L’article entier ainsi que l’iconographie sont de notre ami Lombard. Qu’il soit une fois de plus remercié pour ce travail passionné.

Jaroslav Hašek est né à Prague en 1883. Après une enfance difficile dans une famille pauvre, à treize ans il perd son père, victime de problèmes d’alcool. Deux ans plus tard Hašek quitte le collège mais finit par reprendre quelques études. Après l’obtention d’un diplôme, il entre à dix-neuf ans dans une banque de laquelle il se fait rapidement renvoyer en raison de ses propres problèmes d’alcoolisme.

Il devient alors anarchiste activiste et écrit dans la presse politique. Devenu rédacteur en chef d’un périodique anarchiste, il collabore également à plusieurs journaux politiques et satiriques et devient un feuilletoniste renommé dans les milieux praguois. En 1911 il fonde le parti politique, le « Parti du lent progrès dans les limites de la loi » (Stranu mírného pokroku v mezích zákona).

Il se marie à Jarmila Mayerován, jeune femme écrivain avec qui il a un enfant. Mais il ne réussit pas à se ranger et sa femme le quitte rapidement. À l’instar de son héros Švejk, Hašek se livre entre autres à un trafic de chiens bâtards volés pour lesquels il crée de faux pedigrees afin de les revendre comme chiens de race ! À la suite d’une tentative de suicide ratée – il voulait se jeter d’un pont -, il passe quelques temps en asile psychiatrique.

En 1915 Jaroslav Hašek est finalement enrôlé dans l’armée autrichienne en 1915 et affecté au front de Galicie. Il sert ensuite en Bohème et en Hongrie. À la suite d’une attaque de l’ennemi, il se rend à l’armée russe ; il est incarcéré dans des camps de prisonniers en Ukraine puis dans l’Oural. À la faveur de la Révolution russe de 1917 qui met fin à la guerre sur le front de l’est, il est libéré. Il s’engage alors dans la légion tchèque puis il intègre l’armée bolchévique comme commissaire politique. Il en profite pour se marier – sans toutefois avoir divorcé de son premier mariage.

En 1920 Jaroslav Hašek revient à Prague, dans la nouvelle Tchécoslovaquie, où il ramène sa nouvelle épouse et reprend son activité politique. Il entreprend l’écriture des aventures du brave soldat Švejk, le personnage qu’il avait créé avant-guerre pour une série de nouvelles. Prévu en six parties six volumes, le projet est ambitieux, mais après avoir achevé les trois premiers volumes, Hašek décède en 1923 de tuberculose aggravée par l’alcoolisme.

Outre les trois volumes des aventures de Švejk, Jaroslav Hašek a écrit plusieurs titres disponibles en français, parmi lesquels Aventures dans l’Armée rouge paru aux éditions de La Baconnière qui relate son expérience soviétique, ainsi que l’Histoire du Parti pour un progrès modéré dans les limites de la loi disponible chez Fayard (la couverture ci-dessus provient du site de l’éditeur).

  • Les Aventures du brave soldat Švejk pendant la Grande Guerre (Osudy Dobrého vojáka Švejka za první světové války)

 

La genèse de Švejk est entrée dans la légende : une nuit de 1911, en pleine ivresse, Jaroslav Hašek couche sur le papier les premières lignes d’un futur roman. Le lendemain, dégrisé, il ne retrouve plus ses notes ; il finit par dénicher quelques idées éparses griffonnées sur des bouts de papier qu’il a jetés au charbon. Il se met alors à dicter à son épouse le texte des toutes premières nouvelles qui paraîtront avant-guerre et dont on a aujourd’hui perdu la trace. Le projet des aventures Švejk en roman ne verra le jour que douze ans après.

Švejk est un héros dont personne n’a jusqu’à aujourd’hui pu lever l’ambiguïté : du personnage simplet des nouvelles d’avant-guerre, Jaroslav Hašek a tiré un être à part dont on ne saura jamais s’il est très intelligent ou complètement idiot. Le premier volume sous-titré « À l’arrière » décrit les mésaventures de Švejk parmi les soldats réquisitionnés par l’armée austro-hongroise : toutes les institutions sont passées au vitriol, des prisons militaires aux hôpitaux psychiatriques en passant par les aumôniers de guerre et les gradés à l’arrière. Si le fond historique et autobiographique est sinistre, la forme est joyeuse. Le style de Jaroslav Hašek est simple et son humour un peu pince sans rire s’apparente parfois à celui de Charles Dickens.

On pense à Fenouillard, Pickwick ou au Sapeur Camembert quand Švejk semble traverser la grande Histoire en une suite de péripéties tragi-comiques sans sourciller ni se départir de sa bonne humeur. Chaque situation rappelle à Švejk une anecdote ou un personnage familier dont il cite à loisir les aventures. Son apparente inconscience des situations et sa simplicité le font passer aux yeux de tous pour un parfait imbécile ; ses réactions sont si désarmantes qu’il parvient semble-t-il malgré lui à éviter le pire. Si le personnage paraît naïf, les exégètes s’accordent à dire qu’il n’est pas innocent : il sait en effet parfois se montrer roué, parfois menteur, malhonnête, un peu mystificateur, voire mythomane. Au-delà du témoignage historique et des réflexions sur les horreurs de la guerre, le décalage permanent entre la gravité des situations et les réactions de Švejk à « l’humeur égale et au tempérament inaltérable » engendrent toujours le rire.

Bien que Franz Kafka et Jaroslav Hašek soient contemporains – et morts à un an d’intervalle -, ils ne se sont jamais rencontrés. Par un curieux hasard de l’histoire, c’est Max Brod, l’écrivain qui a préservé les œuvres de son ami Kafka et les a fait connaître au grand public, qui prendra la défense des aventures Švejk contre ses détracteurs. Du vivant de Hašek la critique ne s’est pas montrée très tendre avec des romans auxquels on reprochait d’être écrits en langue vulgaire. Max Brod montrera sous un nouveau jour les aventures de Švejk qui vont alors être traduites d’abord en allemand puis devenir célèbres jusqu’à être considérées aujourd’hui comme l’une des œuvres maîtresses de la littérature tchèque.

Qualifiées parfois de collage à la façon des épisodes de feuilletons dont Hašek s’est fait une spécialité, les aventures de Švejk sont aussi comparées à un roman picaresque. Il y a de la satire, de la poésie et de l’héroïsme dans cette œuvre pratiquement inclassable. Les Aventures du brave soldat Švejk pendant la Grande Guerre c’est également un divertissement, un roman praguois, une œuvre de l’après-guerre, un divertissement et un classique de la littérature auquel Bertold Brecht rendra hommage en 1965 avec sa pièce Schweyk dans la Deuxième Guerre mondiale, que Jiří Trnka mettra en scène et que plusieurs réalisateur porteront à l’écran avec un succès tel qu’en son pays les films narrant les aventures de Švejk sont aujourd’hui plus connus du grand public que les romans originaux.

Jean Boutan, directeur de la nouvelle édition française de 2018, présente ainsi le premier tome : « Chef-d’œuvre de la littérature tchèque, […] cette satire de l’autorité […] et de la bêtise universelle rassemble expériences vécues et choses entendus, que l’auteur amplifie par collage, comme dans les grands romans de la modernité au XXe siècle. »

Quant à Milan Kundera, il a écrit dans L’Art du roman : « Le brave soldat Švejk est peut-être le dernier grand roman populaire ».

  • Traductions françaises et adaptations des Aventures du brave soldat Švejk

La traduction originale française du premier tome date de 1932. Connue sous le titre Le brave soldat Chvéïk, elle est due à Jindřich Hořejší. Elle est toujours rééditée et disponible chez Gallimard dans la collection Folio classiques.

Si elle a eu le mérite d’être la première, selon Benoît Meunier la traduction de Jindřich Hořejší n’est pas exempte de défauts : « Les gens qui ont lu la version originale savent que la première traduction française était problématique, ne serait-ce que celle du premier volume – celui dont nous parlons. Cette première traduction a été réalisée en 1932 par Jindřich Hořejší et il y avait des problèmes à différents niveaux. D’abord parce qu’il a fait des petites coupes dans le texte et qu’il a brodé à certains endroits ; autant de libertés qu’un traducteur ne se permettrait plus aujourd’hui. Le ton des personnages n’était pas unifié et l’argot choisi à l’époque a beaucoup vieilli, ce qui fait qu’on ne comprend plus certaines choses aujourd’hui. Cette traduction a son charme, mais je pense qu’elle dessert l’œuvre. C’est d’ailleurs peut-être pourquoi les Français n’ont pas accroché autant que d’autres à Švejk. ».

La traduction de référence actuelle est celle de Benoît Meunier, publiée en 2018 à l’occasion de l’anniversaire des cent ans de la République Tchèque.

Cette traduction est disponible chez Gallimard dans la collection Folio Classiques sous le titre Les Aventures du brave soldat Švejk pendant la Grande Guerre, Livre Premier : A l’arrière.

Jamais réédité en français depuis la traduction de 1932, la nouvelle traduction rétablit enfin la graphie originale « Švejk » alors que depuis près d’un siècle c’était l’écriture phonétique « Chvéïk » qui prévalait.

Le traducteur indépendant Benoît Meunier vit à Prague où il enseigne le français et traduit des auteurs tchèques comme Patrik Ouředník, Michal Ajvaz, Jaroslav Hašek, Bohumil Hrabal ou encore Karel Čapek. Benoît Meunier a présenté sa nouvelle traduction au Centre tchèque à Paris. L’enregistrement de l’entretien complet est disponible sur le site de Radio Prague International. Dans son interview, Benoît Meunier établit notamment un parallèle entre Jaroslav Hašek et Frank Kafka.

Pour sa traduction, Benoît Meunier s’est basé sur une version du texte original sortie en 1968, « la meilleure édition ; une édition semi-critique avec des notes […] et un apparat critique nécessaire ». Dans un entretien accordé à Radio Prague International il évoque son travail : « Bien qu’amusante, cette traduction a d’abord été un grand défi. L’idée de base était de parvenir à rendre le ton des différents personnages de façon à ce que les répliques sonnent juste, car l’élément oral et théâtralisé du livre est essentiel. Techniquement, il y a aussi beaucoup de vieux mots que les Tchèques aujourd’hui ne connaissent pas forcément, beaucoup de vocabulaire militaire en lien avec la monarchie austro-hongroise. Et puis il y a énormément de mots allemands et de germanismes, sans oublier cette langue étrange et un peu particulière. »

L’édition est dirigée par Jean Boutan, normalien d’origine franco-tchèque, agrégé à la Sorbonne où il a enseigné la littérature tchèque.

La traduction de Benoît Meunier et la direction éditoriale de Jean Boutan présentent toutes les qualités requises pour une future édition en Pléiade, d’autant que Jaroslav Hašek est édité chez Gallimard.

Ce sont bien les choix de traduction, la recherche éditoriale, la suppression des oublis et erreurs passés et tout  le travail considérable effectué par Benoît Meunier qui nous conduisent à considérer cette version comme la meilleure traduction et l’édition française de référence de Švejk, peut-être notre première édition de référence en livre de poche.

Dans cette édition sont reproduites une grande partie des illustrations que Josef Lada avait dessinées pour l’édition originale. Le trait, typique des dessins de presse de l’époque, reste simple, presque stylisé à la limite de la caricature. Dans l’esprit on pense parfois à la Bécassine de Pichon, cousine lointaine et involontaire d’un Švejk dont la naïveté serait le seul trait de caractère qu’il aurait hérité de ses aventures d’avant-guerre.

Les deux tomes suivants ont été traduits par Claudia Ancelot.

  • Nouvelles aventures du brave soldat Chvéïk, le second tome traduit en 1967 est disponible chez Gallimard dans la collection Folio classiques. Une première traduction par Nicolas Aranyossi avait été publiée à la NRF en 1932. (Voir ci-dessous pour un commentaire détaillé.)
  • Dernières aventures du brave soldat Chvéïk, le troisième volume traduit en 1980, est également paru chez Gallimard dans la collection L’imaginaire.
  • Les Nouvelles aventures du brave soldat Chvéïk (Osudy dobrého vojáka Svejka)

La traduction originale française du deuxième tome des aventures de Švejk est parue chez Gallimard en 1932 sous le titre Les nouvelles aventures du brave soldat Chvéïk. Due à Aranyossi, cette traduction a notamment été rééditée en 1963, mais il a fallu attendre 1971 pour qu’une nouvelle traduction voie le jour.

La traduction de référence actuelle, disponible chez Gallimard dans la collection Folio, est celle de Claudia Ancelot, romancière et traductrice d’origine polonaise, à qui l’on doit notamment les traductions françaises de référence de grands auteurs tchèques du XXe siècle comme Bohumil Hrabal (l’auteur de Rencontres et visites, Les Noces dans la maison, La Chevelure sacrifiée, Vends maison où je ne veux plus vivre, Lettres à Doubenka, Peurs totales… considéré comme « l’héritier » de Hašek)  Karel Capek (La Guerre des salamandres)  et Ivan Klíma (Amour et ordures). Claudia Ancelot a également traduit des œuvres de Josef Skvorecky, Avigdor Dagan, Vaclav Havel, Vladimir Páral ou Jiří Gruša. Son style est très direct, assez plaisant – voire truculent, et il semble assez bien transcrire l’esprit de Jaroslav Hašek. Cependant, il subsiste de nombreuses lacunes, notamment les innombrables passages en allemand non traduits et sujets à des renvois de bas de page, ainsi qu’un vocabulaire parfois approximatif que l’on ne devrait pas retrouver chez un francophone de naissance.

À l’opposé, Benoît Meunier, à qui l’on doit la toute dernière traduction du premier tome, est reconnu pour avoir permis « de redécouvrir l’œuvre, avec tous ses registres de langue, ses germanismes, ses étrangetés langagières [et] son argot plus ou moins vieilli » (Linda Lê). On se prend donc à rêver d’une nouvelle traduction des deuxième et troisième volumes des aventures de Švejk par Benoît Meunier.

  •  Adaptations des Aventures du brave soldat Švejk

1/ Au théâtre

  • Schweyk dans la Deuxième Guerre mondiale, pièce de Bertold Brecht montée en 1965, sur une traduction de Louis-Charles Sirjacq. Le livret de la pièce est disponible aux éditions de l’Arche (Paris, 2005).
  • Švejk : based on The Good Soldier Švejk and his Fortunes in the Great War, pièce mise en scène par Colin Teevan. Le livret original anglais est paru aux éditions Oberon Books (Londres, 1999).
  • Le brave soldat Chveik s’en va-t’au ciel, adaptation française et mise en scène de Sotha au Café de la Gare, avec Philippe Manesse, Manon Rony, Patrice Minet, Jérémy Manesse, Jean-Michel Gratecap, Timothée Manesse, Thomas Rouxel et Sotha. Captation en 2002, mise en ligne gracieuse par l’équipe du Café de la Gare pendant le confinement. Une curiosité pas très fidèle au texte, bien dans l’esprit anarchiste de Romain Bouteille et Sotha, en forme d’hommage contemporain à Jaroslav Hašek :
    https://www.youtube.com/watch?v=qKoS6liOdoo&t=4s

2/ Au cinéma et à la télévision

  • Dobrý voják Švejk de Karel Lamač, avec Karl Noll, Antonie Nedosinská, Karel Lamac et Betty Kysilková, Gloriafilm, 1926
  • Dobrý voják Švejk [Le Brave soldat Švejk] de Martin Frič, Gloriafilm, 1930-1931 (photo ci-dessus).
  • Dobrý voják Švejk de Karel Steklý, Barrandov Studis, 1956 (film disponible en V.O. sous-titrée en anglais ou en allemand ; photo ci-dessus).
  • Osudy dobrého vojáka Švejka [Les Aventures du brave soldat Švejk] long métrage d’animation réalisé par l’immense Jiří Trnka, Loutkový film Praha, 1954 (photo ci-dessus).
  • Der Brave Soldat Schwejk, réalisé par Axel Von Ambesser, CCC Film-produktion, Sony Music Austria, 1960
  • Die Abenteuer des braven Soldaten Schwejk [Les Aventures du brave soldat Švejk], série télévisée en 13 épisodes réalisée par Wolfgang Leibeneiner, Polarfilm Hoanzlà, 1972 et 1976.
  • Bibliographie (très) sélective
  • The Bad Bohemian: The Extraordinary Life of Jaroslav Hasek, Creator of The Good Soldier Svejk, biographie de référence (en anglais), écrite par Cecil Parrott, parue aux éditions The Bodley Head Ltd, Londres 1978 (ISBN 0349126984) rééditée chez Abacus Books en 1983
  • Jaroslav Hašek, biographie (en tchèque) de Jiří Hájek éditions Melantrich, Prague, 1983
  • Jaroslav Hašek et le brave soldat Chveik, texte imprimé à l’occasion du 100e anniversaire de Jaroslav Hašek,  par Radko Pytlík, éditions Panorama, Prague, 1983. Radko Pytlík était déjà l’auteur d’une première biographie de Jaroslav Hašek parue en 1962 aux éditions Československý spisovatel. Depuis il a publié de nombreux travaux sur Jaroslav Hašek. Dans un entretien accordé à Radio Prague International en mai 2013, on apprend que Švejk a été traduit dans 158 langues !
  • Probleme der Švejk-Übersetzungen in den west- un südslavischen Sprachen, étude (en allemand) de Peter Kosta sur la langue utilisée par Švejk, parue aux éditions Sagner dans la collection Specimina philologiae, Slavicae. Supplementband, Munich, 1986
  • Criminal apprehensions: Prague minorities and the Habsburg legal system in Jaroslav Hašek’s The good soldier Švejk and Franz Kafka’s The Trial, une étude (en anglais) de la chercheuse Jenifer Cushman  (in Rodopi Perspectives on Modern Literature Vol. 30 : Literature and Law. aux éditions Michael J. Meyer, Amsterdam, Rodopi, 2005, pages 51 à 65). En tapant le titre sur un moteur de recherche, on peut se procurer sur demande auprès des chercheurs la version numérique de cet essai dont à ma connaissance il n’existe pas de version française.
  • Quelques ressources sur internet pour aller plus loin
1 réponse
  1. DraaK fut là
    DraaK fut là dit :

    Le commentaire qui suit est de Lombard qui, après un remarquable travail sur la fiche de l’auteur (ci-dessus), m’a envoyé un intéressant « point de vue du lecteur » :

    Le point de vue du lecteur. En tout premier lieu, « le lecteur » recommande chaudement la lecture de la trilogie de Švejk à tous ceux qui ont aimé Le Procès et peut-être encore plus Le Château.

    La postface de l’édition Folio donne une bonne idée de ce contient le second tome : « Où l’on retrouve le brave soldat Chveïk et son officier, le lieutenant Lucas […]. Virtuose du sabotage par excès de zèle, Chveïk entraîne Lucas dans les pires catastrophes. La fourberie également crétine du brave soldat, comme l’a écrit le critique Václavek, fait exploser une satire d’une extrême violence. L’armée, la guerre, la bureaucratie de l’Empire austro-hongrois, et finalement toute autorité en font les frais. »

    Si le style d’écriture de Jaroslav Hašek se distingue de celui de Franz Kafka, la lecture des Nouvelles aventures du brave soldat Chveïk, plus encore que celle du premier opus, met en évidence le parallèle entre ces deux écrivains qui, rappelons le, sont tous les deux nés à Prague en 1883. Milan Kundera est même allé jusqu’à comparer l’auteur de La Métamorphose avec ce « symbole de l’humour et de l’absurde pragois » qu’est Hašek.

    L’humour est probablement le plus important des traits communs aux deux auteurs ; on retrouve chez eux jusqu’à des expressions communes qui, bien que traduites, ne laissent aucun doute sur leur origine, ces fameux « praguismes » si souvent évoqués par Jean-Pierre Lefebvre et Georges-Arthur Goldschmidt.

    Sur le plan formel, le style de Kafka est plus énigmatique, peut-être plus subtil et recherché que celui Hašek. Là où Kafka évoque sans jamais véritablement dévoiler, Hašek décrit par l’exemple une réalité cruelle dont il rend l’évocation supportable grâce à un humour corrosif.

    Joseph K, puis K, le héros de Kafka, reste dans l’ignorance des causes de ce qui lui arrive ; il vit comme dans un cauchemar et n’arrive jamais à atteindre le but aux contours mal définis qui recule au fur et à mesure qu’il croit l’approcher. Tout au contraire, Švejk a une conscience aigüe des travers d’une société et d’un système que lui aussi subit, mais il n’apparaît jamais déstabilisé et ressort curieusement toujours indemne des épreuves auxquelles il est confronté.

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