Homère et son guide – Adolphe Bouguereau (1874)
Homère peint par Rembrandt (1663)
Homère est l’auteur (conventionnel) des deux plus anciennes épopées de la Grèce antique, l’Iliade et l’Odyssée (qui sont elles même bien postérieures à d’autres récits épiques regroupés autour du personnage de Gilgamesh, qui datent de la fin du IIIe millénaire).
L’Iliade est un ensemble de 24 chants et raconte un épisode particulier de la Guerre de Troie : la colère d’Achille, suite à l’outrage subi de la part d’Agammemnon, et les quelques conséquences suivantes. Notez qu’il n’est question dans l’Iliade, ni de l’enlèvement d’Hélène (prétexte à la guerre), ni de Cheval de Troie, ni de flèche dans le talon d’Achille. Sur ces sujets, il faut consulter :
L’Odyssée retrace le parcours d’Ulysse à la fin de la guerre de Troie, sur le chemin du retour.
Ces deux épopées sont le fondement de notre culture et s’il ne fallait lire que 10 livres dans une vie, et se sentir malgré tout cultivé, elles en feraient indéniablement partie.
// en construction //.
Editions de référence :
- Tout Homère, est paru en novembre 2019 aux éditions « Les Belles Lettres »
1296 pages, 35 €.
Sous la direction de : Hélène Monsacré, Avec la contribution de : Victor Bérard, Manon Brouillet, Eva Cantarella, Michel Casevitz, Adrian Faure, Xavier Gheerbrant, Giulio Guidorizzi, Jean Humbert, Pierre Judet de la Combe, Gérard Lambin, Silvia Milanezi, Christine Hunzinger, Postface de : Heinz Wismann.
Je copie ici l’avis de Neo-Birt7, dont le style fait parfois débat, mais dont on en peut nier qu’il connaît son affaire. Par ailleurs, il s’agit d’un avis positif, ce qui est assez rare de sa part pour être signalé (paru sur le site de Brumes, page consacrée à la Pléiade, interventions du 15 et 16 novembre 2019) :
« Malgré le sensationnalisme de sa présentation, ce Tout Homère est une somme sans équivalent dans les principales langues européennes. Personne, en effet, n’a encore assemblé tout ensemble les corpus homérique (Iliade, Odyssée) et deutéro-homérique (les petits poèmes couramment attribués à l’aède dans l’Antiquité, soit le recueil des Hymnes dits homériques, très composite puisque les pièces qui le composent s’étagent du VIIe siècle avant notre ère jusqu’à l’époque romaine ; ces épopées burlesques que constituent le célèbre Margitès dont il nous reste des bribes insignifiantes, les deux fragments, recouvrés assez récemment sur papyrus, de la Galeomyomachia, ou Bataille de la belette et des rats, et l’intégralité de la Batrachomyomachie, ou Bataille des grenouilles et des rats ; ainsi que divers fragments disjoints), en leur ajoutant une sélection du commentaire tardo-antique et médiéval dont regorgent certains de nos manuscrits iliadiques et odysséens (les Scholies) et, pour finir, l’essentiel des fragments de l’épopée archaïque dont Homère est le plus brillant représentant, ce que l’on appelle le Cycle épique (il s’agit de la mise en vers des grandes légendes de Troie et de Thèbes principalement ; on en connaît aujourd’hui seulement deux cents hexamètres à peu près, que l’on est donc bienheureux de pouvoir mettre en contexte en exploitant le résumé de cette littérature donné vers la fin de l’Antiquité par le grammairien Proclos, auteur obscur mais point stupide et qui exploitait des matériaux remontant à l’illustre Aristarque de Samothrace, le plus grand philologue que connut la Grèce, ainsi qu’à son épigone Didyme ; le texte de sa Chrestomathie, ou Manuel abrégé de littérature comme le dit son éditeur-commentateur de référence Albert Severyns, a été perdu mais nous le connaissons par les extraits que nous en donne le patriarche byzantin Photios dans le codice 239 de sa Bibliothèque et par ceux préservés dans des manuscrits : uneVie d’Homère, des Sommaires du Cycle). Si les deux épopées homériques, les Hymnes et la Batrachomyomachie sont facilement trouvables en français, les scholies, l’ensemble des fragments épiques ainsi que les autres épopées burlesques n’ont jamais été traduits dans notre langue, la Chrestomathie étant seulement disponible aux tomes II et IV du Severyns ; parler d’inédits à propos de ces matériaux constitue une exagération de publiciste, cela d’autant plus que le Proclus est reproduit ici dans la belle traduction Severyns. Le Tout Homère y ajoute encore la collection des Vies d’Homère (la principale attribuée à Plutarque, du reste faussement : De Homero), disponible pour la première fois dans un ouvrage de grande diffusion. Cette simple profusion de matériaux proposés dans une traduction correcte assortie de notices allant à l’essentiel, rend le volume indispensable au lecteur free of Greek. Les spécialistes convoqués par cette entreprise sont dans l’ensemble de bons connaisseurs de l’épos archaïque (hormis le bollackien Judet de la Combe, auteur d’une récente biographe d’Homère censée être plus avenante que celle, très savante, de Gérard Lambin (Homère le compagnon) et moins scolaire que l’Homère Fayard de l’historien et mycénologue Pierre Carlier, mais que je trouve pour ma part ridiculement postmoderne) ; on y lira l’Odyssée dans la célèbre, et toujours fringante, version de Victor Bérard (1924), en face de laquelle le texte iliadique translaté par Judet fait peut-être un peu pâle figure. Mais la traduction de la Batrachomyomachie est incontestablement supérieure à celle de Yann Migoubert, un comble sachant que ce dernier y a consacré sa recherche doctorale, et celle des Hymnes se lit mieux que la tentative de Jean-Louis Backès. Bref, de la bonne, belle, et utile besogne, à saluer chaleureusement. »
« Il convient de mentionner une lacune dans ce Tout Homère. Place n’y a pas été faite à un intéressant petit medley grec du IIe siècle de notre ère, le Περὶ Ὁμήρου καὶ Ἡσιόδου καὶ τοῦ γένους καὶ ἀγῶνος αὐτῶν, ‘Sur Homère et Hésiode, leur existence et leur confrontation’, plus connu des philologues par l’incipit de son intitulé latin (Certamen Homeri et Hesiodi, Tournoi d’Homère et Hésiode). La conjecture de Nietzsche professeur de grec à Schuhlpforta selon laquelle le Certamen reposerait principalement sur un écrit beaucoup plus ancien, le Musée du sophiste et disciple de Gorgias Alcidamas d’Elée, s’est confirmée au XXe siècle par plusieurs trouvailles papyrologiques et jette une lumière intéressante sur l’état de la philologie homérique dans l’Athènes des Ve-IVe siècles. Le Certamen préserve un lot d’épigrammes attribuées à Homère, miniatures poétiques fort médiocres qui n’ont strictement aucune chance d’être de lui ni même de remonter à l’archaïsme grec, ne serait-ce que par leur technique métrique, mais qui n’en présentent pas moins le même genre de titres à figurer dans Tout Homère que les Vies ou les épopées burlesques. Il en existe une édition traduite et commentée fort bien faite, distillation d’une dissertation de l’université de Durham dirigée par Barbara Graziosi : Paola Bassino, The Certamen Homeri et Hesiodi. A Commentary, Berlin-New York, De Gruyter, 2019. »
- Les Belles Lettres
Collection des Universités de France (CUF)
L’Iliade : un volume d’introduction + 4 volumes
Texte établi et traduit par Paul Mazon
Texte bilingue, comme toujours pour cette collection.
Compter en moyenne 30 € par volume, neuf.
L’Odyssée : trois volumes
Texte établi et traduit par Victor Bérard.
Les deux premiers à 36 €, le dernier, pourtant plus fin, à 43 € (y aurait-il un marché fluctuant du Belle Lettre ?)
- Neo-Birt7, à qui l’on peut visiblement faire confiance, nous signale ci-dessous l’édition Bouquins, de Louis Bardollet, 1995.
« clair, net et sans prétentions (…) avec un appareil scientifique de qualité. » (24,5 € ; qui regroupe en outre les deux textes, Iliade et Odyssée).
Voir également la contribution de Neo-Birt7 , ci-dessous, pour qui s’intéresserait aux éditions étrangères.
Livre(s) et ressource(s) recommandables.
- Pierre Carlier, « Homère », édition Fayard, mai 2008, 415 pages.
Un bon livre (adoubé par Neo-Birt7), facile d’accès, que j’ai eu le tort de lire sans prendre de notes (TOUJOURS prendre des notes…) ; il me faudra donc le relire avant d’en donner le détail ici.
Dans mon souvenir : Très bonne introduction à la lecture d’Homère.
- Moses I. Finley, « Le Monde d’Ulysse. », Editions Points, 236 pages.
Il s’agit donc du « monde d’Ulysse », mais l’Iliade est traitée tout autant ou plus que l’Odyssée.
J’ai pour habitude de résumer mes lectures : difficile de ne pas constater que les cinq chapitres sont très riches. Beaucoup de matière très intéressante et chaque page apporte une ou deux réflexions notables.
Après un premier chapitre introductif (qui est Homère ? De quels grecs parle-t-on ?), le chapitre 2 répond à la question traditionnelle : A quelle époque se placent les chants d’Homère ? D’après Moses I. Finley, Homère évoque un temps ancien, celui des Héros (qui s’intercale dans les quatre âges antiques (or/argent/bronze ou cuivre/fer), avant l’âge du fer ; avec certainement un noyau mycénien très atténué et déformé pour des raisons artistiques, politiques, par négligence ou par erreur (Homère n’est pas historien)). Le chapitre 3 décrit l’importance des richesses et des statuts (en particulier le « thète », ce déshérité dont le sort est pire que celui de l’esclave). Le chapitre 4 tire des textes les conclusions qu’il peut concernant la famille, la royauté, la communauté (place du peuple par rapport à l’aristocratie et à la royauté…) Un très riche chapitre 5 aborde les mœurs et les valeurs du temps telle qu’on peut les reconstituer (traitement de la justice ; notions de courage et d’honneur ; place des femmes ; relations entre Achille et Patrocle ; place de la divinité). Deux appendices assez fournis (et que j’ai sentis déjà assez datés) critiquent les analyses historiques qui ont suivi la publication du « Monde d’Ulysse » et font le point sur les fantaisies et l’apport réel de Heinrich Schliemann).
Par rapport au livre présenté ci-après (« Le monde d’Homère ») : J’ai eu le sentiment que « le monde d’Ulysse » était à la fois plus riche, moins structuré (la lecture s’apparente plus à une discussion abordant de fil en aiguille les sujets sans que le découpage en chapitre soit finalement très pertinent), et plus centré sur l’histoire que sur l’intérêt littéraire des textes. Le mieux est de considérer que ce sont des livres complémentaires.
A noter d’ailleurs une bibliographie commentée par l’auteur du « Monde d’Ulysse », Pierre Vidal Naquet. Cette bibliographie date de 1978 mais a été complétée en un « complément » séparé daté de mars 1990 dans mon édition de 2012.
Un livre en tout cas très recommandable.
- Pierre Vidal-Naquet, « Le monde Homère », édition Perrin, collection Tempus, septembre 2002, 162 pages.
L’historien fait le point en neuf chapitres sur les questions classiques soulevées par les oeuvres d’Homère :
Qui est Homère et quand ont été rédigés les poèmes (chapitre 1) ; Quel est le monde décrit par Homère (chapitre 2 – Sur cette question importante, l’avis de Pierre Vidal-Naquet est qu’Homère a tenté de décrire un monde antérieur au sien, mais l’historien nous rappelle que, bien évidemment, la notion de « monde mycénien » qui est une dénomination d’historien contemporain lui était étrangère et qu’Homère n’est pas plus historien dans l’Iliade qu’il n’est géographe dans l’Odyssée) ; Comment sont décrits les grecs et les troyens (chapitre 3) ; comment se fait-on la guerre, la paix et comment meurt-on dans Homère (chapitre 4) ; l’organisation des hommes et des Dieux (chapitre 5) ; la place des femmes, de l’enfance et de la vieillesse dans le monde décrit par Homère (chapitre 6) ; le commerce, la monnaie et la hiérarchie des métiers et des positions (chapitre 7).
Dans un très beau chapitre 8, qui est à mon sens le chapitre marquant et original du livre, Pierre Vidal-Naquet fait le point sur la poésie d’Homère et nous montre la beauté du texte, en prenant deux exemples et en particulier la célèbre et poignante fuite d’Hector devant Achille.
Le dernier chapitre s’appelle « questions homériques » ; mais il fait plutôt le point sur la réception ultérieure d’Homère (Thucydide minimisant la guerre de Troie pour mettre en valeur son propre sujet : la guerre du Péloponnèse, etc.) et aborde en un pot-pourri différents sujets intéressants. Par exemple : Les travaux de Milman Parry sur les épithètes homériques et le style formulaire.
A vous de jouer maintenant !
Pour mémoire, l’édition citée est suivie de la mention [par défaut] qui apparaît s’il n’y a pas encore eu de discussion sur le sujet.
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- discuter des mérites et défauts des différentes éditions
- de la place de l’auteur ou de l’oeuvre dans la culture de son temps
- de l’importance de l’auteur ou de l’oeuvre pour un lecteur contemporain
- de ce qu’il représente pour vous
- des livres ou autres sources très recommandables pour comprendre l’auteur / l’oeuvre / son influence
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Concernant les sources secondaires pour l’Iliade, je me permets de mentionner le court article de Simone Weil, L’Iliade ou le poème de la force, 1940 (disponible en « ebook libre et gratuit »), qui montre comment la force (exercée ou subie, qui tour à tour modifie, aveugle, entraîne, courbe l’âme humaine, pour paraphraser le premier paragraphe) est « le vrai héros, le vrai sujet, le centre de l’Iliade ». La date de parution de l’article n’est pas indifférente au propos.
Les nombreux extraits de l’Iliade sont traduits par S. Weil, qui signale: « Chaque ligne traduit un vers grec, les rejets et enjambements sont scrupuleusement reproduits ; l’ordre des mots grecs à l’intérieur de chaque vers est respecté autant que possible. » Ces principes de traduction d’Homère semblent partagés par plusieurs traducteurs. Pour avoir lu une traduction de l’Iliade selon ces principes (j’y reviendrai dans un prochain commentaire), la force poétique des rejets et enjambements est indéniable.
Le texte de Simone Weil est disponible en pdf :
https://www.ebooksgratuits.com/pdf/weil_iliade.pdf
Il est la parfaite illustration de l’actualité de l’Iliade : Chaque guerre réactualise le texte d’Homère. Voilà qui répondrait, s’il le fallait, aux questions « Pourquoi est-ce un classique ? » et « Quel intérêt de le lire encore de nos jours ? »
Ceci dit, le ton grave de Simone Weil (l’époque le voulait), oublie aussi quelque chose : c’est l’humour indéniable dans le texte d’Homère, que l’on retrouve à maints endroits et qui m’avait surpris à première lecture (Zeus se plaignant de sa femme, Thersite se faisant rouer de coups, la couardise de tous face à Hector (chant VII), Pâris qui quitte le combat au chant III pour rejoindre (chaleureusement) Hélène, et qu’Hector ne retrouve… qu’au chant VI ; les guerriers, testés par Agamemnon au chant II et qui courent aux nefs…)
Je voudrais aussi signaler « Pourquoi la Grèce ? », de Jacqueline de Romilly. Mme de Romilly est plus une femme de lettre qu’une historienne, m’a-t-on déjà signalé. Mais dans son petit livre, chapitre I, plusieurs de ses remarques sont très pertinentes :
– tous les héros, à une exception, sont beaux ; et non seulement ils sont beaux, mais ils sont décrits avec une économie de détail qui les rend universels. Hélène est « aux bras blancs » ; Nausicaa est « comme un jeune palmier ». Tous les sentiments se présentent sous la forme la plus dépouillée possible. Et cette simplicité, ce dépouillement, cette économie de moyens facilitent l’idendification à travers les lieux et les époques.
– les héros homériques sont beaux et vaillants, mais toujours à la mesure humaine. Tous doivent souffrir et mourir. Même les Dieux sont soumis au Destin (comme vous le signalez : la force est le vrai héros). Tous connaissent le doute et l’hésitation.
– l’universalité de l’Iliade tient aussi au choix du sujet. Sur les milliers de thèmes possibles dans cette longue guerre, il a été retenu : une humiliation, une colère, un deuil, un vengeance et un apaisement.
Enfin, elle a signalé (peut-être dans un autre livre ?) la beauté et la modernité de la scène où l’enfant Astyanax prend peur à la vue de son père casqué (fin du chant VI) ; Hector dépose son casque et berce son fils.
« Il dit et met son fils dans les bras de sa femme ; et elle le reçoit sur son sein parfumé, avec un rire en pleurs. »
L’intemporalité, la vérité de cette scène, et la merveilleuse expression « le rire en pleurs » est comme un flèche qui a traversé 2800 ans pour nous parvenir, intacte.
Merci de m’avoir fait découvrir ce texte de Simone Weil. Il est admirable et me tire les larmes (j’ai la larme facile, comme Racine). Je le ferai découvrir à d’autres. Je voudrais insister sur la haute valeur intrinsèque de ce texte, pris pour lui-même, hors la question de sa pertinence ou non à l’égard d’Homère. La date de sa composition, alors qu’une violence inouïe s’apprêtait à détruire irrémédiablement l’Europe et peut-être le monde, alors que le destin de l’humain (connaissait-elle l’horreur des Camps ou la pressentait-elle ?), lui donne un sens et une hauteur particuliers. Texte sur la force et son action destructrice, mais surtout sur la déshumanisation : sa description des vaincus, des vivants qui ne sont pas encore morts et pourtant déjà dépouillés de toute humanité, des esclaves ni morts ni vivants, fait froid dans le dos.
1940 : elle n’a que 31 ans, elle n’a que 3 années à vivre et le monde lui-même est en péril mortel.
J’attire votre attention sur le petit livre de Rachel Bespaloff : De l’Iliade, publié aux éditions Allia, qui constitue une excellente introduction à l’œuvre d’Homère. Outre un portrait des principaux héros du poème épique, il s’interroge sur la signification du destin et sur le rôle des dieux dans les malheurs humains. J’ai bien aimé la comparaison de l’Iliade avec la Bible ou avec La Guerre et la Paix de Tolstoï. A la lecture de ce livre, on s’aperçoit que les grands conflits entre cités, nations ou empires sont des guerres de religion. Même Napoléon, le nouveau Hector, n’échappe pas à cette dimension symbolique de la condition humaine. Comme disait Léon Bloy : « Napoléon, c’est la Face de Dieu dans les ténèbres ».
Je signale de plus la traduction par Leconte de Lisle des deux poèmes d’Homère, à titre historique. Elle est facilement disponible sur le net.
‘Homère’ (conventionnellement, le poète de l’Iliade et de l’Odyssée, qu’une petite majorité de spécialistes refuse d’attribuer au même créateur génial, ce que croient en revanche volontiers les tenants de la poétique orale) est l’auteur grec techniquement le plus difficile à éditer. On croule littéralement sous les manuscrits de l’Iliade (environ 250, plus 1500 papyrus répertoriés) ; ceux de l’Odyssée sont à peu près 80, avec 560 papyrus. Les variantes que nous ont laissés les trois grands éditeurs-commentateurs alexandrins, Zénodote d’Ephèse, Aristophane de Byzance et surtout Aristarque de Samothrace, sans conteste le philologue le plus pénétrant de toute l’Antiquité gréco-romaine ; les citations antiques ; les imitations ; les gloses et les scholies (riches et très volumineuses pour l’Iliade, beaucoup plus schématiques et pauvres pour l’Odyssée) ; ainsi que les gigantesques commentaires en grec byzantin d’Eustathe (celui à l’Iliade constitue l’oeuvre la plus longue de la littérature grecque préservée, toutes époques confondues), ajoutent encore à ce tableau écrasant. Une bonne édition critique est donc celle dont l’apparat critique en bas de pages donnera sous une forme exploitable les variantes que leur forme linguistique autoriserait à rentrer dans le texte s’il n’y avait d’autres considérations (critiques, paléographiques, sémantiques, textuelles) tout en proposant une version de chaque poème scientifiquement défendable – on entendra par là un texte reposant sur une bonne connaissance de l’état présent des études sur le dialecte homérique, la transmission de l’oeuvre, et la poétique, ce qui n’exclut pas les prises de positions personnelles de l’éditeur. Ne répond pas à cette définition l’édition Weidmann d’Helmut van Thiel (Hildesheim, Olms : « Odyssée », 1991 ; Iliade, 1996) ; l’auteur était le dernier des vieux Diviseurs (Analystes) pour lesquels les deux épopées sont un patchwork de morceaux de provenances diverses, et il édite un texte basé sur les plus anciens manuscrits médiévaux sans se soucier des variantes papyrologiques ni de celles des Alexandrins. L’édition présentant la plus grande solidité est la nouvelle Teubner d’un autre savant récemment disparu, Martin L. West : « Homeri Ilias », Leipzig / Stuttgart, Teubner-Saur, 1998-2000, 2 vol. ; « Homeri Odyssea », Berlin / Boston, de Gruyter, 2017. Il est hautement malheureux qu’il ait décidé de sanctuariser dans ses apparats plusieurs prises de positions sur les travaux de Zénodote et d’Aristarque sur lesquelles les réfutations convaincantes ont plu comme grêle pendant la décennie qui a suivi la sortie de son Iliade ; il donne ainsi à l’épigone Didyme presque tout le crédit que l’on attribue d’ordinaire à Aristarque. Qui veut prendre une idée de l’immense bagage documentaire en amont du texte consultera la précédente édition Teubner, par Arthur Ludwich, « Homeri carmina recensuit et selecta lectionis varietate », Leipzig, Teubner, 1889-1907, 4 vol., dont l’apparat est le plus volumineux disponible ; pour la seule Iliade, l’édition maior de Thomas W. Allen, « Homeri Ilias », Oxford, Clarendon Press, 1931, réimpr. chez Sandpiper, Londres / Chicago, 2000, 3 vol. dont 1 de prolégomènes anglais, dispense le matériel le plus riche à sa date connu et reste indispensable pour ses sondages dans le maquis des manuscrits byzantins, car ce paléographe de très grande classe a exploré ces derniers pendant plus de quarante ans. Ni Ludwich ni Allen ne donnent, cela dit, un bon texte, tous leurs soins ayant été à l’élaboration d’un apparat qui couvre plus de la moitié de chaque page ; l’édition Teubner antérieure, par le très bon connaisseur de la langue homérique qu’était Jacob La Roche (« Homeri Odyssea. Ad fidem librorum optimorum », Leipzig, 1867-1868, 2 vol. comprenant d’utiles prolégomènes latins ; « Homeri Ilias. Ad fidem librorum optimorum », ibid., 1873-1876, avec une préface d’une page, les prolégomènes promis n’ayant jamais paru en raison tant du mauvais accueil fait à l’Odyssée de La Roche par Ludwich que du décès de son épouse), demeure ainsi un excellent compromis, en raison de son apparat habilement rédigé qui repose sur une base manuscrite suffisante. Pour la seule Iliade, il existe encore une jolie édition de Wilhelm von Christ (en latin : Guilhelmus Christ) : « Homeri Iliadis carmina. Seiuncta discreta emendata, prolegomenis et appartu critico instructa », Leipzig, Teubner, 1884, 2 vol., fruit d’une subtile pensée analytique et très habilement conçue. Les autres éditions recommandables sont essentiellement linguistiques – elles s’efforcent de rétablir le dialecte présumé original des poèmes en fonction d’hypothèses très hasardeuses sur la date et la provenance géographique du poète. Une seule mérite une mention ici, en raison de sa rubrique des vers répétés, qu’aucune édition courante ne signalise : deux élèves de l’immense Cobet, Johannes van Leeuwen (auteur d’une Grammaire homérique encore utile, « Enchiridium dictionis epicae », Leyde, Sijthoff, 1892-1894, modernisée mais réduite dans l’édition de 1918) et M. B. Mendes da Costa, ont donné quatre moutures de leur Homère chez Sijthoff entre 1888 et 1917.
Les traductions françaises de l’Iliade et de l’Odyssée sont pléthore. Les plus répandues, celle de Paul Mazon dans l’édition Budé de l’Iliade (par ailleurs médiocre), et celle de Victor Bérard dans son Odyssée Budé (travail très analytique et contestable, avec un apparat bizarrement rédigé), se lisent encore avec agrément. Mazon est un traducteur à la fois inventif, subtil et plein de panache, toujours attentif à donner une idée de la rapidité et de la fluidité du grec homérique ; Bérard a (beaucoup) moins bonne presse chez les universitaires, qui leur reprochent, non sans raison, de sacrifier la fidélité au rythme, mais la modernité de son texte, le choix judicieux d’archaïsmes ou de néologismes pour restituer la saveur des glossa homériques, ces vieux mots dont le poète lui-même ne savait le sens et sur lesquels l’Antiquité s’est écharpée, a surpris plus d’un professeur du secondaire ou d’université en notre époque férue de slam. La grande mode lancée par la tentative pionnière de Jaccottet veut qu’on translate Homère stique français après stique français en s’affranchissant des formes métriques propres à notre poésie (Jaccottet pour la seule Odyssée, Frédéric Mugler pour l’Iliade et l’Odyssée) ; les enjambements sont ainsi rendus très sensibles (ce qui n’a guère de sens dans l’optique de la poésie grecque ancienne, où la norme était justement de ne pas faire coïncider phrase et vers), mais on n’y gagne pas grand-chose. Mieux vaut une prose de bon artisan ; à cet égard, l’Homère clair, net et sans prétentions de Louis Bardollet peut faire l’affaire (Paris, Laffont, 1995, avec un appareil scientifique de qualité). La Pléiade a réimprimé la traduction Bérard et y ajoute une Iliade qui tente d’imiter la diction bérardienne par les soins de Robert Flacelière, qui fut directeur de l’Ecole Normale Supérieure, un helléniste de qualité et le meilleur spécialiste français de Plutarque ; ce volume reste à mon sens un viatique très intéressant pour aborder l’étude d’Homère. On peut encore trouver en poche les traductions Mario Meunier (1943), dont le style me semble assez cuistre mais devrait intéresser les amateurs de style emphatique ; autant préférer les volumes des Classiques Garnier où l’Iliade a été donnée par Eugène Lasserre, traducteur valeureux de l’intégralité de Tite-Live, et l’Odyssée par le grand aristotélisant et spécialiste de versification grecque Médéric Dufour avec la collaboration de Jeanne Raison après sa mort prématurée. Comme une curiosité attachante, je mentionnerai, pour finir, la traduction du chant I de l’Iliade par Emile Littré dans une langue médiévale de haute volée ; les alexandrins rimés y sont splendides et très denses à la fois.
Une nouvelle édition Budé de l’Odyssée fut conviée à Michel Woronoff dans les années 70 ; la thèse qu’il soutint sur Homère en 1977 n’est jamais parue, de même que ce savant, aujourd’hui octogénaire, n’a fait paraître aucune étude préparatoire ou article. Le projet est soit enterré, soit scientifiquement trop faible pour être publié ; sa traduction de l’Iliade parue chez Casterman, Bruxelles / Paris, en 1990, ne valait en effet pas grand chose, même si on allègue sa destination puerorum in usum.
La bibliographie homérique est proprement monstrueuse, s’agissant du domaine d’étude le plus vaste de toutes les sciences de l’Antiquité, à cheval sur la linguistique grecque, la mycénologie, l’histoire, l’archéologie, la philologie, la narratologie, les études orales, et le comparatisme gréco-oriental (j’en oublie, et non des moindres). Les deux ouvrages de base en français, le premier très aisé, le second surtout profitable à qui détient un certain vernis d’hellénisme, sont Pierre Carlier, « Homère », Paris, Fayard, 1999, surtout estimable pour la mise en place historique, et Gérard Lambin, « Homère, le compagnon », Paris, C.N.R.S., 1995, synthèse complète pas trop viciée par des thèses personnelles.
Avis d’un simple lecteur, sans transition avec le commentaire précédent:
J’ai récemment lu l’Iliade en folio classique, traduite par Jean-Louis Backès. J’ai apprécié cette traduction, assez fluide, en vers libres avec respect des enjambements et rejets, qui donnent du rythme (mais voir ce que dit Neo-Birt7 des enjambements ci-dessus). Courte préface, note sur la traduction et notes sur le texte (qui je pense disent l’essentiel et ne sont pas trop nombreuses au point de briser le rythme de la lecture), postface intéressante « L’Iliade sans travesti » de Vidal-Naquet. Par contre, cette édition est truffée d’un nombre incalculable d’énormes fautes d’orthographe et d’accord (de mémoire, à partir du milieu du texte, une toute les quinze pages environ). C’est proprement honteux, et j’en étais tellement énervé sur le coup que je comptais retourner le livre à la librairie gallimard raspail pour me le faire rembourser et demander le renvoi pour faute professionnelle lourde du relecteur ! (mais finalement, je m’en suis remis!)
J’avais lu il y a une quinzaine d’années la traduction Mazon, en prose, qui j’avoue m’avait moins enthousiasmé (mais cela ne saurait valoir comparaison des traductions… plutôt celle du « moi » d’il y a quinze ans avec l’actuel).
J’ai aussi lu le « foliothèque » sur l’Iliade, de Backès également. Un commentaire forcément succinct, mais qui décrit bien la réception de l’œuvre à travers les âges, la langue et les thèmes homériques, suivi d’une quarantaine d’extraits de commentaires (~1 page chacun) par des critiques et surtout de grands écrivains, et enfin, la comparaison sur des extraits de plusieurs traductions françaises (mais pas celle de Mazon malheureusement).
A noter également, une traduction récente par Philippe Brunet, spécialiste de scansion, en métrique quantitative, c’est-à-dire en hexamètres dactyliques français ! A ceux qui trouvent cela totalement artificiel, il répond (il me semble), que cela l’était déjà un peu pour la langue grecque. On peut voir sur youtube des extraits de représentations de sa compagnie Demodokos, et un entretien intéressant (https://www.youtube.com/watch?v=tyMJuvwJhqw).
Je reviens sur les traductions, pour un avis personnel et pas du tout autorisé: je ne pense pas que l’ordre des mots doive toujours être la préoccupation principale du traducteur, mais tout de même, le premier mot de l’Iliade est notoirement « colère ». Or Lecomte de Lisle, Brunet et (de mémoire) Mazon traduisent à peu près : « Chante, déesse, la colère du Pélide Achille ». La traduction de Backès: « La colère, chante-la, déesse, celle du Pélide Achille \\ La pernicieuse, … » a ma nette préférence.
Très fine remarque, Ben.
Ces premiers mots de l’Iliade et le commentaire que vous en faites m’ont fait penser à « La haine de la littérature », un essai de William Marx, dont le premier chapitre (qui vaut à lui seul l’achat du livre, paru aux Editions de minuit) commente Homère et ses effets littéraires.
Je cite un passage concernant l’incipit :
La Muse qui ouvre l’Iliade et l’Odyssée n’est pas un vain mot. Elle fait mieux que les ouvrir : elle les chante. (…) L’aède ne peut chanter que ce que chante en lui, par lui, l’inspiratrice divine. (…) Ainsi commence l’Iliade et tout le fil du récit se débobine de l’appel initial à la Muse par ajouts successifs à la phrase d’ouverture, sans que jamais rupture ne soit marquée de la parole du poète à celle de la déesse, qui se substituent l’une à l’autre par l’effet boule de neige de l’invocation. (…) L’Iliade s’offre à la fois comme une seule et longue prière à la Muse et comme le chant de la Muse elle-même. Il faut abdiquer ici la thèse moderne selon laquelle aucune proposition ne peut se prévaloir de deux énonciateurs concomitants. (etc.)
Une réflexion au passage : Des commentaires, et du nombre de manuscrits /papyrus cité par Neo-birt7, l’on voit bien que l’Iliade stimule plus que l’Odyssée (pourtant pleine de péripéties, de créatures mythologiques et, en un sens, plus variée que l’Iliade. Si l’on m’avait demandé de trouver le best-seller entre une Iliade et une Odyssée moderne, j’aurais parié sur le mauvais cheval).
L’Iliade est en effet considérée comme l’épopée majeure et l’Odyssée comme l’épopée mineure. On ne sait si l’Odyssée a été composée par la même personne (appelée conventionnellement « Homère »), par un membre de son « école » ou par un imitateur doué (« composée » à partir d’une tradition orale multiséculaire, bien sûr, et ce pour les deux épopées); cf début du commentaire de Neo-Birt7 ci-dessus.
On a pu qualifier l’Odyssée (un peu plus courte: 12000 vers contre 16000 environ) de poème des femmes (voire composé par une femme), sans doute du fait de femmes plus présentes dans le poème: Calypso, Circé, Nausicaa, Athéna, Euryclée et bien sûr Pénélope (même si l’on ne saurait oublier les femmes de l’Iliade (nécessairement troyennes puisque ceux-ci « jouent à domicile »): Hélène décrivant les guerriers achéens, Andromaque et son rire en pleurs, Hécube pleurant son fils), et aussi aux thèmes: guerre, colère et « force » (cf. Simone Weil) d’un côté, ruse et retour au foyer familial de l’autre.
Pourquoi cette hiérarchisation, et quand s’est-elle développée ? Je suis preneur de toute information à ce sujet. Je remarque simplement que l’unité d’action (dont l’unité de temps est conséquence) semble mieux respectée dans l’Iliade: sur les dix ans de guerre (nous sommes alors dans la neuvième année), c’est l’épisode unique de la colère d’Achille qui est chanté (cette colère prend certes fin au chant XVIII quand Achille reprend les armes pour venger Patrocle, mais tout le reste de l’Iliade en est conséquence logique et nécessaire — on peut même dire que la colère d’Achille est « transférée » sur Hector), épisode qui ne dure que neuf jours si je me souviens bien (si on ne compte pas les deux périodes de douze jours « de délai » donnés au début pour l’ambassade de Thétis et à la fin pour les funérailles d’Hector). Donc l’Iliade respecterait mieux ce critère de la Poétique d’Aristote. Il me semble cependant que dans la Poétique, c’est l’Odyssée qui est citée en exemple pour l’unité d’action, en notant qu’a contrario, un poème qui chanterait l’ensemble de la vie d’Ulysse n’aurait pas l’unité d’action requise. Noter que pour l’Odyssée, malgré la longueur de celle-ci (dans le langage courant, il y a d’ailleurs une connotation de longueur dans « odyssée »), l’unité d’action et de temps est atteinte grâce à l’artifice du « récit dans le récit » chez les Phéaciens. Certains critiques ont argüé que la partie appelée « Télémachie » (le voyage de Télémaque dans le premier tiers du poème) constituait une entorse à cette unité, mais celle-ci est nécessaire au retour simultané d’Ulysse et Télémaque à Ithaque.
Il me semble en y réfléchissant que le souffle épique est plus présent dans l’Iliade que dans l’Odyssée. Par paresse (« mais il est tard, Monsieur »), je fais une liste de raisons qui me le font penser, ce qui m’évitera de trop rédiger:
– les thèmes cités plus haut,
– de mémoire, y sont plus nombreuses et employées à meilleur escient, il me semble, les épithètes homériques (Achille pieds-rapides, Hector dompteur de cavales, Nestor conducteur de chars…) et surtout les formidables comparaisons homériques (quelles admirables ruptures de constructions!),
– les épisodes d’assemblées et de conseils chez les hommes et chez les dieux,
– les descriptions de beaux ouvrages (vase, casque à défenses de sanglier, bouclier d’Achille…),
– le « rire homérique » de la fin du premier chant,
– la description des combats (Brunet parle de ces hexamètres (« à rallonge » si enjambement) qui décrivent un jet de lance et n’en finissent pas de finir, depuis le bras étiré en arrière du lanceur, la trajectoire dans les airs, jusqu’à la blessure, la lance qui s’enfonce, qui traverse le corps, ou si esquive qui va se planter derrière sa cible, et qui fichée en terre continue d’y vibrer…); le bruit des armes résonnant sur les corps qui tombent, ou qui plongent tels des poissons de leur char qui ensuite s’emballe…,
– cette pause irréelle du chant VI que DraaK a évoquée ci-dessus, avec notamment l’épisode ou Hector voit Andromaque et Astyanax; puis au dernier chant, les trois pleurs successifs accueillant le cadavre d’Hector (Hélène, Hécube, Andromaque), et bien évidemment la douleur de Priam qui les a précédés.
Le poème chantant l’homme aux mille ruses, le héros d’endurance, semble en regard moins épique. J’y admire d’autres aspects, que je qualifierais presque de techniques romanesques, notamment les mises en abyme avec d’une part le récit d’Ulysse chez les Phéaciens (ou celui de Nestor à Télémaque), et d’autre part les deux aèdes (dont Démodokos) chantant des épisodes dont un mettant en scène Ulysse, et faisant pleurer l’Ulysse auditeur. Et puisque DraaK mentionne à juste titre les péripéties, il faut mentionner également les reconnaissances (l’autre des deux techniques mentionnées dans la Poétique), dont l’Odyssée (reconnaissance d’Ulysse par Télémaque, par Argos dans un passage émouvant, par Euryclée, enfin par Pénélope) fournit l’archétype.
Quant à DraaK qui craint avoir misé sur le mauvais cheval: quand on parle d’Ulysse, il faut toujours se méfier des histoires de chevaux (« et dona ferentes ») !
J’ai récemment lu l’Odyssée en folio classique, traduction de Bérard, courte préface de Brunet, notes en bas de page (+courte bibliographie, chronologie, résumés, cartes, index). Pour les notes, c’est vraiment le strict minimum nécessaire à la compréhension du texte, et il est donc possible de passer à côté de plusieurs allusions mythologiques, par exemple.
Quant à la traduction de Bérard, en prose « rythmée » (périodes de six syllabes), je n’en puis vérifier l’exactitude, ne connaissant le grec, mais la lecture en est très fluide et agréable. C’est la même traduction que pour les éditions Budé et Pléiade.
Comme pour l’Iliade, il y a aussi un court « foliothèque » de Evanghelia Stead, sur le même principe: commentaire (j’en ai notamment retenu des remarques intéressantes sur l’agencement des différentes aventures d’Ulysse), extraits de commentaires d’écrivains et critiques à travers les âges, et comparaison de traductions (mais sur un seul extrait de sept vers, et uniquement des traductions des XVIIe et XVIIIe, comparées à la traduction Dufour-Raison en GF, donc ni Bérard ni Jaccottet ni Meunier).