo

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    • Szenes Domonkos
      Szenes Domonkos dit :

      Pour ce qui me concerne (vu le caractère fumeux de ma pensée) le mot « brumeux » me conviendrait. A moins de créer une étude de la matière « brumisante » (histoire de faire passer un vent de fraîcheur sur ces austères études), sans compter que cela ajouterait un nouveau sens, enrichissant, au terme « brumisateur »…
      Et non, la délation ne peut pas – jamais, en aucun cas – être un bien ; un mal pour lutte contre un autre mal, il y a longtemps qu’on ne me la fait plus !

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    • DraaK fut là
      DraaK fut là dit :

      Maintenant que vous le dites, j’ai une très bonne image des Lettres Gothiques et un excellent souvenir de leurs « chansons de trouvères ». Me conseilleriez-vous, d’une manière générale et au-delà de Villon, de modifier la collection [par défaut] en l’absence de discussion et préférer les Lettres Gothiques pour la période du moyen-âge ? (Voyez, Restif, comme je suis moins pléiadophile que vous l’avez cru ; ou comme mes amours sont changeantes).

      DraaK ne s’adjective pas, sauf peut-être par une modulation de l’intonation du double « aa », qui peut s’allonger un peu en un « Drahaak » ; mais il faut accompagner ce râle par un regard plein d’effroi ; ce qui se rend mal à l’écrit.

      Je pensais que « brumesque » était validé (comme dans l’expression « Grâce brumesque »), mais j’ai pu me tromper.

      Je prendrai le temps demain de mettre à jour l’article « Villon » pour, au moins, proposer les deux éditions ; au choix selon la paresse et les goûts du lecteur. Le site « propagerlefeu.fr » trouve ici pleinement sa justification : non pas décréter la meilleure édition, mais indiquer les critères de choix. Merci à vous.

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  3. Restif
    Restif dit :

    Allons Domonkos, vous voyez bien que j’ai pris de considérables précautions. Il n’empêche : si certaines victimes peuvent arriver à mettre fin à leurs souffrances grâce à ce hashtag et bien que voulez-vous, ce sera un bien. Et je ne suis pas certains que nous soyons en face DU MAL. La délation est une abomination, certes, mais porter plainte, non. Et il y a des personnes qu’il faut pousser à porter plainte, semble-t-il. Je n’ai sans doute pas votre éthique en béton armé renforcé d’adamantium. En même temps, une grande part de moi va dans votre sens. C’est inconfortable…
    Très cher DraaK, vous avez bien raison : brumesque est désormais attesté, comme dans l’exemple que vous avez donné et qui ne m’a nullement choqué à l’époque, bien au contraire. Conservons donc ce néologisme précieux. C’est pour moi chose entendue. J’en viens maintenant à ce qui vous intéresse vraiment : les éditions Lettres Gothiques comparées à La pléiade. Et bien je vais, non tel le chien s’en retournant à son vomissement mais tel le gourmet s’en revenant à son foi gras (souvenir des fêtes) citer tout bonnement à nouveau GEO, qui en sait plus que moi étant donné qu’il a pu comparer les deux éditions, Pléiade et Lettres Gothiques et que de plus il me semble bien qu’il possède plus de volumes que moi de cette noble collection de poche si admirablement dirigée et qui s’évertue avec pleine réussite à l’excellence. Adhonc, GEO :

    « La pléiade violette « Historiens et chroniqueurs du Moyen-Âge » est l’une de celles qui méritent le moins à mon sens d’être encore proposée à la vente dans les librairies. Le problème n’est pas que ce soit une vieille édition de 1952 : les volumes émeraude Dostoïevski datent eux aussi des années cinquante, mais, s’ils sont très loin d’être parfaits, aucun d’entre eux n’est sans mérites (…) Mais je reviens à « Historiens et chroniqueurs du Moyen-Âge » : le travail d’Albert Pauphilet a beaucoup vieilli, et cette édition ne présente même pas ce que l’aficionado de la Pléiade est en droit d’attendre de la collection : des notices et des notes dignes de ce nom, même si elles prennent la forme d’un appareil critique amaigri (tendance actuelle de la collection).
    Il y a un an je me suis posé la question. Acheter cette pléiade, ou bien une autre édition ? Au fond c’était là une fausse interrogation – je connaissais déjà la réponse. Pour ce qui est de « La conquête de Constantinople » de Villehardouin, je me suis donc détourné de la vieillotte Pléiade Pauphilet pour me reporter sur l’édition Garnier-Flammarion préparée par Jean Dufournet (aux dires de ses confrères médiévistes le plus grand spécialiste francophone de la littérature du Moyen-Âge de ces dernières décennies). C’est une excellente édition moderne (comme il a toujours su les concevoir), avec une introduction d’une trentaine de pages, un texte médiéval impeccablement toiletté, une traduction en français moderne simple et sûre, trente pages de notes de langue aussi précises que savantes, une chronologie détaillée et un index explicatif fourni. Puisque une édition comme celle-ci existe, pourquoi faire encore l’acquisition de la Pléiade Pauphilet ? La réponse m’a été donnée par deux lecteurs d’un certain âge qui m’ont dit : « Dans cette Pléiade il y a cinq livres en un » (Clari – Villehardouin – Froissart (extraits) – Joinville – Commynes). En conclusion, chez certains lecteurs, le côté « compact » de l’édition l’emporte sur la qualité d’édition des textes (Joinville et Commynes étant fort bien édités dans « Lettres Gothiques », et Clari figurant dans le catalogue des très élégants Classiques du Moyen-Âge publiés par les éditions Honoré Champion).
    J’ignore si, lorsqu’il a proposé à la Pléiade un ensemble de volumes représentatif de la littérature médiévale, Daniel Poirion a inclus dans sa liste une refonte du Chroniqueurs-Pauphilet, aux côtés des volumes consacrés à Chrétien de Troyes, au cycle du Graal, et à Tristan et Yseut (entre autres). Une telle refonte est en tout cas souhaitable. » GEO

    Un mot en marge du moyen-âge, mot que m’inspire mes plongées dans les plus vertigineuses profondeur de la littérature : Kafka. Kafka que je crois le plus étonnant écrivain qui nous ait jamais été envoyé. Je viens de relire « Le procès » et je dévore (enfin) le Journal -traduction Marthe Robert- et je suis halluciné d’admiration. D’ailleurs ce n’est pas le mot juste. Plus que d’admiration il faudrait parler d’un sentiment très fort d’atteindre à quelque chose qui me touche au plus vif de l’être. M’expliquer plus demanderait trop de temps et de travail, aussi vais-je me recentrer sur la Pléiade. Car il existe indéniablement un problème dans l’édition dite intégrale des œuvres de Kafka en Pléiade, problème lié essentiellement à la traduction. J’ignore ce qu’il en est de l’établissement des textes, mais je sais qu’on a sorti un nouveau « Procès » construit de manière différente et réintégrant des chapitres habituellement donnés en appendice comme « chapitre inachevés ». Et je crois savoir que le même travail se prépare pour d’autres œuvres de Kafka, sans en être certain, c’est à vérifier -ce sera à l’occasion d’une note « éditions de Kafka » ^^. Mais le point capital reste la traduction, Vialatte a pointé l’extraordinaire travail de l’écrivain sur la langue allemande, je le cite :
    « Ainsi a-t-il fait de l’allemand(… ) Non qu’il déforme l’allemand, : tout au contraire, il lui rend sa figure, il le débarrasse de ses crasses et de ses emphases, de sa mauvaise conscience, il le rend enfin à lui-même. Il le transmute, il en fait un allemand de juste, si scrupuleux, si sûr, si modeste et nettoyé qu’on ne le reconnaît pas.(…) D’une langue enflée, gothique, baroque, il a fait un instrument de prospection tranchant. Il dote l’Europe d’une langue nouvelle. D’une pertuisane, il a fait un bistouri ». Alexandre Vialatte .
    J’en profite pour défendre ces traductions de Vialatte si attaquées. D’abord, selon Bernard Lorthorary lui-même « Vialatte – qui reste celui qui a permis au public français de découvrir Franz Kafka avant même les Allemands, et pour cause, puisque sa première édition remonte aux prémisses de l’arrivée au pouvoir des nazis –  » (L’humanitéfr 9/7/96. ). Certes, ces traductions portent forcément la marque de leur époque, quoi que ce ne soit pas si visible. C’est sans doute la ponctuation qui serait le plus à revoir, car Kafka, selon Marthe Robert, faisait de plus longues phrases qu’on ne le pense, trop souvent coupées pour franciser le texte. Mon plus gros reproche, c’est une omission trouvée en comparant les traductions de Vialatte et de Lorthorary de « La colonie pénitentiaire » ‘(« Dans La colonie pénitentiaire « pour Lorthorary). A un moment du texte, le garde est dit  » à genoux » chez Lorthorary, ce que Vialatte omet totalement. Or en cas d’une sérieuse étude du texte, ce « détail » pourrait prendre une grande valeur annonciatrice du retournement final. Le condamné libéré est debout, son gardien à genoux. Bon, il me semble qu’il y a là quelque chose d’interprétable, ne serait-ce que sur le plan de la gestuelle des personnages, toujours capitale chez Kafka. Un effet de comique est gommé ajouterai-je. Voilà. D’après mes lectures, très loin d’être complètes, il semble bien que la meilleure édition (traduction) de Kafka soit aujourd’hui en poche, en GF-Flammarion. Bernard Lortolhary fait un travail de traduction qui m’apparaît indispensable, même si je continue de penser qu’on peut de manière fort viable découvrir Kafka par Vialatte. Mais la traduction de Lortolhary semble vraiment plus scrupuleuse, peut-être, comme il le dit lui-même, parce qu’il n’est pas écrivain. Enfin, à part cette omission (qui m’en fait craindre d’autres) les deux traductions sont quand même assez proches, et on sait ce qu’on doit aux écrivains dans l’art de la traduction. Quand même, Lortholary, lors du test de la lecture à haute voix, l’emporte à mon avis. Certes, on ne lit plus à haute voix comme du temps de Saint Augustin, mais la meilleure rythmique semble celle du dernier traducteur. Et puis on sait bien que les traductions exigent d’êtres rafraîchies au bout de plus de soixante ans…

    Ah, mon cher Draak, une question : vous avez dit avoir été étonné par la qualité d’une traduction du monologue d’ Hamlet qui vous révéla que Desprat n’était pas le maestro incomparable que vous pensiez. De qui était cette traduction? J’avoue que j’apprécie énormément celles de François Marie Hugo. Dans les modernes, Pierre Leyris (Aubier) est à mes yeux un des meilleurs « passeurs » qui soit. D’ailleurs, avant la mode partie du théâtre pour lequel travaillait Desprat (or n’est-ce pas on lit les pièces…) je suis certain qu’il aurait eu un rôle capital dans une nouvelle édition Pléiade de Shakespeare.

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  4. DraaK fut là
    DraaK fut là dit :

    Restif, étiez-vous l’élève agité au fond de la classe ? Je copie-collerai votre commentaire sur Kafka dans la page idoine que je m’empresserai d’ouvrir.
    Je réponds à votre question finale… dans la page Shakespeare.
    Il faudra penser à inviter Geo à participer.

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  5. Ben
    Ben dit :

    J’ai feuilleté quelque « Lettres gothiques » récemment, et son papier grisâtre m’avait un peu rebuté, mais peut-être étais-je tombé sur un mauvais exemplaire ?

    Je pense comme vous que « à partir de Villon », on peut demander au lecteur un effort minimal et ne donner que le texte original, avec des notes et idéalement aussi un lexique/glossaire auquel se reporter. Par contre, « avant Villon », et pour le grand public du XXIe siècle, une modernisation du texte est à mon avis nécessaire.

    Je réagis à une réflexion plus haut sur la proximité de Villon, « contrairement à la plupart (sinon la totalité) » des auteurs médiévaux. Je pense que parmi les médiévaux restés proches de nous, on peut ajouter ce pauvre Rutebeuf.

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    • DraaK fut là
      DraaK fut là dit :

      Ben, je crois que le papier grisâtre (comme la couverture grise) est le propre de la collection.
      Je note « Rutebeuf » dans un coin de mon cerveau : bonne idée.

      Répondre
    • Domonkos Szene
      Domonkos Szene dit :

      Rutebeuf, oui, et quelques autres, mais en général il s’agit de parties qui se distinguent du reste de l’oeuvre par la résonance qu’ils ont encore à nos oreilles (et nos coeurs) « modernes ». Mais, par exemple, en ce qui concerne Rutebeuf, pour quelques pièces qui se peuvent lire (et même chanter) aisément et nous atteindre directement, il y a de longs pensums absolument inabordables sans s’être tout d’abord fortement équipé et armé.

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  6. Restif
    Restif dit :

    Je propose une nouvelle édition pour Villon, juste afin d’augmenter les choix évidemment. J’en donne directement ce que j’ai prélevé dans le catalogue Honoré Champions : François Villon
    . François Villon :
    Lais, Testament, Poésies diverses
    . Édition bilingue. Publication, traduction, présentation et notes par Jean
    -Claude Mühlethaler. Avec Ballades en jargon. Édition bilingue. Publication, traduction, présentation et notes par Éric
    Hicks.N° 10. 2004. 472 p. 9782745309693. 12 €

    J’en profite pour dire que je suis d’accord avec Ben touchant Rutebeuf. J’ai le bonheur de posséder ses Œuvres complètes précisément en Lettres Gothiques. Mais Domonkos a raison, des parties entières peuvent nous échapper : les poèmes faisant allusion à la lutte entre ordres mendiants et ordres « classiques ».La vie de Sainte Marie l’égyptienne…Et puis la langue est autrement ardue que celle de Villon. Enfin, il y a chez Villon un ton tout neuf, quelque chose qui à mon sens marque l’irruption dans notre poésie d’une manière nouvelle de se dire.

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  7. Neo-Birt7
    Neo-Birt7 dit :

    Pour ceux qui souhaitent se colleter directement avec le français villonien sans passer par le filtre d’une paraphrase ou d’une traduction, l’édition Thiry, aux Lettres Gothiques, constitue le premier choix, avec sa modernisation graphique discrète et son annotation perpétuelle bien conçue ; une alternative plus frugale, mais de grand intérêt, est le Villon des Classiques Garnier (1ere édition, 1951), où chaque mot difficile est glosé dans les marges ou l’interligne – la meilleure réimpression est celle assumée par Jean Dufournet en 1970, qui a ajouté une soixantaine de pages de préface et d’essai biographique). Pour les lecteurs courageux, le texte, mal constitué et surtout arrimé à un appratus criticus ne méritant guère la confiance, a été entouré d’une introduction de 157 pages (volume I) ainsi que d’un très vaste commentaire (vol. II-III : 658 pp. en pagination continue, plus un appendice sur le jobelin, un index des noms propres et des matières, un glossaire fourni, également copieux) par Louis Thuasne dans son édition Picard de 1923 ; malgré les critiques acerbes des villoniens ultérieurs qui, à juste titre, n’ont pu admettre que le poète était un esprit par dessus tout livresque et un fanatique des sources écrites (Siciliano en particulier s’est acharné sur Thuasne), ce travail demeure le magasin commun auquel les spécialistes empruntent, souvent sans le citer, depuis un siècle le plus clair de l’érudition primaire mobilisée par eux. On exploitera le mieux Thuasne en partant de l’édition commentée de Jean Rychner et Albert Henry, capitale malgré son format très réduit (Genève, Droz, 1974-1977, 5 vol.) ; le texte y est si remarquablement établi qu’il fonde, à quelques détails près, toutes les traductions et éditions ultérieures, à une seule exception près (l’édition du Lais par Di Stefano, intéressante mais pas très convaincante et du reste introuvable presque dès sa parution), tandis que, mariant la concision, la pénétration et l’intelligence, le commentaire renouvelle jusqu’à l’étude du vocabulaire stabilisée par l’excellent  » Lexique de la langue de Villon précédé de notes critiques pour l’établissement du texte » d’André Burger (Genève, Droz, 1957).

    La traduction bilingue que l’on peut considérer comme la meilleure est celle de Mühlethaler (avec Hicks pour les Ballades en jargon) dans la collection de demie-poche de Champion mentionnée plus haut ; elle comporte un commentaire perpétuel qui soutient souvent la comparaison avec celui de Rychner-Henry. Une version ressemblant davantage à une paraphrase explicative, par là-même fort utile, et soutenue par une annotation qui a le mérite d’un robuste bon sens étayé par de grandes connaissances linguistiques, a été confectionnée par André Lanly qui l’a remaniée et tenue au courant pendant plus de vingt ans (Champion, 1969, 2 vol. ; édition finale, avec le texte, 1991). Je trouve moins utile l’édition Dufournet à l’Imprimerie Nationale (1984) puis en GF ; si l’introduction et les notes manifestent l’esprit subtil, tranchant et imaginatif de cet immense médiéviste, beaucoup moins pédestre que Thuasne, Lanly, Thiry même, sa version française aménage l’original qu’elle transporte le moins possible dans notre langue contemporaine afin d’en conserver la densité poétique, si possible la versification, bien davantage qu’elle le translate, confinant de la sorte parfois à la trahison philologique (« mais où sont les neiges d’antan ?, » laissé tel quel, accrédite dans l’esprit du lecteur la valeur moderne de la locution « d’antan » alors pourtant qu’elle signifie « de l’année dernière, de l’an précédant »). La Pléiade de Mme Cerquiglini-Toulet est l’édition bilingue à mon avis la moins réussie de toutes, en partie pour les mêmes raisons : comme Dufournet, la traduction se veut esthétique plutôt que philologique, l’érudition étant rejetée dans l’annotation, or cette dernière, trop souvent personnelle à un escient disproportionné par rapport à l’expertise villonienne de l’éditrice, manque de solidité et même de familiarité avec certains outils basiques (le « Dictionnaire érotique. Ancien Français, Moyen Français, Renaissance » de Rose Bibler, Montréal, CERES, 2002, grand in-4°, un ouvrage certes difficile à se procurer, n’a pas été exploité).

    Pour la biographie villonienne, depuis une quarantaine d’années environ, la mode est au scepticisme le plus complet ; les travaux majeurs en la matière sont l’oeuvre de Gert Pinkernell (« Franc̦ois Villon. Biographie critique et autres études », Heidelberg, Winter 2002), aveuglément suivi dans l’introduction de la Pléiade, certains spécialistes, comme Mûhlethaler après Dufournet, manifestant à l’occasion un nihilisme moins poussé. Une exposition poussée des conditions de vie à l’époque et de beaucoup de res villionianae se trouve dans le très gros « François Villon, sa vie et son temps » de Pierre Champion, fils de l’éditeur Honoré Champion et médiéviste en renom (2 vol. in-quarto, Paris, Champion, 1913 ; 2e édition, 1933 ; réimpr. 1967). Pour la poétique, une besogne énorme, souvent assez spéculative mais toujours fort éclairante, a été abattue par Dufournet dans les deux moutures de ses « Recherches sur le Testament de François Villon » (préférer la seconde, « revue et augmentée », chez SEDES, 1971-1973, 2 petits vol.), puis dans ses « Nouvelles recherches sur Villon », Paris, Champion, 1990, et ses « Dernières recherches sur Villon », ibid., Champion, 2008. Encore plus important est le « François Villon et les thèmes poétiques du Moyen-Âge » d’Italo Siciliano (Paris, Colin, 1934, réimpr. Nizet, 1971), dont les 600 grandes pages très touffues balisent toute la littéraire médiévale pertinente, offrant plusieurs synopses grandioses sur les lieux communs traités par Villon (l’étude sur la mort, par exemple, reste très impressionnante même aujourd’hui) ; les explications de textes villoniens proprement dites sont assez décevantes, mais honorables par rapport à ce que certains articles savants modernes proposent. Je ne peux recommander la thèse de David Kuhn « La poétique de François Villon », Paris, Colin, 1937, reproduite sous le nom de D. Mus en 1992 chez un petit éditeur, qui fut mal reçue à l’époque ; encore moins celle, trop massive (1175 pages !) et d’une qualité proportionnée à son immaturité philologique et textuelle, d’Odette Petit-Morny « François Villon et la scholastique », Lille, 1977, 2 vol. en tapuscrit (la dénonciation très sévère qu’en fit Rychner demeure en deçà de la vérité ; du Thuasne sans les connaissances, l’expérience, et disons-le ; le talent).

    Répondre
    • Neo-Birt7
      Neo-Birt7 dit :

      ERRATA

      Le Dictionnaire québécois cité est celui de Bidler (le français de ses gloses explicatives est d’ailleurs assez savoureux dans sa pruderie et ce que nous autres métropolitains appellerions son provincialisme : elle parle ainsi de « coïter », « faire l’action charnelle », « faire la chose », « foutre », sans que les raisons de ces écarts se laissent deviner par rapport aux mots et locutions médiévales ainsi définies, dit « les génitoires », « la verge virile », etc).

      La thèse de Kuhn date bien sûr de 1967.

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